Macron en Algérie : Alger n’est pas Ouaga

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Les visites de chefs d’Etat français en Algérie se suivent et se ressemblent, de  par le timing et l’identité du locataire du Palais El Mouradia. D’abord, les 3 prédécesseurs de Macron s’y sont rendus pour leur première visite en Afrique, avec Jacques Chirac en 2003, Nicolas Sarkozy en 2007 et François Hollande en 2012. Tous ont chacun, eu leur bain de foule, et surtout tous ont été reçus par le même président, Abdelaziz Bouteflika. Il est vrai qu’avec ses 3 devanciers, Boutef. n’était pas sur une chaise roulante.

La ressemblance s’arrête là, puisque Macron a réservé sa première visite en Afrique qui a été le Maroc, au grand dam du voisin, même si le candidat Macron s’était rendu à Alger. Pour cette visite-éclair, effectuée par un «ami» de l’Algérie qui refuse d’être «otage du passé», Emmanuel Macron va sacrifier à son rite habituel : l’adresse à une jeunesse, aussi impatiente que frileuse de briser les barrières de tout acabit.

Vue des rives du Kadiogo au Burkina, d’Eburnie en Côte d’Ivoire, ou d’Akossombo au Ghana, cette visite marcroniste n’a pas la même tonalité, même si des bribes et quelques passerelles lient le discours d’Alger au grand speech de Ouaga. Dans la capitale burkinabè, c’est une invite à de nouvelles relations, sans cette ombrageuse françafrique «décomplexée», et surtout sans référence au passé colonialiste qui lie l’Hexagone à l’Afrique.

Lui, le jeune homme qui n’a pas connu la colonisation n’a pas à la prendre comme référentiel, ni en être prisonnier. Mais avec Alger, Paris a toujours des rapports complexes, faits d’un mélange d’amour-répulsion, due à l’histoire qui les rattache et dont les réminiscences refont surface à chaque occasion. Si en Afrique de l’Ouest, notamment dans l’ex-glacis, la France ne bénéficie plus de la même bienveillance qu’il y a 3 ou 4 décennies, en Afrique du Nord, c’est carrément des ressentiments qui sont exprimés à la France.

L’Algérie a très tôt perçu la posture macroniste à son égard et plus généralement au Maghreb. Alger souhaitait être le partenaire privilégié dans la région alors que justement, Macron se refuse à être déclencheur du statut de «force régionale du Maghreb». Toujours, ce refus de se mêler de ce passé, qui ne  passe pourtant pas.

Pour lui, tous les pays du Maghreb se valent et à bien des égards, le Maroc et l’Algérie sont égaux de l’autre côté de la Méditerranée, ce qui ulcère les Algériens, à commencer par le camp de Boutef. qui comptait sur lui pour aider à trancher l’après-nonagénaire d’El Mouradia. Mais diantre, que peut ressentir vraiment le quadra de l’Elysée, tête bien faite et bien pleine, qui a snobé tous les codes pour être élu, que peut ressentir un tel jeune homme face à un président, qui pourrait être son père, perclus dans une chaise roulante ?

Pas grand-chose, surtout pas de perspectives. Alors, il ne peut que se tourner vers les jeunes. Cependant, se tourner vers cette jeunesse, qui ronge son frein pour obtenir des visas, venir en France, étudier, travailler, suppose, apurer certains contentieux, donc, exhumer ce passé, et en brûler certains scories.

La restitution à l’Algérie des crânes de révoltés tués par un commando expéditionnaire en 1849, lesquels crânes sont au Musée de l’homme, rentre dans ce chapitre de préalables. Au-delà, certains brûlots sécuritaires du moment justifient aussi ce séjour : Barkhane qui ratisse le septentrion malien, sait que cette guerre asymétrique ne s’aurait être gagnée, sans une collaboration franche de l’Algérie, accusée à tort ou à raison d’offrir le gîte et le couvert à certaines têtes de ponte djihadistes.

Cependant, à dire vrai, il faudra, une autre visite d’Etat, celle-là, pour affiner, cette «nouvelle page d’avenir» que Macron veut ouvrir surtout dans ce pays, avec lequel les relations demeurent très sensibles, en dépit du temps qui passe.

Sam Chris

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