Prestation télévisuelle du président de la Transition du Burkina : L’armure fendue de la «clarification» d’IB

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Pas question de couper le fil diplomatique avec la France. Les relations en la matière demeurent bel et bien en vigueur. C’est l’Accord militaire du 17 décembre 2018 qui a été dénoncé et son article 16 appliqué et qui stipule en l’occurrence que l’opération Sabre doit plier bagages.

Pour ce grand oral inattendu livré sous forme d’interview à la télévision nationale le 3 février 2023, le président de la Transition burkinabè, le Capitaine Ibrahim Traoré a opté de débuter par le divorce militaire avec l’ex-Métropole intervenu le 23 janvier 2023, sujet sensible et d’actualité s’il en est, lequel a pris un relief plus accentué le jour de son coup d’Etat fin septembre-début octobre 2022 par une accusation de cette opération Sabre d’avoir hébergé le lieutenant-colonel Damiba et pris fait et cause pour lui. Un argument qui a élargi son soutien populaire, et change le rapport de force.

Ce 3 février 2023, cette sortie avait les allures de la «clarification» demandée par le président français, Emmanuel Macron, lequel voulait qu’IB s’exprime sur cette dénonciation. «Clarification» un peu à postériori, mais «clarification» tout de même. C’est assez clair. Dont reacte pourrait-on dire au bord de la Seine. Mais en fendant l’armure, 4 mois après sa révolution de palais, IB dresse le bilan mais surtout est projeté sur les perspectives de cette Transition qu’il cornaque :

- Sur le même registre de la lutte contre le terrorisme, Wagner n’est pas au Burkina, et le Capitaine IB a avoué que ce n’est qu’élucubrations de journalistes, puisque lui-même a été abasourdi d’apprendre que les walkyries d’Evgueni Prigojine sont là et «seraient même logés dans un hôtel». voilà encore qui est clair comme l’eau de roche.

Concrètement sur la lutte contre cette pieuvre, malgré les supputations, la stratégie du MPSR 2 est en branle. On est à la phase de certaines frappes aériennes, mais les opérations aéroterrestres n’ont pas débuté. En réalité, foi d’IB, on en est à l’étape de la récolte de toutes les informations, mais que les Burkinabè se rassurent, tout est observé, ausculté, noté par les renseignements, bref, Big Brother veille et bientôt, la grande offensive d’une guerre totale sera déclenchée, pour en finir avec le terrorisme, qui sera défait. C’est en tout cas tout le mal qu’on peut souhaiter pour le Burkina, lequel depuis 7 années, ploie sous le joug funeste d’une guerre indiscriminée qui tue civils, FDS et VDP.

- Dans le domaine de la justice, le président de la transition semble privilégier une sorte de justice transitionnelle, version «gatchatcha» rwandaise en faisant allusion à la reconversion sociale des prisonniers. Certes, les embastillés du pays des mille collines qui ont bénéficié de ce régime carcéral étaient plus ou moins concernés par le génocide de 1994, or au Burkina, cette justice par la pratique des travaux d’intérêt commun ne concernera pas les criminels, foi d’IB. Pourquoi les «gatchatcha» quand on sait que souvent, exceptés les crimes de sang, nombreux sont ceux qui sont dans les liens de la privation de la liberté, soit pour avoir puisé dans les caisses de l’Etat ou pour des questions politiques ? Encore que Paul Kagame, a avoué il y a quelques années que tout ce qu’il met en pratique, il est venu le chercher … au Burkina Faso.

- Géologue de formation, IB était visiblement à l’aise sur les questions minières puisqu’il compte relire le code minier, et examiner ce que le Burkina gagne réellement dans ce secteur où souvent les choses sont floues.

- Pour ce qui est des réformes institutionnelles, c’est connu, la Transition a dans son agenda une réélection constitutionnelle, une réduction de la pléthore de formations politiques et fixer les règles du jeu de la démocratie laquelle démocratie est censée renaître le 1er juillet 2024, selon le chronogramme actualisé de la Transition dont le draft a été remis au premier ministre, il y a quelques jours. C’est donc un entretien au cours duquel IB a égrené ce qu’il va accomplir pour mettre le Burkina Faso sur les rails de l’Etat de droit avant de partir. De bonnes idées, mais beaucoup de projets dont la faisabilité  nécessite plus de temps que celui dévolu à la présente transition, sauf à vouloir la prolonger.

La refondation d’un Etat ne peut se faire en 18 mois surtout dans un Burkina multicrisé avec comme priorité première, la reconquête des 40% de son territoire occupés par des croquants sanguinaires.

C’est pourquoi, si dans cette multitude d’actes forts qu’IB compte poser, s’il pouvait en réaliser 2 ou 3 dans leur plénitude, ce serait déjà ça de gagné. Par exemple, circonscrire le terrorisme, déboucher certains goulots d’étranglement qui plombent l’économie (la lutte contre la corruption en faisant rendre gorge ceux qui ont saigné l’Etat) et en créant les conditions pour de bonnes élections, il aura réussi son magistère de président intérimaire. En voulant tout faire, ce qui est impossible, même si en temps normal, tout ceci est dans les cordes d’un président, en ratissant large, il risque de faire certains mal, à moitié ou pas du tout. Le temps, c’est ce que n’a pas le MPSR 2 pour réaliser ce chapelet de chantiers, à moins de jouer les prolongations.

Zowenmanogo Dieudonné ZOUNGRANA

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