Le sage burkinabè, le Larlé Naaba Ambga disait que le «temps est comme le chameau, s’il se couche, il faut y grimper ou qu’il est un marché achalandé qui ne tarde pas à se fermer». Tout est englouti par cette immense gueule qu’on appelle éternité immobile qui se déploie dans le temps mobile.
Déjà un an sur une route d’Abidjan, que Ange Didier Houon dit Dj Arafat trouvait la mort, juché sur sa «routière», une grosse moto. 365 jours après, «les chinois», comprendre tous les fans et laissés-pour-compte ivoiriens, ont commémoré hier, ce douloureux anniversaire. Recueillement, ferveur, musique et danse du coupé-décalé au son des morceaux du Daishikan ont rythmé ce 1er anniversaire de la disparition de cette icône d’une jeunesse ivoirienne, qui s’est reconnue, en ce musicien qui, à force de forger un destin commun à des millions de chinois, a fini par trouver le chemin de la réussite, laquelle réussite, hélas a été écourtée. Fin du deuil concernant le Daishikan ce 12 août 2020 mais un anniversaire qui prend un relief particulier dans un contexte préélectoral.
Mort brutalement à 33 ans, l’âge canonique des héros, et entré dans le panthéon bigarré des légendes, au floruit de sa gloire, le patron de la «yorogang» s’invitera-il post-mortem dans les élections ? Question pas insensée quand on sait que lors des obsèques du «président des chinois» se sont déroulées le 31 août 2019, les dépenses ont été prises entièrement en charge par l’Etat à coup de millions. Paillettes et récupération politique ont suivi le sillage de cette mort tragique. L’image du ministre Hamed Bakayoko, dans le stade Houphouët-Boigny est encore vivace dans les mémoires. Hier encore, à cet anniversaire, le Tout-puissant premier ministre, ministre de la défense, maire d’Abobo et «parrain des chinois» est allé s’incliner sur la tombe de Dj Arafat. Quand lors des obsèques d’un artiste, banques et boutiques abidjanaises se ferment et que des millions de personnes se déplacent, politiquement c’est pain béni pour celui qui sait être opportuniste. Et Ham’back sait et sent tout le dividende politique qu’il peut tirer de ces laissés-pour-compte. Alors à l’orée de cette élection de tous les dangers mais aussi de tous les espoirs, pour qui voteront les chinois ?
Nul ne le sait mais quand on a bien observé l’implication de l’Etat aux obsèques, et incidemment les prurits politiques de ces 11 et 12 et sûrement aujourd’hui 13 août 2020, nés de l’annonce de Ouattara d’étrenner un 3è mandat, quand on regarde toutes ces concomitances, mieux vaut ne pas ignorer ces «chinois». Que ce soit via la «ruecratie», qui a déjà débuté dans plusieurs villes du pays, où même par le feu du suffrage universel, mieux vaut les avoir ces «chinois» avec soi que contre soi. Et parmi ces fans de l’illustre artiste, on compte des Gbagbolates, des Ouattaristes, des Bédiéistes et autres soroistes.
Qui a dit que le football est le seul facteur qui sert de rapprochement entre les populations, mais aussi de défouloir quand le petit peuple, se pique de manifester ? Il y a aussi la musique, et le musicien qui peuvent servir des plans politiques, et d’exécutoire. Serait-ce le cas en Côte d’Ivoire ? Pour qui bat le cœur de ces orphelins du Daishikan ? Pour le moment, la nuit d’hier a servi aux hommages… avec la politique en filigrane.
Pélagie OUEDRAOGO


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