Fragile armistice constitutionnel au Soudan : Les militaires joueront-ils franc-jeu durant l’interminable transition ?

Fragile armistice constitutionnel au Soudan : Les militaires joueront-ils franc-jeu durant l’interminable transition ?

Faut-il dire merci à Mohamed Ould Lebatt et Mahmoud Drir les 2 missi dominici de l’UA et de l’Ethiopie au Soudan, après que le général Daglo n°2 de la junte et Ahmed Al-Rabie, leader des civils aient paraphé la déclaration constitutionnelle hier 4 août 2019 ?

Oui, si l’on tient compte de leur 2 mois de durs labeurs et des évènements sanglants de ces dernières semaines, notamment de la boucherie du 3 juin, et de l’assassinat des 5 étudiants le 29 juillet, et surtout de la volonté manifeste du général Abdel Fatah Al-Burhan et Cie de garder le pouvoir.

Alors parvenir à faire accepter les ex-compagnons du satrape El-Béchir, une dévolution du pouvoir aux civils relevait de la prouesse, voire du miracle. Mohamed Lebatt le médiateur de l’UA et Mahmoud Drir son homologue éthiopien peuvent donc légitimement pavoiser car, ils ont réussi à lever un gros goulot d’étranglement de cette marche radieuse des Soudanais vers la liberté et la démocratie confisquées depuis 30 ans par les militaires. Les fondements de l’édifice démocratique sont en friche, il reste à les consolider et à ériger la voûte.

Mais ce modus vivendi politique reste fragile, car comme tout texte, c’est à l’épreuve du terrain qu’il s’avère réaliste, faisable où au contraire si les conditions dirimantes le condamnent à une inapplication certaine.

Mais, c’est surtout chapeau bas à l’Association des professionnels soudanais (APS), à l’Alliance pour le changement et la liberté (ALC) et à tous les démocrates soudanais qui ont fait plier ce quarteron de généraux, qui ont joué la montre, avant, de guerre lasse, lâcher du lest.

Précieux mais fragile accord global donc à Khartoum dont la mise en musique au pas de charge est d’abord une de ses faiblesses insignes :

  • signature officielle le 17 août de l’Accord dans son entièreté.
  • 18 août : désignation des membres du Conseil souverain
  • 20 août : choix du premier ministre
  • 28 août : désignation des membres du gouvernement
  • 3 mois après, désignation des 300 parlementaires de l’Assemblée législative.

Et enfin, si tout va bien, dans 3 interminables années, ce sera le grand soir pour les Soudanais car ils prendront le chemin des urnes pour les élections. Le 1er danger d’un dérapage de ce pouvoir intérimaire réside donc dans ce timing.

Après 3 décennies de dictature sous la férule d’Omar El Béchir, et plusieurs mois de lutte contre ses compagnons d’arme, qui faisaient du Béchir, sans Béchir, lentement, difficilement mais inexorablement, les Soudanais prennent le chemin escarpé de l’Etat de droit.

Mais sans doute, le grand ventre mou de cet aggiornamento politique demeure le Conseil souverain, notamment dans la posture qu’auront les militaires.

Certes de l’envergure des 6 civils sur les 11 commissaires de cet organe exécutif dépendra la finition de la transition puisque ce sera un civil qui managera le processus les 18 derniers mois.

Mais pour la première tranche de cette longue transition, ce sera un militaire au gouvernail de l’exécutif civilo-militaire. D’où ces questions basiques :

  • Au cours de ces 18 mois, ces soldats habitués au raccourci militaire, au passage en force, joueront-ils franc-jeu ? Quel sort réservé à Omar El Béchir, dont le début du procès est concomitant à la désignation des membres du gouvernement le 18 août 2019 ?
  • Comment se débarrasser du prurit du système El Béchir, vomi par les Soudanais ?

En clair, est-ce que l’année et demie, impartie pour les civils pour être au-devant de ce pouvoir intérimaire, ne sera pas semé de chausse-trapes par les militaires ? Peut-on faire confiance aux militaires ?

Convenons-en : cette déclaration constitutionnelle est un bon dessin vers la démocratisation du Soudan, encore faut-il que ceux qui vont le colorier le fassent bien et avec sincérité. C’est dire que les Soudanais devront toujours être sur le boute-selle, et Mohamed Ould Lebatt et Mahmoud Drir les 2 médiateurs, très regardants sur le suivi de cette transition forte en probabilité d’embardées.

La REDACTION

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