Il y a de cela plus de 20 ans, les candidats sénégalais à l’aventure shenghéene s’élançaient sur la méditerranée aux cris de « Barsa ou Barsaq », c’est-à-dire Barcelone ou la mort en langue wolof.
Ceux qui ont poursuivi cette équipée périlleuse ne prennent plus la peine de le pousser, ils se jettent sur cette immense nécropole qu’est devenue l’océan, suite aux naufrages des différents rafiots sur lesquels ils embarquent expédiés vers une mort quasi-certaine par des passeurs criminels mais aussi par des parents qui se coltinent des milliers de francs pour envoyer leur progéniture vers cet hypothétique Eden de ‘’Bako’’ (l’autre rive).
En tout cas, hier un des parents, notamment Mamadou Lamine Faye, père de Doudou était dans le box des accusés dans le tribunal de grande instance de M’bour, à 80 km de Dakar pour répondre de cette non-assistance à personne en danger ou plutôt, cet homicide involontaire. Et le parquet a requis à son encontre, deux ans de prison ferme pour avoir fait embarquer Doudou, son fils de 14 ans autrement dit un gamin sur un des bateaux de fortune. Pour dissuasive qu’elle soit, cette condamnation pourra-t-elle sonner le glas de l’immigration clandestine ? Ou du moins, le procès du géniteur de Doudou dont le délibéré est attendu pour le 8 décembre prochain, peut-il dissuader les jeunes de tenter cette aventure où seule la mort est une certitude ?
Même pas ! Du reste, la question migratoire charrie des réactions variées et plus ou moins houleuses. Et c’est ce qui nous a été donné de voir avec le procès de Faye. Procès qui agace certaines des organisations de la société civile comme le Réseau migration développement (REMIDEV) qui le perçoit comme étant une fuite de responsabilité des Etats.
En effet, aux yeux de REMIDEV, l’ampleur de l’hécatombe interpelle plus d’un dirigeant des pays de départ et l’Europe qui est la destination de ces migrants, ne doit pas non plus rester de marbre. On ne le dira jamais assez, il est grand temps que les dirigeants africains prennent enfin leurs responsabilités face à ce drame qu’est devenue l’immigration clandestine. Après tout, ils sont ceux par qui les malheurs de l’Afrique arrivent. En d’autres termes, ils sont les responsables en chef de ce visage hideux de l’Afrique, de cette Afrique constamment sinistrée.
L’Europe dresse ses barrières, multiplie les mesures d’entrée, les Africains doivent apprendre à rester chez eux ! Il urge pour eux de revoir leur gouvernance politique. S’ils s’en montrent capables, le Berceau de l’humanité aura les moyens de mieux retenir ses enfants qui empruntent les chemins périlleux de l’aventure marine et qui les exposent aux dents des requins, où à une agonie lente dans le Sahara. Le jeu en vaut la chandelle. L’Afrique, en toute responsabilité, devra jouer pleinement sa partition. Du reste, comment exiger de l’Europe qu’elle fasse preuve davantage d’ouverture et de générosité quand les dirigeants mêmes des pays d’origine de ces migrants, ne semblent même pas s’émouvoir du sort de leurs compatriotes ?
Dans le champ de critiques de REMIDEV, il y a aussi ces passeurs sans foi ni loi ou plutôt ces criminels des eaux et des sables. Les témoignages des rescapés faisant état de ce qu’ils sont « parqués » dans les chalutiers, aux emplacements les plus dangereux sont l’œuvre de ces passeurs. Une image qui rappelle de si douloureux souvenirs : ceux de la traite négrière. Ces passeurs de la mort qui pourraient être qualifiés de ‘’négriers des temps modernes’’sont aussi coupables. Ils doivent être poursuivis et jugés. En tous les cas, les pays de départ tout comme les pays de destination ont le devoir de prendre des mesures devant contribuer à conjurer ces drames que chacun condamne mais se montre accommodant. Qui ne souvient pas du navire Open-Arms avec ses 147 nouveaux boat-people errant sans fin sur la méditerranée sans qu’aucun pays n’en veuille ?
Idriss TRAORE


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