Depuis Dag Hammarskjöld jusqu’à Antonio Guterres, les grand mess à la Maison de verre de Turtle Bay se suivent et se ressemblent. Un marronnier politique annuel, où les grands et les petits de la planète viennent vitupérer souvent sans suite. Ce mardi 25 septembre d’ailleurs débutera le défilé des discours. Certains parleront devant un aréopage de public assez étoffé, du fait de la puissance de leurs Etats, tels Donald Trump des USA, le Français Emmanuel Macron. Tandis que d’autres à l’instar des chefs d’Etat africains s’adresseront à une salle quasi-vide. Ainsi fonctionnent les AG de l’ONU, dominée par les membres du Conseil de sécurité, et leurs alliés.
Pour la cuvée 2018, la lutte pour le rétablissement du multilatéralisme qui fout le camp est le thème majeur dans un monde, qui a certes tourné le dos à la guerre froide, et au bipolarisme, mais qui s’achemine vers l’individualisme et du chacun pour soi. Les 107 chefs d’Etat et de gouvernement se retrouvent donc déjà divisés sur l’approche pour la paix ou son avènement dans le monde. Et c’est à peine à mots couverts que Jean-Yves Le Drain, le ministre français de l’Europe et des affaires étrangères l’a laissé entendre et sans doute les grands oraux de Trump et de Macron, seront aux antipodes, car prônant désormais deux mondes différents.
Alors que d’un côté, on essaie de consolider certains acquis pour cimenter la paix, on a la vague impression que le 45e président des USA s’attèle à détricoter tous les acquis engrangés au nom d’un chauvinisme américain que même certains de ses compatriotes ne saisissent pas. Et l’absence de Poutine et de Xi Jinping est révélatrice qu’un grand malaise plane sur l’ONU. Et l’Afrique dans ce grand raout onusien ? Peu de voix africaines seront audibles, pour ne pas dire, que nos chefs d’Etat parleront certes, mais dans quelle oreille, leurs propos tomberont ? Pas grand-monde, et même si cela était le cas, peu de retour. Cas du G5-Sahel, plombé par les Etats-Unis, qui refusent qu’elle soit chapeautée par les Nations unies, en dépit des efforts de la France, et déréchef du rassemblement des écots suffisants pour pérenniser cette force censée remplacer Barkhane. La même Amérique refuse qu’on muscle le mandat de la MINUSMA au Mali. Bref l’Afrique sera encore la grande délaissée de ce qui est pourtant présenté comme The place to be, la place où il faut être pour se faire entendre.
Seul bémol au moins pour cette 73e AG, un fils de l’Afrique a sauvé la mise : Nelson Mandela. Bien que le thaumaturge anti-apartheid ne soit plus de ce monde, l’anniversaire de sa naissance a servi de prétexte pour célébrer hier 24 septembre «un sommet Nelson Mandela pour une paix globale». La veuve de Madiba Rachel était d’ailleurs présente et a pris la parole. Et à écouter Moussa Mahamat Faki, le président de la commission de l’UA, les valeurs universelles léguées par celui qui repose sur la colline de Qunu, restent d’actualité dans un monde tourmenté et meurtri. De la Syrie au Mali, du Yemen en Somalie, c’est un XXIe siècle de guerres. Et s’il pouvait se réveiller, il ne désavouerait pas ceux qui ahanent à inverser les aiguilles du multilatéralisme.
Dans cette tour de Babel donc, au détour de ce mini-sommet consacré à l’icône de la nation arc-en-ciel, c’est la voix de l’Afrique qui a retenti, comme celle de Orphée en enfer, car cette voix est celle de la mauvaise conscience de ceux qui s’echinent contre la paix. Une voix retentissante et devant laquelle, chacun fait profil bas, à défaut de répliquer. Nul n’est indispensable dit-on, mais notre monde est souvent orphelin de certaines personnes, à l’instar de Nelson Mandela. Il sauve ce coup-ci les meubles de l’Afrique, souvent aphone sur ce podium mondial.
La Rédaction


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