Lassana Conté, le président guinéen en bonne santé ou lors de sa longue maladie, avait une piètre estime pour la quasi-totalité de ses collaborateurs, y compris ses premiers ministres et membres du gouvernement, mais aussi à l’égard de ceux de l’opposition et du milieu syndical, sauf une : Adja Sera Rabiatou Diallo.
Et chacun quand il était devant le «manguè» (chef en langue soussou), faisait des courbettes, car tous savaient que le général Conté était une sorte de Janus, affable et toute urbanité le jour et impitoyable la nuit. Il ne craignait personne en Guinée, sauf Allah comme il le disait !
Pourtant, face à Adja Rabiatou Diallo, il avait de l’estime, de la considération, un tantinet de la crainte. En ces années 2006-2007, certes, il était rongé par le diabète, et était plus dans son village de Wawa qu’au petit palais de Boulbinet, mais pour «Pèssè» (celui qui parle crument en langue soussou) c’est moins la pathologie, qui l’a contraint à respecter et à écouter cette femme qui vient de s’éteindre que la lutte syndicale qu’elle engagea entre 2006 et 2007 contre lui et le contraignit à une capitulation.
Une première, comme ce fut une première pour Adja Rabiatou Diallo, d’endosser le pagne de secrétaire générale de la Confédération nationale des travailleurs de Guinée (CNTG) en 2000.
En effet, opposants et syndicalistes, se sont frottés à Lassana Conté, mais aucun ne réussit à le faire plier, sauf celle qui était devenue l’égérie du monde syndical en Guinée.
Toute la vie de cette native de Mamou dans le Fouta Djalon est cousue de quête de justice sociale, teintée de politique, de recherche de meilleures conditions de vie pour les travailleurs. Déjà, à 19 ans, c’est-à-dire en 1969, elle tenta de se hisser à la CNTG, mais échoua, la réussite viendra en 2000 et 6 années plus tard, le 10 janvier 2006, elle fera entamer des grèves perlées, et elle paralysa tout le pays par une grève générale qui fit descendre des milliers de Guinéens dans la rue en 2007. Là où beaucoup avaient mordu la poussière, l’ancienne collaboratrice de Sékou Touré, avait fait mouche, faisant reculer un Lassana Conté très carré sur les bords.
Nous avons connu Adja Rabiatou Diallo que nous avons interviewée à Conakry, elle était aussi consultée lors de l’interminable dialogue politique interguinéen qui s’est déroulé à Ouaga, au Burkina Faso. En 2010 d’ailleurs, elle cornaquera le CNT avec le président intérimaire Sékouba Konaté, puis après, sous le règne du président Alpha Condé, présidente du Conseil économique et social. Un must pour cette femme-courage, porteuse d’Afrique. L’image qu’on peut retenir de ce presque bout de femme, au regard d’ange, empreint de détermination, aux gestes presque calculés, est qu’elle vécut une vie pour le prochain en l’occurrence le travailleur guinéen, le syndicalisme comme un sacerdoce en bandoulière. Elle aura vécu utile et finalement, c’est cela qui reste pour tout homme ou femme. Adieu à l’amazone du syndicalisme guinéen !
Zowenmanogo Dieudonné ZOUNGRANA


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