«Jean Hélène, Pya pour RFI», alors que l’auteur de ces lignes avait croisé Jean Hélène à Ouagadougou, il avait imité la voix de ce dernier dans un récent reportage qu’il avait réalisé dans la ville natale de l’ancien président togolais, Gnassingbé Eyadema. Jean Helène avait alors souri et répondu avec calme. «Il faut bien que Piya soit couvert». C’était dans les années 2000. C’est un des souvenirs vivaces que nous gardons de ce journaliste émérite, qui aimait bien son travail et qui l’accomplissait avec un sérieux de bénédictin.
Nous ignorions à l’époque que ce confrère de plusieurs organes, et particulièrement d’Issy-les-Moulineaux à partir de 1998, avait un faible pour l’Afrique, pour les Africains, et que là au milieu des habitants de ce continent, il était à l’aise, dans ce qu’il excellait le plus : la pratique au quotidien du métier d’informer. De la Somalie, au Soudan du Sud, en passant par le Rwanda «génocidé», ou le Kenya, muni de son Nagra, éternel Jacquette sur une chemise, l’homme aimait humer «les odeurs tropicales de la nuit ou de l’aube», c’est-à-dire cette Afrique dont il était tombé sous les charmes.
Savait-il que cet amour, lui écourtera sa vie dans une Côte d’Ivoire, prise d’une danse de Saint Guy dans ces années 2000, à cause d’une présidentielle «calamiteuse» et d’un coup d’Etat raté ? En ce 21 octobre 2003, notre confrère sera abattu d’une balle, par le sergent Théodore Seri Dago, lequel sera condamné le 23 janvier 2004 à 17 ans de prison.
15 ans après ce sacrifice suprême, après être tombé le micro à la main et le Nagra en bandoulière, que reste-t-il de ce confrère ? Naturellement, son professionnalisme, son humilité et son «africanité» en imposaient. En radio, il faut rendre en 1 mn 30 voire 2mn maximum, une ambiance, le film d’un évènement ou d’une cérémonie, à la limite les odeurs bref un kaléidoscope sonore. Jean Helène savait si bien le faire tout en restant attaché aux «fondamentaux» du journalisme, en rendant son article avec concision et objectivité, tout en restant «dehors» effacé.
En effet, l’humilité de l’illustre disparu était reconnue de tous ses confrères, car ne se mettant jamais en avant. Ni vedettariat, ni passion démesurée, ne transpiraient dans ses reportages. Non engagé politiquement, il l’était journalistiquement aussi, et dans cette pétaudière ivoirienne de 2003, il a tenté tout simplement d’exercer ce métier, qui lui aura coûté la vie. Un sacrifice suprême, qu’aucun confrère ne pourra oublier.
En restant attaché à cette Afrique, où sa voix était devenue si familière et si informative, Jean Hélène manifestait un tropisme pour un continent, qu’il a épousé professionnellement et même humainement. Son travail, 15 ans après son assassinat demeure un phare, une boussole, pour des générations de journalistes, et après tout n’est-ce pas ce qu’aurait souhaité Jean Hélène ?
Zowenmanogo ZOUNGRANA


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