Du petit libraire de Bamenda à l’agrobusinessman en passant par la politique, John Fru Ndi a eu une vie bien remplie. Pour les militants du SDF, le chairman est le président du Cameroun depuis octobre 1992, car il aurait gagné la présidentielle cette année, là, avec 60% contre le président-sortant jamais sorti.
Et pourtant, depuis plus d’une décennie maintenant, le «chairman» a déserté les joutes électorales, les sorties médiatiques, a cessé les attaques ad hominem, contre ce président inoxydable et indéboulonnable qu’est Paul Biya. Préférant passer la main à son vice-président Joshua Nambangi Osih, lequel reconnaît que le célèbre gisant camerounais, qui fonda le SDF fut un bon chef, aimable et rigoureux. Celui qui a défendu les couleurs du parti en 2018 parle du disparu comme d’un homme «jovial, ouvert, grand patriote… qui refusa la guerre civile, en 1992 alors que certains l’y poussaient».
Même le RDPC, le parti présidentiel, par le ministre du Travail, Grégoire Owona, reconnaît qu’il aura «été un grand patriote, et un homme très pacifique».
Presqu’une grenouille de Bénitier, ce presbytérien a d’abord été proche du RDPC, qui lui a permis d’être député en 1988, avant que cet anglophone populiste, un peu radical sur les bords ne migre pour aller fonder le Social Democratic Front (SDF). De sa librairie, au sommet du parti et de premier opposant, le chairman aura été un autodidacte, et un homme charismatique qui pouvait autant électriser Bamenda, que Yaoundé !
Le point d’orgue de sa carrière politique reste ce 11 octobre 1992, lors d’une présidentielle qui eut lieu après un printemps démocratique émaillée de contestations, et de violences qui faillirent plonger le Cameroun dans la guerre civile, n’eut été justement, le caractère paisible de John Fru Ndi.Un scrutin qu’il avait remporté !
Reconverti depuis quelques années dans l’agrobusiness, Fru Ndi le «chairman» a retrouvé une seconde vie depuis 2010 en gentlemenfarmer, se déplaçant avec aisance au milieu de son cheptel de vaches, et ses cultures de pamplemousses, piments, un verger de 200 hectares, sis à Bamenda, au pied de montagnes dans le département de Menchum.
De sa librairie de Bamenda en passant par la politique à la terre, il y a qu’un pas qu’il a franchi et ça lui réussit. Quel héritage politique lègue-t-il à ses successeurs ? Il laisse un SDF divisé, avec d’ailleurs plusieurs départs et des problèmes internes, que ses dauphins parviennent difficilement à résorber.
Déjà, les querelles intestines qui étaient présentes lorsque le chairman se sentait mal avaient fait jour, comme celle lors de la désignation des dirigeants locaux de certaines localités. Sans oublier la terrible guerre de succession qui s’annonce épique. C’est que le chairman qui avait conçu l’opposition comme un apostolat, depuis surtout 1992, reste quasi-difficile à succéder et sans doute, à l’heure où les pluies d’hommages louangeux pleuvent sur sa mémoire, l’avenir du SDF reste en pointillé, face au RDPC, lequel bien que son thaumaturge de président de la République Paul Biya soit nonagénaire, le RDPC demeure le parti qui tient toujours en main le Cameroun.
Joshua Nambangi Osih et ses camarades pourront-ils faire accéder un jour le SDF au pouvoir ? Pour le moment, c’est l’Adieu au chairman.
Zowenmanogo Dieudonné ZOUNGRANA


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