Qu’est-ce qui a tué Pierre NKurunziza le président-sortant, mais pas encore sorti du Burundi qui devait d’ailleurs passer la charge à «l’héritier» le général Evariste Ndayshimye le 20 août ? C’est la question qui taraude les esprits des Burundais et pas seulement eux face à cette disparition qu’on peut qualifier de brusque. Osons plusieurs hypothèses des plus farfelues aux plus crédibles :
1) Officiellement, le twitt gouvernemental mentionne une «crise cardiaque» qui aurait eu raison du chef de l’Etat, lundi 8 juin sur le coup de midi. Donc si crise cardiaque, il y a eu, le mal a un peu traîné : car rien que samedi 6 juin dernier, il se portait comme un charme a même assisté à un match de volley-ball, dans son fief de Ngozi et même le dimanche, après une dégradation de sa santé, son état s’était stabilisé ce jour du seigneur et il a même devisé avec des proches.
2) Décédé du Covid-19 ? C’est le premier sujet tabou, car non seulement «l’air burundais a été purifié par Dieu», et depuis le début de la pandémie, matchs de foot, églises, et autres marchés sont bondés de monde, sans les élémentaires mesures de distanciation ! Covid-19 au Burundi ? La propagande étatique au pire, la niait, au mieux disait que ce pays des Grands lacs béni de Dieu, était épargné.
Alors d’où vient que l’hôpital de Karuzi dans le centre du pays a été réquisitionné en urgence tout le week-end écoulé, et la présidence fut à l’affût pour chercher un respirateur pour NKurunziza qui y a été admis ?
Comment ne pas penser au Covid-19, alors que l’épouse du défunt souffrant de ce mal a été acheminée d’urgence par un avion médicalisé sur Nairobi au Kenya, où elle est prise en charge depuis une dizaine de jours ? Gitega (présidence du Burundi) n’admettra jamais cette thèse à moins que des sources médicales s’en mêlent.
3) La 3e hypothèse, encore plus frappée par l’omerta est celle d’une «neutralisation» de NKurunziza pour raison d’Etat. On sait que la désignation de «Samuragwa» (héritier) le général Ndayshimye a été le fruit d’un consensus au sein du parti-Etat le CNDD/FDD et au sein du quarteron de généraux qui a la réalité du pouvoir. Le général n’était pas le candidat de NKurunziza, mais plutôt le président de l’Assemblée nationale.
A-t-on éliminé le président-sortant pour éviter un scénario du voisin la RD Congo, avec le duel Kabila-Tshisekedi ? Un président régnant et son prédécesseur qui tire les ficelles ?
Quoiqu’il en soit, les rumeurs et même les infos de radios locales qui évoquaient cette mort que l’inusable Willy Nyamitwe, conseiller de NKurunziza tentait de circonscrire se sont avérées : le Imboneza Yamaho (Guide suprême éternel) a bien rejoint l’éternité à 55 ans. Il aura mis 15 ans à appliquer la politique d’un système très dur, qui n’admettait ni opposants, ni journalistes, ni médias. Son dernier bail à Gitega, il l’a obtenu à coups d’assassinats (1 200 victimes), d’exils (plus de 400 mille), bref par la violence et le tripatouillage.
Pierre NKurunziza laisse d’abord, un système intact, un parti-Etat issu de la rébellion des années 90 qui a bien signé les Accords d’Arusha de 2000, mais qui n’en respecte pas les clauses. Il laisse un système fort, contrôlé par les militaires, qui par le truchement d’une élection de façade se sont emparés du pouvoir, qu’ils détenaient derrière les rideaux, des militaires d’ailleurs qui ont sauvé le 3e mandat du défunt face par exemple au coup d’Etat du général Godfroy Nyombaré en 2015.
Le défunt-président laisse un Burundi divisé, des populations meurtries et une unité nationale à construire. Que peut faire son successeur qu’on dit modéré et rassembleur ?
Issu du même moule que NKurunziza, le général Ndayshimye ne fera que ce que lui dira de faire le système qui veut toujours garder le pouvoir et ses avantages. Sa marge de manœuvre pour corriger les mortelles errances de son prédécesseur reste donc étriquée. A moins qu’il ne se retourne contre ses frères d’armes, scénario peu probable, car ce sera à ses risques et périls .
*Guide suprême éternel
Zowenmanogo ZOUNGRANA


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