Dossier Norbert Zongo : Que faut-il attendre de l’audition de François aujourd’hui ?

share Partager

Un Burkinabè né le 13 décembre 1998 aura 19 ans, ce 13 décembre 2017. Il aura atteint l’âge de la majorité. Ce qui signifie que le dossier Norbert Zongo a atteint l’âge de la maturité, s’il était conjugué au rythme de vie d’un être humain. Dès son enfance, un certain sinistre 13 décembre 1998, ses vagissements douloureux ont retenti de façon sourde à l’oreille de l’appareil judiciaire.

Porté par tout un peuple qui a manifesté sa colère et son courroux dans la rue, paralysant tout un pays pendant deux ans, ses pleurs n’ont pas réussi à émouvoir les juges et les acteurs du monde judiciaire. Il a fallu l’insistance des organisations de masse pour qu’une instruction s’ouvre de façon timide, s’emmêle ses pinceaux et des pieds dans un balbutiement. Le peuple a pu entendre dans l’embrouillamini de postillons indistinctement qu’un certain adjudant Marcel Kafando, serait l’exécutant de la basse besogne.

Ce dernier se serait levé tranquillement pour s’acquitter de ce crime odieux, sans aucune instruction de qui que ce soit. Mais finalement, dans une virevoltante pirouette dont seuls une certaine catégorie de magistrats ont sans doute le secret, un non-lieu a été prononcé, disculpant le seul et principal accusé, le seul bout de corde que la famille éplorée de Norbert Zongo et ces millions de Burkinabè en colère tenaient et qui pouvaient mener à la vérité. Norbert Zongo venait ainsi d’être tué pour la deuxième fois et enterré de même. Un enterrement qui aiguillonnera la lutte des hommes et femmes épris de justice.

La flamme de cette lutte, à l’image de cette petite lueur de feu emprisonnée dans une lampe-tempête posée à l’entrée du Centre de presse Norbert Zongo, n’est pas restée éteinte. Elle est restée allumée, vivace, parfois vacillante, mais toujours déterminée jusqu’à un certain 31 octobre 2014, quand l’ancien président Blaise Compaoré a pris le chemin de l’exil alors que le soleil était au zénith. Le zénith de la justice ? En tout les cas, nombreux de celles et ceux qui voulaient enfin voir la lumière sur ce dossier croyaient voir en lui la boule lumineuse qui allait illuminer près de 20 ans d’obscurité tombée sur cette atrocité inhumaine.

Et ils n’avaient pas tort. Sous l’impulsion de la transition, qui a donné un coup de pied dans la justice comme un bouvier chicoterait un âne qui refuse d’avancer, les choses ont considérablement bougé. Michel Kafando, Chériff Sy et Isaac Zida ont par leur action et leur poids, réussi à faire rouvrir le dossier en justice.

C’est de ce renouveau que jaillira ce mandat d’arrêt international lancé contre François Compaoré, ci-devant ancien conseiller économique et petit-frère de l’ancien grand sachem du Faso, Blaise Compaoré. Longtemps niée, peu créditée par certains Burkinabè, l’évidence est cependant tombée comme un couperet sur un François Compaoré stupéfait à l’aéroport de Roissy. Il est conduit devant un juge français et une cage invisible s’abat sur lui, dont les frontières sont marquées par les limites du territoire français.

L’espoir naît à Ouagadougou et à Koudougou. Les procédures d’extradition sont enclenchées. Le président français Emmanuel Macron promet d’y mettre tout son poids, même si le dos de la Justice française reste imperméable aux pluies externes. Mais tout porte à croire, et les combattants de la justice pour Norbert Zongo, et par ricochet David Ouédraogo, y croient fermement, du côté de Paris, la justice bouge.

Et ironie du sort, c’est ce 13 décembre 2017 que le juge français procèdera à cette première audition.  Que faut-il en attendre vraiment ? Les conditions sont-elles réunies pour qu’il atterrisse à Ouagadougou ? Faut-il craindre que l’argument déjà avancé par son avocat ne pèse dans la balance de sa relaxe ? Le fait en effet que le Burkina ne puisse pas garantir des conditions idéales d’un procès équitable peut plomber l’hypothèse de cette extradition.

Si d’aventure, la Justice française décide de ne pas agréer à la sollicitation pressante de sa collègue du Burkina, on risque fort d’assister à un troisième enterrement de ce dossier. Car, François Compaoré reste le seul chemin qui puisse aboutir à l’alvéole de la vérité. Un suspect sérieux, selon les plus extrémistes. Ce qui serait souhaitable, c’est qu’il vienne parler devant un tribunal burkinabè, qui tranchera en toute impartialité et toute transparence, afin que les âmes de Norbert, de ses compagnons et de sa mère qui a quitté la terre le 1er décembre, l’amertume au cœur, puissent reposer en paix. Bref qu’au moins la tragédie de Sapouy puisse connaître son épilogue . UNe

Ahmed BAMBARA

0 réaction

Votre réaction
Nom
Adresse de messagerie
Site internet