Procès d’Ahmed Abba : La levée d’écrou enfin  ce 21 décembre ?

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Maroua, 31 juillet 2015. Un journaliste se retrouve dans les liens de la détention au Cameroun. Un chef d’accusation hallucinant : les termes sont enveloppés, mais ils renferment bien une réalité, Ahmed Abba est accusé d’être un terroriste. Ou à tout le moins, d’en être un complice. S’enchaîne alors une série de déboires qui conduira le correspondant en langue haoussa de RFI dans les couloirs de la police, de l’armée et de la justice. Cela fait donc deux ans et 5 mois, une éternité !

Mais si ce n’était que les ennuis judiciaires, son calvaire aurait certainement pu être plus supportable. Mais à l’audience du 16 novembre 2017, il a raconté avoir subi des violences d’ordre physique et moral entre les mains de ses geôliers. Tout ceci, dans le but de lui faire avouer un crime qu’il crie sur tous les toits, depuis deux ans, n’avoir pas commis.

C’est à l’issue de ces péripéties et ces tortures que les accusations ont été formalisées : apologie d’acte de terrorisme et non-dénonciation et blanchiment de produits d’acte de terrorisme. Dans un contexte où le Cameroun est sur les dents pour combattre une certaine secte dénommée Boko Haram qui ne fait pas de cadeau à ses forces et à ses habitants, il est normal et compréhensible que tout ce qui est en rapport avec les terroristes soit traité avec la plus vigoureuse des manières.

Ces organisations qui ont décidé de se faire entendre par la terreur sont passées maîtresses dans l’art d’utiliser des techniques insoupçonnées et des plus élaborées pour être fortes et atteindre leurs objectifs. C’est ainsi qu’elles recrutent dans leurs rangs des hommes et des femmes sur lesquels aucun soupçon ne peut normalement planer.

La stratégie de l’infiltration par des acteurs irréprochables a connu des résultats. Le Cameroun pourrait donc utiliser cet argument pour voir derrière la tête de Ahmed Abba, le spectre du diable en personne. Du reste, il l’a utilisé.

Voilà pourquoi après une procédure judiciaire aux allures d’acrobatie juridique pour trouver quelque chose à reprocher au journaliste, il a finalement été lourdement condamné. L’accusation pour  apologie d’acte de terrorisme a été abandonnée.

Les têtes chercheuses des accusateurs n’ont pas réuni assez d’éléments pour faire valider ce ticket qui aurait pu alourdir la peine prononcée contre Abba. Malgré l’absence de témoins, et de l’impossibilité pour les experts d’en trouver. Car il y en a eu : 10 ans d’emprisonnement pour non-dénonciation et blanchiment de produits d’acte de terrorisme. En avril dernier, le couperet de cette prétendue justice est tombé : 10 ans pour museler un artisan de la liberté d’expression, 10 ans pour condamner un journaliste dont le seul tort est d’avoir voulu informer, en clair, faire son job ! Un travail d’ailleurs, salué royalement, par un prix décerné par une ONG américaine, ce qui n’est pas le fait du hasard pour Ahmed Abba.

Dans le contexte du terrorisme ambiant, surtout avec les estocades de Boko Haram, les termes du journalisme sont fortement impactés. Les règles qui le gouvernaient jadis sont soumises à de fortes interrogations. Un journaliste doit-il dénoncer un terroriste qu’il a interviewé ? La réponse paraît aisée pour un nationaliste, un patriote, une victime d’un acte terroriste.

Mais, le journaliste est plongé dans un profond dilemme, écartelé entre sa déontologie qui lui impose la protection de ses sources et son éthique qui lui soufflerait de penser à ses compatriotes, aux vies humaines qui pourraient être menacées. Faut-il alors le condamner systématiquement, lorsqu’il protège ses sources ? La question reste en suspens.

Cependant, et en tout état de cause, condamner un journaliste pour n’avoir pas dénoncé un terroriste est une condamnation qui est tirée par les cheveux et verse facilement dans l’exagération. Encore que dans le cas d’espèce, la justice militaire a beau chercher, point de preuves ou d’indices graves et concordants en l’espèce !

A l’évidence, notre confrère qui n’a aucun pilotis pour soutenir l’écrasante masse de cette accusation posée sur ses épaules, doit être libéré et rendu à sa rédaction, ce 21 décembre 2017. Cette énième audience, doit être celle de la levée d’écrou pour l’innocent, Ahmed Abba.

Ahmed BAMBARA

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