A J -5 de l’élection présidentielle, les Maliens, la gorge nouée d’angoisse, vivent au rythme des allures des cortèges de campagne. Dans un contexte sécuritaire déjà précaire, les envolées politiques, faites de suspicions au sujet du fichier électoral (audité par des experts nationaux et internationaux) et de piques constituent une cocotte-minute explosive…
Le moins que l’on puisse dire est qu’en cette hivernale de campagne présidentielle, le Mali n’est pas verni, même si les premières pluies laissent apprécier une verdure luxuriantes. Débutée depuis le 7 juillet, la campagne présidentielle a lancé dans les quatre coins du Mali, plus d’une dizaine de candidats, partis à la conquête de la colline de Koulouba. De toute évidence, la volonté et la témérité des candidats se sont rapidement confrontées à la situation sécuritaire précaire que connaît le pays depuis quelques années maintenant. Rien que le dimanche 22 juillet dernier, les Forces armées maliennes qui déplorent une perte de vie humaine et un blessé dans ses rangs, annonçaient avoir mis hors d’état de nuire onze terroristes de la katiba Ansar Eddine. Si ce fait d’arme peut être mis à l’actif du président sortant et candidat à sa propre succession, il n’en demeure pas moins vrai, qu’il porte en lui-même, les germes caractériels des insuffisances du mandat du président Ibrahim Boubacar Keïta qui avait promis rétablir l’autorité de l’Etat sur l’étendue du territoire malien. 5 ans se sont écoulés sans que IBK ne puisse, ni par la négociation, ni par le force, éradiquer le terrorisme. De quoi écorcher l’orgueil des Maliens, connus pour cultiver une fierté toute particulière à leur Mali-Ba (grand Mali en Bambara).
Du coup, sur une population estimée à 18,3 millions, un peu plus du tiers seulement sera appelé à décider du sort des cinq prochaines années du Mali via le choix du président. Naturellement, cette situation de cocotte-minute qui met électeurs, candidats, organisateurs et observateurs sur leur garde ne garantit que peu de sérénité et d’enthousiasme. Résultat, le taux de distribution des cartes d’élections vacille entre 60 et 65%, notamment dans la capitale. Si dans une ville comme Bamako l’opération se déroule sans véritables entraves, tel n’est pas le cas à Gao ou à Kidal où une Kalachnikov en bandoulière ne suffit pas forcément pour dissuader les malveillants barbus. Dans le septentrion malien, malgré les 2 jours décrétés chômés par le gouvernement le taux de retrait des cartes tourne autour de 10 à 15%. Comme si cela ne suffisait pas, la fièvre est montée d’un cran, suite à la polémique suscitée par la cacophonie qui a entouré la publication du fichier électoral. En effet, le 27 avril dernier, une première publication faisait état d’un corps électoral de 8,1 millions. Un fichier audité par la communauté internationale. Le 4 juillet dernier, ce chiffre a été augmenté à 8,7 millions. Il n’en fallait pas plus pour que l’opposition, sous l’impulsion de l’URD de Soumaïla Cissé fronce les sourcils, devant ce qu’elle considère comme un processus de fraude en perspective et Tiébilé Dramé le directeur de campagne de «Soumi» de crier au vol informatique. Qui à tort ? Qui à raison ? On n’en sait rien, mais cette situation remonte des réminiscences de 2013.
Le vendredi 20 juillet, le principal challenger du président-candidat, Soumaïla Cissé n’est pas passé par 4 chemins pour dénoncer l’existence d’un fichier électoral parallèle. Et une réunion entre les différents acteurs et le comité national d’audit qui devait avoir lieu hier a été reportée sine die. De toute façon, l’URD était non partante. Un Orage dans ce pays désertique enclavé, où en cette période de nuages sombres, le moindre mouvement est décrypté avec circonspection. Si du côté de la Direction générale des élections (DGE), dirigée par Siaka Sangaré on reconnaît quelques erreurs techniques minimisées à souhait, le camp du président candidat, constitué au sein de l’Alliance pour la solidarité au Mali (ASMA) qui se veut une mouvance présidentielle, s’est faite entendre avec une certaine fermeté, comme pour couvrir le bruit grondant du tonner. Lors d’un meeting organisé au palais des ports de Bamako le 22 juillet dernier, devant 5 000 personnes, le premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga himself est monté au créneau pour marteler que «personne ne prendra la présidentielle en otage. Nous avons un fichier électoral clair, qui a été accepté par tout le monde ». Même s’il ne le désigne pas, on aura compris que ce message d’un ton ferme s’adresse à l’URD et principalement à Soumaïla Cissé, vu comme le candidat le plus à craindre dans cette fournée de 24 prétendants.
A J -5, c’est clair, l’élection présidentielle malienne qui, dans sa configuration actuelle va très certainement laisser une bonne partie de la population en rade, baigne dans une ambiance anxiogène qui ne présage pas une élection aux contours démocratiques indiscutables. Dans ces conditions-là, forcément, la légitimité du président élu ne manquera pas d’être mis en cause. Le dimanche 29 juillet prochain, le Mali ira aux urnes pour un devoir de démocratie pleine d’incertitudes.
Hamed JUNIOR


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