Le maillet du Conseil d’Etat en France a retenti, fracassant. François Compaoré peut être extradé de la France vers le Burkina Faso pour répondre devant la Justice du «Pays des Hommes Intègres». L’affaire Norbert Zongo veut l’entendre et écouter sa version des faits. Les murmures, les regards, les propos, les accusations voilées, les suspicions rampent et courent vers le puîné de l’ex-chef d’Etat du Burkina le soupçonnant d’être impliqué, à défaut d’avoir donné l’ordre, dans l’assassinat atroce du directeur de publication du journal «L’Indépendant» et de ses trois compagnons. Atroce par la commission, mais aussi dans l’exécution, puisque les corps des infortunés ont été boucanés.
C’est le sordide autodafé de Sapouy il y a 23 ans, c’est-à-dire une éternité. Mais c’est un crime qui ne passe pas. Et si la justice et les Burkinabè sont ventdébout pour qu’on entende l’ex-conseiller économique de Blaise Compaoré, c’est que beaucoup ont l’impression, que depuis ce 13 décembre 1998, il a toujours réussi à se soustraire à cette justice des hommes, combien minimale et fragile, mais qui essaie de coller à son emblème, la balance.
Depuis lors, la tour de garde veille, guette et attend que les suspects viennent tenter de se dédouaner, afin que la lumière puisse être faite dans cette affaire.
Plus d’une vingtaine d’années après cette atrocité, celui que de nombreux doigts indexent dans l’obscurité doit donc être extradé. Le décret présidentiel français, après être passé par plusieurs tamis judiciaires, est arrivé au sommet de la pyramide judiciaire française. Il attend désormais exécution. Un seul rempart reste. C’est la Cour européenne des droits de l’homme. Les avocats de François Compaoré veulent exercer cet ultime recours, espérant qu’une décision de juridiction supranationale pourrait tremper les jarrets du décret français et empêcher l’avion arborant pavillon Burkina Faso d’emporter leur client au «Pays des Hommes Intègres».
Toutefois, pour gravir les échelons de l’honneur et arborer les fanions de la dignité, et même prouver son innocence ne serait-il pas mieux que François Compaoré décide de rentrer de lui-même se livrer à la Justice de son pays ? Ses avocats craignent, et peut-être lui-même, sérieusement à l’hypothèse d’un attentat à sa vie ou d’une décision judiciaire qui pourrait menacer son existence terrienne. Mais il faut être réaliste. Quel Burkinabè pourrait aujourd’hui essayer de tuer François Compaoré ? Certes, les tentatives d’humiliations ne manqueront pas. Des mots et des verbes peu amènes fuseront certainement. Des gens vont essayer de lui faire comprendre qu’entre le Capitole et la Roche Tarpéienne, l’espace est très étriqué. Grandeur et misère du pouvoir lui seront rappelées, via les réseaux sociaux mais ce sera tout ! Les faits de 1998 sont suffisamment graves et l’opinion burkinabè a été tellement choquée qu’une personne qui serait liée à cette affaire ne pourrait pas être épargnée de quelques diatribes.
Mais il est impensable qu’il soit mis sur le billot, tel que le conçoivent et le prédisent ses avocats. Des exemples de retour au pays sans grand encombre montrent du doigt l’humanisme et la retenue des Burkinabè. Eddie Komboïgo, patron de l’ancien parti au pouvoir ou Luc Adolphe Tiao, dernier Premier ministre de Blaise Compaoré sont effectivement revenus au pays et n’ont pas pour autant été lynchés. On dira que ce n’est pas le même degré de crimes réels ou supposés. Mais on retiendra le putsch avorté de septembre 2015 perpétré par le Général Gilbert Diendéré. La répression consécutive à ce coup d’Etat a fait des morts. Mais Gilbert Diendéré n’a pas pour autant été lynché. Au contraire, il a été jugé, n’a pas été condamné à mort et a même pu sortir aller rendre un dernier hommage à sa défunte mère sans subir le courroux ou la furie des Burkinabè. Car les Burkinabè sont ainsi, ils peuvent être énervés, en vouloir à mort à une personne, et d’aucuns diront, «Si jamais telle personne est dans la rue, on le trucidera». Mais que nenni ! Mais le problème, est que François a tellement fait de la résistance, il a usé la corde judicaire, que si le verrou de la Cour européenne cède, il sera extradé. Pourquoi attendre ? Nous avons la faiblesse de croire que si François Compaoré descend de son propre chef au Burkina, il sera emprisonné, mais nul donjon, et nulle torture ne lui seront appliqués !
Par conséquent, il serait grand temps de faire face à sa destinée, d’assumer et de rentrer courageusement au pays. parmi les actes et les vertus qui suscitent le respect dans la communauté des hommes, figure le courage. Alors, Monsieur François Compaoré, prenez votre courage à deux mains et rentrez chez vous défendez votre honneur ! 23 années de fuite éperdue, ça ne sert à rien ? Le dossier est tellement sensible, emblématique, on a tout dit sur ce que vous êtes supposé avoir fait dans cette affaire. Mais quid de ce que vous n’avez pas fait ? Qu’en est-il des preuves ?
Ahmed BAMBARA


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