Le discours du chef d’état-major de l’armée algérienne Ahmed Gaid Salah a dû réconforter Abdelaziz Bouteflika. Cela change un peu des coups de boutoir assenés depuis plusieurs jours par les opposants à son vœu de cinquième mandat.
C’est vrai que le «vieux» et les treillis n’ont pas toujours été en odeur de sainteté. Mais devant certaines situations, il peut arriver que le chat et le chien se serrent les pattes pour traverser une rivière en crû, ne serait-ce que le temps de laisser la tempête passer. Encore que dans le cas d’espèce, le général Salah doit bien cela à Boutef, car c’est le locataire du palais d’El Mouradia qui a fait le vide dans la hiérarchie militaire pour le hisser là où il est : les généraux Mediene, Betchine et autre «Toufik», (son ennemi juré) ont été mis sur la touche pour laisser le champ libre à Salah, qui est à présent le Big Brother algérien et la carapace du régime. Autrement dit, tout l’appareil répressif est entre les mains du chef d’état major et vice-ministre de la défense.
Retour à l’ascenseur donc d’un securocrate qui sait à qui il doit sa position, mais aussi, posture d’un général qui défend ses privilèges car dans la grande muette, on imagine que le général Salah n’a pas que seulement des amis.
En secouant l’épouvantail des années «braise et de douleur», le chef militaire espère semer le doute et la peur dans le cœur des jeunes manifestants algériens. Mais peut-être qu’en adoptant le langage informatique, le militaire devrait taper sur la touche «F5» pour actualiser son niveau de compréhension de la mentalité de la jeunesse algérienne.
Pendant les fameuses années de braise, avait-il vu les manifestants balayer les rues après leur protestation ? Ou encore ces jeunes mobilisés dans les ruelles qui scandent, mais paisiblement et pacifiquement leurs idées, leurs avis, leurs désirs, leur envie que cette tentative désespérée de Bouteflika de rester au pouvoir malgré le poids de l’âge ? Certainement pas. Et même à la disparition d’Habib Bourguiba, et même avant, on avait vu apparaître de mortifères luttes de clan, car le «combattant suprême» avait fait le vide autour de lui. C’est quasiment pareil actuellement avec la «nomenklatura» Bouteflekiste.
Pourtant le célèbre malade d’Algérie devrait se convaincre que les Algériens ne sont pas aussi amnésiques au point de rêver de marcher dans la même mélasse qui leur avait rendu la vie horrible il y a une vingtaine d’années. Le président algérien devrait donc avoir la «sagesse» de comprendre cet état de fait et en tirer des leçons. Car si l’armée est le garant de la stabilité, elle est aussi le dernier recours, et c’est un secret de polichinelle que le général-major Gaid Salah, se verrait chausser les patogasses du maréchal égyptien Al-Sissi
Du reste, on se demande jusqu’où le soutien de l’armée algérienne ira-t-il ? Et pendant combien de temps durera-t-elle ? L’armée osera-t-elle tirer sur des manifestants pacifiques ? Est-ce sa vocation première ? Car les militaires algériens ne viennent pas de la planète Mars et font partie du peuple. Même phagocytés dans le moule astreignant de la discipline militaire, ils ne retournent pas séjourner sur des arbres pendant leur «permission» ou leurs quartiers libres. Ils rejoignent des familles algériennes, celles-là même qui figurent parmi les milliers de manifestants qui inondent les rues du pays pour exprimer leur envie de voir un changement qualitatif dans leur espérance de vie. C’est dire que l’armée est prête à protéger Boutef, mais sous réserve que la situation ne devienne pas ingérable, que le peuple recule. Car si d’aventure la réprobation de la rue s’amplifiait… et d’ici le 18 avril tout basculait, par l’étalage de quelques macchabées. En ce moment, entre Boutef et le peuple, Gaid Salah, n’aura pas le choix.
Plutôt donc que d’essayer d’épouvanter des Algériens qui n’ont vraiment plus rien à perdre au point justement d’avoir peur, les efforts et les énergies pourraient être concentrées pour faire entendre raison à un président sortant candidat à sa propre succession qu’il y a une heure pour tout et que tout a une fin. On ne peut faire son temps et celui de ses fils et petits-fils. A 82 ans, malade, l’enfant de Tlecem a droit à aller se soigner loin des problèmes de la Républiques.
Ahmed BAMBARA
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