Kamto, c’était du pipo ! On peut le dire aujourd’hui sous les projecteurs des résultats proclamés par le Conseil constitutionnel camerounais. Paul Biya remporte, sans aucune surprise et avec un score non étonnant, le scrutin avec 71,28% des voix. Maurice Kamto arrive très loin derrière avec moins de 15% des voix. En un mot comme en mille, l’opposant a été laminé par la machine impitoyable du vieux renard de la jungle politique camerounaise. Il est vrai qu’avec ce score, le leader du MRC endosse désormais les habits de l’opposant n°1 du Cameroun et peut pretendre à un avenir politique dans l’après-Biya.
Ceci étant l’ancien séminariste d’Akoto aurait même pu s’absenter du pays ou aller se reposer dans son fief de M’vomeka, qu’il aurait obtenu ce énième bail au palais d’Etoudi.
La précipitation avec laquelle Kamto avait conduit sa proclamation prématurée de victoire ne s’en trouve que davantage ridiculisée. Certes, au regard de la carrure de celui qui était en face, vu la propension des présidents sortants africains à tordre le cou aux règles de bienséance pour rester vissés au fauteuil présidentiel, on était en droit de craindre que les urnes ne soient violentées dans leur intimité et leur intégrité pour enfanter dans la douleur et au forceps la continuité du règne à vue et sans partage de Paul Biya.
Mais à vrai dire, on est tenté de croire qu’il n’y a pas eu de quoi réveiller un oracle. En face, Paul Biya n’avait pratiquement pas d’adversaires. Ceux qui l’ont défié sur le terrain de la campagne électorale n’avaient pas la carrure et une offre politique de développement à même de réveiller les Camerounais et de faire douter le « vieux » président. Ceux qui, dans le camp de Paul Biya, auraient pu devenir des challengers ont levé les deux mains et freiné des quatre fers, préférant rester sous l’ombre tutélaire du baobab de la politique camerounaise. Posture justifiée sans doute par l’opération «Mains propres», le fameux Epervier, qui a envoyé une brochette de dauphins réels ou putatifs dans les prisons.
Quant aux Camerounais eux-mêmes, on a l’impression que leur président a comme eu une potion magique, concoctée mystérieusement au coin de la cime d’une élévation de terre dans les confins d’une brousse ignorée, dont les effets puissants réussissent à les anesthésier et à les plonger dans un état d’hypnose qui les pousse à faire confiance, encore et encore au grand manitou. A leur décharge, comment les convaincre de voter pour une autre alternative si en face, il n’y a personne qui leur inspire confiance ou semble pouvoir mieux faire que l’existant ? Il y a trois décennies le chairman du SDF John Fru Ndi aurait aurait pu l’emporter, d’aucuns estiment même que ce fut le cas à la présidentielle de 1992, ou même que Mgr NTumu archevêque de Yaoundé aurait pu battre l’indéboulonnable Biya, mais le célèbre prélat n’avait pas eu le feu vert de Rome. En deux maux, il faut savoir choisir le moindre. Et la précipitation de Maurice Kamto, qui proclame sa victoire avant que les institutions de la République n’aient pu dire un mot révèle une nature qui pourrait s’avérer dangereuse pour une nation gouvernée par l’état de droit.
Tout compte fait donc, à part peut-être la partie anglophone du pays qui se fiche absolument de ce scrutin comme de sa première barboteuse, il n’y aura pas grand monde, au Cameroun en tout cas, pour battre le pavé pour contester la réélection de Paul Biya. Et en la matière, il ne faut pas être plus royaliste que le roi.
Il reste maintenant à savoir ce que Paul Biya fera de ses 7 nouvelles années à la tête du Cameroun. Le même système va-t-il continuer ? S’inscrit-il dans l’idée que c’est son dernier mandat et qu’il s’évertuera à redresser ce qui a été mal fait pendant ces 36 ans ? Ou alors se voit-il, si à 92 ans il est aussi bien portant qu’un Abdoulaye Wade, tenter, après 43 ans de règne, briguer un ultime et dernier mandat pour boucler un demi-siècle aux commandes de son pays ? Dans tous les cas, la gouvernance d’un pays déteste que le même moteur active les valves du développement. Ce qui n’a pas été fait en 36 ans, peut-il l’être en 7, voire 14 ans ? Il est peut-être temps de penser au Cameroun après Biya. Trop d’exemples malheureux d’après longs règnes foisonnent sur le continent : Côte d’Ivoire, Togo, Burkina Faso … Alors que peut faire Biya de ce que certains estiment comme l’ultime mandat ?
Ahmed BAMBARA


COMMENTAIRES