Le mardi 25 février dernier, la CRTV (radiotélévision nationale), a annoncé dans la soirée la décision du Conseil constitutionnel portant annulation du scrutin du 9 février dernier dans dix circonscriptions du nord-ouest et une circonscription du sud-ouest, toutes des provinces anglophones.
Quand on sait que cette annulation fait suite à des recours introduits auprès du Conseil constitutionnel, qu’elle n’agrée pas le parti au pouvoir, le RDPC), force est de constater que le régime Paul Biya est en train de lâcher du lest. Contribuant ainsi à désamorcer la bombe latente enfouie dans la zone anglophone depuis plusieurs années : une véritable poudrière qui pourrait éclater à tout moment et dont le crash pourrait embraser l’ensemble du pays.
Car après les tueries dans ces zones qui ont mis le pays en émoi, il fallait un geste fort pour calmer « l’Ambazonie ». Quoi de plus indiqué que d’éviter une crise post-électorale, pain béni pour les sécessionnistes ?
Certes, comme toujours, le principal parti d’opposition, le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) de Maurice Kamto avait carrément appelé au boycott du scrutin. En vain. Pis, dans les deux régions anglophones, les séparatistes avaient également appelé les habitants à ne pas se rendre aux urnes, allant jusqu’à menacer de représailles les votants. Mais, pour ne pas envenimer la situation qui est déjà délétère, Paul Biya, le RDPC et le gouvernement auront tout mis en œuvre pour que, jusqu’à ce jour, ni les résultats officiels ni le taux de participation querellés n’aient été rendus publics ! Néanmoins, comme à l’accoutumée, l’affluence le jour du scrutin avait été des plus faibles, notamment dans ces deux régions anglophones.
Motif de satisfaction tout de même : d’ici 20 à 40 jours, de nouvelles élections vont être organisées. La dizaine de partis politiques qui demandaient juste l’annulation partielle ou totale du scrutin ou alors un recomptage des voix peuvent donc se frotter allègrement les mains. Quoique sur la quarantaine de recours déposés, seuls onze aient été déclarés recevables par la plus haute juridiction du pays ! Dans l’ensemble, ceux du SDF et du deuxième parti d’opposition, le Social Democratic Front, dont les fiefs se trouvent dans les régions anglophones du nord-ouest et du sud-ouest, semblent en droit de savourer une victoire jusque-là inespérée. Ceci, à en croire plusieurs observateurs de la scène politique camerounaise témoigne, soit d’un incroyable mais salutaire assagissement au plus haut sommet de l’Etat, soit d’une atmosphère de fin de règne du pouvoir Biya. Tant il est et demeure vrai que depuis 1982, le régime bandait chaque fois du muscle, se refusant à tout compromis à l’issue des différents scrutins et aux velléités indépendantistes de Buea et Bamenda.
De John Fru Ndi à Maurice Kamto en passant par Owana et Mbah Dam… , les anglophones restent convaincus qu’ils sont des citoyens de seconde zone, une injustice à réparer fissa.
Reste que tous les protagonistes de la scène politique ne perçoivent pas cette main tendue du pouvoir Biya de la même manière. La preuve ? Les réactions recueillies suite à l’annulation du scrutin sont très mitigées, tant les régions en proie à des violences entre l’armée et les rebelles autonomistes demeurent vives ! Fort heureusement, ces régions se sont engagées à revoter d’ici 20 à 40 jours. Avec l’aval du MRC de Maurice Kamto, du parti du Chairman John Fru Ndi, le Front Social Démocrate (opposition). De quoi apaiser certainement la colère du secrétaire général adjoint du RDPC, Grégoire Owana, qui s’était dit frustré et du député Joseph Mbah Ndam pour qui il n’était guère possible de tenir une élection crédible dans le sud-ouest et le nord-ouest anglophones ! Pour sa part, Human Rights Watch ne cesse de marteler qu’il y a eu des violences le 14 février à Ngarbuh, un village situé dans la zone anglophone qui ont causé la mort de plusieurs civils. D’où le pressant appel lancé par ce mouvement au pouvoir central de Yaoundé afin que lors de la reprise du scrutin, les votes se déroulent dans un climat paisible et serein, gage incommensurable d’une vie démocratique de plus en plus apaisée.
Biya quoiqu’on dise serait-il touché par la grâce ? Lui l’ancien pensionnaire du Petit séminaire d’Akono s’est-il souvenu que le plus grand bien sur terre est d’aimer son prochain comme soi-même ? En tout cas l’énigmatique locataire du palais d’Etoudi, ne cesse de surprendre agréablement et à 87 ans, il pourrait en surprendre davantage…Dans quel sens ? Là est la grande question.
La REDACTION


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