La 3e mi-temps de la présidentielle bissau-guinéenne qui se joue est semblable à une danse de saint-Guy politique avec 2 présidents en une journée, le forcing d’Umballo Sissoko, pour occuper l’imperium (coup sur coup, il s’est installé au palais et a nommé un premier ministre Nuno Gomes Nabian tout en congédiant l’ex Aritide Gomes) et à l’heure où ces lignes seront lues, le gouvernement devrait être connu et son challenger Pereira, cornac du PAIGC qui ne desserre pas les dents, toute cette frilosité est annonciatrice que les vieux démons de cet Etat que d’aucuns n’hésitent pas à qualifier de failli, se sont brutalement réveillés encore ne se sont-ils jamais assoupis.
La crise est palpable à Bissau, lourde depuis hier à trancher au coupe-coupe, et d’ailleurs, la renonciation fissa de Cipriano Cassama de jouer les intérimaires à la présidence s’explique par le fait qu’il pourrait au mieux, être alpagué et emprisonné, au pire perdre la vie par fusils. L’image horrible d’un Nino Viera, criblée de balles le 2 mars 2009 reste toujours vivace dans les mémoires. D’ailleurs, l’éphémère président par intérim s’est désisté car des menaces et pas voilées commençaient à lui être adressées.
Le tango politico-militaire qui se joue à Bissau n’est pas si flou que ça : lorsqu’on observe la photo de famille des galonnés de l’armée posant hier au palais, aux côtés du nouveau premier ministre, Gomes Nabiam, promu par Umballo, pas besoin d’être grand analyste politique pour comprendre que malgré les assurances de la grande muette de rester républicaine, elle semble avoir choisi son camp.
Trônaient sur ce kaléidoscope, le chef d’état-major, le vice-chef d’état-major, les chefs d’état-major des armées de terre, de mer et l’air et le commandant de la garde nationale. C’est la même armée qui a sécurisé l’investiture d’Umballo Sissoko le 28 février dernier dans un hôtel de Bissau, une cérémonie où la présence de l’ancien chef d’état-major Antonio Indjal, toujours influent dans l’armée a été remarquée.
«Le général des pauvres» qui est Umabblo Sissoko, bénéficie donc de l’esprit de corps de ses frères d’armes, ce sentiment cultivé lors de la formation, et des différentes épreuves militaires qui créent des liens insécables entre les soldats.
Que peut donc la CEDEAO face à ce volcan bissau-guinéen en démarrage ?
Le scénario burkinabè, des après oukases verbaux est envisageable, mais risque de ne pas produire grand résultat. Lorsque le 16 septembre 2015, le général Gilbert Diendéré a perpétré son coup d’Etat au Burkina Faso, la CEDEAO condamne, et dépêche 2 missi dominici de haut vol à Ouaga, les présidents macky Sall du Sénégal et Boni Yayi du Bénin. Ceux-ci tentent de diviser la poire en deux, en proposant un désarmement de l’ex-RSP, mais en laissant Diendéré continuer, car l’armée lui avait fait allégeance. Refus catégorique des populations et des garnisons militaires, et échec et mat pour la CEDEAO. On connait la suite.
Cette CEDEAO se retrouve piégée, et les scénarii ne sont pas légions pour dénouer le fil de l’écheveu bissauen. Que peut une éventuelle cavalerie de l’institution, qu’elle soit diplomatique ou militaire en Guinée-Bissau ?
Les présidents intéressés par ce dossier sont divisés. Macky Sall est le pygmalion, «le grand frère» d’Umballo, Denis Sassou N’Guesso, est son parrain… tandis que Alpha Condé et dans une moindre mesure Alassane Ouattara, n’ont pas une oreille attentive envers, ce nouveau pas encore homologue, véritable trublion du sérail des chefs d’Etat. Et militairement alors ?
Le scénario gambien, avec des soldats sénégalais, armes en bandoulière mandatés par la CEDEAO, qui étaient prêts à en découdre avec la garde prétorienne de l’Ubu de Banjul, Yahya Jammeh, qui refusait la vérité des urnes n’est pas également applicable en Guinée-Bissau. Sauf à déclencher une guerre avec l’armée de ce pays. Pour quelle issue ? Et en laissant quoi comme paysage ? Pour installer qui durablement, vu que la population elle-même est divisée, et aspire à la paix ? Un véritable casse-tête pour la CEDEAO, que cette Guinée-Bissau post-présidentielle !
Sam Chris


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