Election de Patrice Motsepe à la CAF : Merci à la Realeconomik et à une honteuse et affligeante union sacrée

Election de Patrice Motsepe à la CAF : Merci à la Realeconomik et à une honteuse et affligeante union sacrée

La star ivoirienne de reggae Tiken Jah Fakoly a dû secouer sa tignasse dans tous les sens. Lui qui s’indignait du fait que les grandes puissances aient partagé le monde et que de ce fait, plus rien ne l’étonnait. Et bien désormais, rien n’étonnerait non plus les nombreux amoureux du football africain.

A Rabat le 12 mars 2021, tout comme à Yalta en 1945 (même si cela reste une légende) où les vainqueurs se sont morcelés le monde à l’aide d’un crayon à encre. A Rabat, la puissante FIFA, sous l’égide de son président Gianni Infantino s’est saisie du gâteau CAF, trop délicieux, sinon très important pour être laissé aux mains d’immatures dirigeants africains pour le distribuer à sa guise.

Seul candidat à la prétention du fauteuil de la présidence de la CAF, c’est donc sans surprise que le Sud-africain Patrice Motsepe a été «intronisé» par acclamation des 52 présidents de fédérations présents à l’Assemblée générale élective de la CAF.

Né dans une famille aisée dans le township  de Soweto, près de Johannesburg  Patrice Motsepe est un homme d’affaires réputé qui a fait fortune dans le secteur minier. A 59 ans, il est le premier noir milliardaire de l’Afrique du sud. Sa fortune estimée à 2, 6 milliards de dollars  fait de lui le 3e plus riche de son pays selon Forbes et le 10e sur le continent.

Jusque-là inconnu du monde du football africain, celui qui vient d’être couronné roi du football africain à Rabat faisait figure d’outsider sur la shirt list des prétendants à la succession de Ahmad Ahmad. Face au Sénégalais Augustin Senghor, l’Ivoirien Jacques Anouma et le Mauritanien Ahmed Yahya qui prétendaient tous diriger l’institution panafricaine, le Sud-africain était loin d’être un favori à la succession du Malgache, suspendu de toutes activités liées au football. Sauf qu’entre temps, le «Protocole de Rabat», a pris forme dans l’empire chérifien. Négocié après une tournée expresse dans les capitales africaines, le «Protocole de Rabat» a abouti à un consensus entre les différents candidats. Jacques Anouma, Ahmed Yahya et Augustin Senghor ont ainsi accepté de retirer leurs candidatures afin de laisser libre voie au candidat plébiscité par la FIFA.

Depuis lors, l’élection du 12 mars était attendue comme un raout devant servir à formaliser le couronnement de l’«intrus» milliardaire. Visiblement, les chefs d’Etat africains (eux à qui la FIFA interdit formellement d’interférer dans les affaires du football) approchés par Gianni infantino et convaincus par on ne sait quels genres d’arguments saugrenus, ont accepté le sabordage des leurs, au profit du milliardaire sud-africain.

Disons-le clairement, la mise en relief de cet illustre inconnu n’est ni plus ni moins que le fruit de l’immixtion de la FIFA dans la gestion de la CAF. Infantino serait-il devenu plus royaliste que le roi au point d’aimer le football africain plus que les Africains eux-mêmes ? Certainement pas. Dès lors, tout porte à croire que le patron de l’institution mondiale a un agenda caché vis-à-vis du football du continent. De ce point de vue, le plus rassurant serait de toute évidence, la mise de la CAF sous son contrôle. Et ce postulat a été un franc succès, avec comme toujours, la bénédiction des valets locaux actifs à toutes les échelles, même au sommet de nos Etats.

La CAF désormais mis sous gage, il ne serait pas étonnant que l’Afrique soit invitée à avaler la pomme de discorde sur le calendrier de la Coupe d’Afrique des nations, notamment la question du passage de son organisation à tous les 4 ans au lieu de 2, et à une période favorable aux clubs européens qui voient d’un mauvais œil le départ de leurs joueurs lors des CAN. Le vieux lion Issa Hayatou avait dressé sa crinière contre une CAN tous les 4 ans, Ahmad Ahmad ne s’était pas laissé impressionner non plus. Le regard est désormais tourné vers Motsepe, quelque peu perdu dans une faune dont il ne cerne que passablement les lisiers.

L’une des raisons de la grande manœuvre du patron de la FIFA pour faire introniser un homme sûr à la tête de la CAF peut également s’expliquer par le fait que cela peut être favorable à sa réélection en 2023. Placé la CAF sous «tutelle» lui permettra de convaincre aisément les 54 présidents de fédérations membres de la CAF, qui représentent le tiers des électeurs à rallier sa cause lors des prochaines joutes électorales à la FIFA.

Quoi qu’il en soit, l’ère Motsepe est déjà empreinte d’incertitudes. Le plus grand handicap du Sud-africain reste son manque d’expérience. Mise à part la présidence du FC Mamelodi Sundown, le club le plus titré d’Afrique du sud qu’il occupe depuis 2004, Motsepe n’a aucune connaissance des arcanes du sport africain. Jamais il n’a été membre d’un comité exécutif de la faitière continentale du sport roi, il n’a jamais siégé à la fédération de son pays. Pour pallier cette carence, le nouveau patron du football africain fait passer le nombre de vice-président de 3 à 5. Et conformément au fameux «Protocole de Rabat», Augustin Senghor va occuper la première vice-présidence. Ahmed Yahya est le second vice-président, le Djiboutien Souleiman Waberie en est le 3e, Seydou Njoya du Cameroun 4e et la 5e vice-présidence est occupée par la Comorienne Kanizat Ibrahim, première femme à occuper un tel poste de responsabilité à la CAF. Jacques Anouma devrait lui se contenter du poste de conseiller spécial.

Toutefois, cette alliance à contrecœur, jaugée comme une union sacrée autour du football africain pourrait très vite se révéler être un cocktail Molotov nuisible à la bonne marche de l’institution commune. En tous les cas, on se demande bien sur quelle base peut se consolider une telle union sacrée, quand on sait qu’à l’échelle régionale (Afrique de l’Ouest) déjà, le Sénégalais Augustin Senghor, l’Ivoirien Jacques Anouma et le Mauritanien Hamed Yahya n’ont jamais pu s’accorder pour une candidature unique. Surprenant d’entendre les mêmes se vanter d’avoir sauvé l’unité du football africain, en se ralliant à Motsepe. Quelle honteuse et affligeante prétention ! C’est pourquoi, le 1er chantier de l’enfant de la Nation arc-en-ciel sera de rassembler d’abord, ensuite de trouver des sous, il semble que les caisses de la CAF sont vides. Realeconomik donc !.

 Hamed JUNIOR

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