Démission de Bouteflika avant le 28 avril : Une transition piégée en héritage

Démission de Bouteflika avant le 28 avril : Une transition piégée en héritage

C’est un autre miracle de la rue en Algérie. Abdelaziz Bouteflika a accepté de démissionner. Et cela, avant la fin de son mandat. Il y a deux mois, pareille perspective murmurée à l’oreille d’un Algérien sceptique aurait déclenché une série d’incantations de dénégation et d’incrédulité. Mais c’est bien ce que les oreilles des compatriotes de Karim Tabou et de Ahmed Ouyahia ont entendu ce 1er avril 2019. Et ils peuvent se rassurer que ce n’est nullement un poisson d’avril. Bouteflika veut s’en aller, mais à sa manière, en y mettant certaines formes.

Ainsi donc, Bouteflika, président partant, mais pas encore parti se donne 4 semaines pour tout baliser avant de faire valoir ses droits à la retraite. Le communiqué présidentiel  laconique est passé hier en boucle sur les chaînes de télé algériennes, informant de ce départ prochain, du célèbre malade de Zeralda. Boutef veut «terminer» certains chantiers républicains avant de «circuler» en passant le témoin au président du Conseil de la Nation, la Chambre haute du parlement Abdelkader Bensalah à charge pour lui de tenir les élections dans les 90 jours selon l’esprit de l’article 102.

Quels sont ces dossiers si vitaux pour l’Algérie que lui le grabataire doit «préparer» avant de céder le fauteuil ?

Est-ce le temps de «caser» certains de ses protégés ? Est-ce pour permettre d’obtenir des garanties judiciaires pour certains de ses proches, avant de quitter le pouvoir ?

Quel rôle sera dévolu au général Salah, qui bien qu’il ait poussé pour l’application de l’article 102 de la Constitution, semble demeure un pion de Boutef ?

Quoiqu’il en soit, ce laps de temps que l’encore président algérien s’est imparti est assez suffisant, pour baliser beaucoup de choses, et refiler les patates chaudes au patron de la transition, en l’occurrence, le président du sénat.

Deux hypothèses se dégagent, après cette démission annoncée :

– soit le peuple algérien relâche la pression tout en étant vigilant, car il y a loin les annonces au passage à l’acte.

– soit les manifestations ne cessent pas, même après le passage de témoin au président intérimaire, car un ressort est cassé entre les Algériens et l’actuel pouvoir, si fait que tout ce que ce dernier entreprend, est jugé suspect aux yeux des populations.

Parce qu’en Algérie, ce n’est pas le départ de la personne de Bouteflika qui pose vraiment problème. Ce n’est pas la quintessentielle exigence des banderoles brandies depuis six semaines dans les rues de ce pays dont la maturité du peuple force la sympathie et l’émerveillement. Non. C’est bien plus que l’image effilochée du président grabataire. C’est la fin de tout un système qui est écrite dans les cœurs qui chantent un renouveau en Algérie. Et cette fin ne sera pas certainement actée dans les « mesures importantes » que prévoit le président  Bouteflika avant sa démission. Que pourraient-elles renfermer dans leurs entrailles si ce n’est les œufs d’une rampe de lancement dudit système aujourd’hui aux abois ? Le Président du Sénat, qui va remplacer logiquement le président démissionné,  est-il issu hors du sérail de « l’homme fort » en chute libre ? L’autre question simple, c’est est-ce que l’actuelle Constitution est-elle désormais apte à faire vague au mur de la vague constituée par la soif de changement de la nouvelle Algérie ?

En tout cas, c’est un système fossilisé, rongé par tout ce qu’il y a comme laideurs dues à l’usure du pouvoir, qui se donne quasiment un mois pour réfiler une transition forcement piégée en perpective, au patron du Sénat, c’est-à-dire un existant politique fangeux en héritage . D’ici à ce 28 avril, date de la forclusion constitutionnelle de ce 4e mandat déjà indu, Boutef aura-t-il le temps de «finir» les chantiers qui lui tiennent à cœur et si indispensables à l’Algérie ? Ce sera également sans doute, le mois le plus long pour le pays, qui reste «ventouse» à l’après-Boutef, tout en craignant un saut dans l’inconnu .

Ahmed BAMBARA

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