Discours ambivalent de Jupiter à ce 30e anniversaire du génocide rwandais : Le Bonaparte filiforme de 1994 n’en démord pas !

share Partager

7 avril 1994-7 avril 2024, il y a 30 ans le pays des mille collines se transforma en pays aux mille fosses communes. Près d’un million de Tutsis et Hutus modérés furent massacrés en quelques jours. Dépôt de gerbes de fleurs, et allumage de la flamme du souvenir par le couple Paul Kagame, début du kwibuka (célébration), marqué par une cérémonie au stade BK Arena, suivi du «walk to remember» (marche du souvenir) par 3 000 personnes avec toujours Kagamé en tête. Tels sont les clous de ce 30e douloureux anniversaire au Rwanda, relayé en modo-vision par plus de 200 médias en présence de 16 chefs d’Etat annoncés. Quel rôle a joué ou n’a pas joué la France dans ce génocide ? Qu’a fait exactement

l’opération Shizophrene Turquoise ? Que s’est-il passé sur la colline de Bissessero ?

Ces questions ont fait danser le yoyo dans les relations entre Kigali et Paris, et au fil des présidents depuis Chirac à Macron, il y a eu beaucoup d’incompréhensions, de dénégations, de faux fuyants, de péripéties judiciaires, et enfin un semblant de processus de normalisation depuis quelques années, lequel s’est accéléré sous le 1er mandat de Macron avec la Rwandaise Louise Mushikiwabo hissée à la tête de l’OIF, la réouverture de l’ambassade de France au Rwanda… Mais il y a mieux, en mai 2021, lors de la visite historique d’Emmanuel Macron au Rwanda au 27e anniversaire de cette tragédie, le chef de l’Etat français a laissé entendre, qu’il y a une responsabilité de la France dans ce génocide.

Ce 4 avril 2024, soit 72 heures avant la commémoration des 30 ans de ce triste anniversaire lequel génocide a néanmoins contribué au cimentement de cette Nation-martyr, 3 jours avant ces 30 ans, Jupiter n’a certes pas fait le déplacement de Kigali, mais il a dépêché son ministre des Affaires étrangères Stéphane séjourné en tournée en Afrique et celui de la mer, et de la biodiversité, Hervé Berville, rescapé rwandais. Mais surtout, il s’est adressé, en visioconférence, hier jour «J» de cet anniversaire aux Rwandais, où on a senti un Macron désireux de colmater les brèches toujours existantes entre les 2 pays mais qui est resté au stade de la responsabilité de la France, qui doit «regarder le passé en face». Pourtant, 3 jours avant, jeudi passé donc, l’Elysée s’est fendu d’une sortie inédite remise à la presse, laquelle si elle ne prend pas à revers celle du 4 avril ne l’affirme plus : avant la phase d’extermination au Rwanda, la Communauté internationale, y compris la France aurait pu arrêter cet innommable avec ses alliés africains et occidentaux tel était le verbatim élyséen jeudi 4 avril ! Le mantra jupitérien de la réconciliation varie-t-elle et pourquoi ?

En tout cas, hier 7 avril, via un message à l’occasion de cette journée mémorable pour le Rwanda, Macron n’a plus répété celui du 4 avril remis à la presse. Et l’Elysée explique que le 1er propos a été extrapolé.

A l’évidence, Paris n’est toujours prêt à franchir le Rubicond, car le message donné aux médias s’approche de celui de mai 2021, lors du séjour jupitérien à Kigali. Comment expliquer qu’en l’espace de 72 heures, le discours officiel de la présidence française sur un sujet aussi sensible, qui provoqua des relations en dents de scie avec Kigali, comment expliquer cette inflexion de 180° pour ne pas parler de rétropédalage ?

Paris s’est-il rendu compte que ce n’est pas le moment, ou c’est trop de se déculotter ainsi en assumant les propos de jeudi dernier qui se rapprochent de façon subreptice à la complicité. Comment a-t-on accueilli ces 2 discours ambivalents à Kigali où pourtant la France est bien représentée par 2 ministres dont celui des Affaires étrangères ? Pas peut-être le temps de s’attarder sur ces détails. Ou plutôt si à travers le discours de Paul Kagamé au stade BK Arena : dans ce speech, le président rwandais a répété mutatis mutandis ce qui a été attribué à Macron le 4 avril dernier : le manque de réaction de la Communauté internationale, il y a 30 ans, l’humiliation subie par le Rwanda, la responsabilité internationale… la Communauté internationale nous a laissés tomber, dira en substance Paul Kagamé. N’est-ce pas dit autrement le communiqué élyséen du 4 avril qui affirme que cette Communauté internationale a failli, au moment de l’activation de l’extermination des Tutsis et Hutus modérés dont la France, car elle aurait pu arrêter cette fureur noire ?

En tout cas ce n’est pas à ce 30e anniversaire, que certains aspects de ce passé qui ne passe pas passeront. Des tabous du génocide résistent sur cette question, pourtant les choses ont positivement évolué entre Paris et Kigali, et le chef de l’Etat rwandais qui reste droit comme une lance tutsie, prendra acte de cette position moitié pain-moitié mie distillée en 72 heures. Responsabilité, pas plus côté Elysée et impassibilité et interrogation, vues du côté d’Urugwiro village, la présidence rwandaise.

C’est sûr, les relations France-Rwanda sont appelées encore à évoluer. Notamment sur la complicité, celle de la responsabilité étant déjà assumée par la France. 30 ans après que le Bonaparte filiforme de 1994 ait marché de Kampla à Kigali pour mettre fin au génocide, rien n’est acquis dans la totale normalisation des relations entre les 2 pays.

 Zowenmanogo Dieudonné ZOUNGRANA

0 réaction

Votre réaction
Nom
Adresse de messagerie
Site internet