Convenons-en, toutes les planètes étaient alignées en Guinée Bissau pour qu’à minima, il y ait une crise post-électorale, à défaut d’un coup d’Etat surtout dans ce pays où on ne cessera de le dire, c’est l’armée qui régente la vie nationale, en back office si elle consent à laisser un civil accommodant jouer la marionnette, ou carrément en front office, avec un des leurs, même s’il faut tomber la tenue bariolée de camouflage. A défaut d’énumérer tous les ingrédients de ce énième faux-vrai pronunciamiento, bornons-nous à en dresser un florilège :
– Primo : mise à l’écart de toute l’opposition crédible à la présidentielle et aux législatives, même un parti historique comme le PAIGC et son champion Domingos Pereira, dissolution de l’Assemblée nationale. Avec une revendication duale de la victoire, Embalo s’est dit gagnant avec 65% et Fernando Dias son rival crie à la victoire.
– Secondo : discours martial, ton comminatoire et dirigisme débridé d’Embalo.
– Tertio : la Guinée Bissau est marquée tant dans sa sociologie civile que militaire par un clanisme à fleur de peau.
Quarto : la pauvreté ambiante. Le narcotrafic qui n’a jamais véritablement cessé, comme l’atteste, l’avion bourré de cocaïne pris à l’aéroport de Bissau récemment, un trafic qui constitue une rente solide pour de nombreux caciques socioprofessionnels bissau-guinéens.
Tout était réuni pour que quel que soit le scénario, ce quinquennat du chef de l’Etat sortant soit semé de ronces pour son pouvoir.
Dans cette Guinée Bissau ayant au compteur 4 coups d’Etat réussis et 17 autres avortés, même pour le Général Embalo touché par la grâce des urnes, le péril déstabilisateur n’était jamais conjuré.
Mais, mais il y a un hic, sinon quelque chose de surréaliste qui fait douter de la véracité sinon de l’effectivité de ce coup de force : depuis quand un président renversé, annonce via un média panafricain qu’il y a eu un coup d’Etat ?
Or, c’est Umaro Sissoco Embalo en personne qui a défloré le pronunciamiento à la presse. Un président que des militaires chassent, arrêtent, se soucie -t-il de le faire savoir aux médias ? D’ailleurs, le voudrait-il qu’il ne le pourrait pas, ses tombeurs lui ayant privé de sa liberté, à commencer par ses portables et moyens de communication ! Au contraire, il s’en moque comme le premier de ses barboteuses militaires !
Embalo a été arrêté de même que le chef d’état-major général des armées, Bague Nta et son adjoint Mamadou Touré. A l’heure où ces lignes étaient tracées, c’est le Brigadier-général, Denis N’Canha qui est le cerveau de cette conjuration et le nouvel homme fort du pays à la tête du Haut Commendement Militaire pour la restauration de l’Ordre (HCMRO). Et en attendant d’en savoir davantage sur ces évènements gravissimes, des questions basiques traversent les esprits :
Depuis dimanche 24 novembre au soir, Embalo revendique 65% des suffrages, son challenger Fernando Dias cornaqué par une dizaine de paris politiques dont l’historique PAIGC de Domingos, recalé, Dias aussi dit qu’il a gagné !
Et si par stratagème machiavélien, et à cette veille de la proclamation des résultats, Embalo pour ne pas avouer sa défaite a préféré cet auto goal, un coup d’Etat à lui-même ?
Le Prince de Machiavel est un ouvrage qui parle de comment conquérir et surtout conserver le pouvoir. En procédant à ce coup d’Etat fait-main, Embalo échappe aux dures lois de la déchéance s’il tombait entre les mains adverses ou ennemis. En rétrocédant le pouvoir à ses frères d’armes qui ont déjà suspendu le processus électoral, et disent «contrôler le total du pays», il est certain que Dias ne sera pas proclamé président. Et d’ailleurs, il faut attendre aussi de savoir quels liens lient Embalo à son tombeur le Brigadier- général Denis N’Canha nommé au Bureau militaire de la présidence en février 2021, par Embalo ! Auto-coup d’Etat en Guinée Bissau, pour ne pas respecter le verdict des urnes ? Tel semble être le fil rouge de ce coup de force cousu de fil blanc. Quand Umaro Sissoco Embalo joue à qui perd gagne ?
Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana


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