Il aurait aujourd’hui 100 ans. Il serait un centenaire pas comme les autres genres, ses collègues japonais de l’île d’Okinawa au Japon. Un centenaire qui aura fait la prouesse d’être adulé par le monde entier. Un exemple de don de soi, de sacrifice, de vision. Un être humain qui a été taillé dans l’étoffe des grands Hommes. Ces Hommes qui se comptent sur le bout des doigts au gré de la marche des aiguilles de l’horloge de l’Histoire. Ces hommes qui ne se fabriquent pas dans une usine de travail à la chaine. Ils ne se trouvent pas aux rayons des articles produits en série. Ce sont des Hommes que le Grand Barbu crée sur un rare instant d’inspiration particulière divine. Car, ils sont peu nombreux, sinon rares, à accepter porter le fardeau de tout un peuple, sinon tout un monde, sur leurs frêles épaules et en accepter et endurer dans leur chair, les griffes acérées de leurs conséquences. Héraclitéen, le philosophe Souleymane Bachir N’daye, dit qu’on aura plus un deuxième Nelson Mandela, ce qui est vrai tout comme on aura plus un second Ghandi, tout homme étant unique et en ce qui concerne le dossard 46 664 de la prison de Robben Island, qu’on soit croyant, athée ou agnostique, on reste convaincu que des personnalités de la race de Madiba sont sécrétées une fois par siècle.
Sans Nelson Mandela, peut-être que l’apartheid serait fini aujourd’hui en Afrique du Sud, mais ce pays ne sera pas ce qu’il est aujourd’hui. Au lieu d’un arc-en-ciel riche de ses multiples couleurs unifiées qui ravit le monde par sa cohésion, on assisterait à un chaos indescriptible et hideux que livrerait à voir par exemple un tableau fraîchement peint de mille colorations mais sur lequel des chatons auraient mené une farandole effrénée et brouillonne. Faire 27 ans à casser des cailloux, à subir toutes sortes de brimades, pour faire cesser une politique ségrégationniste, et lorsqu’on recouvre la liberté, inviter ses geôliers à partager sa table, leur pardonner et prier les Noirs à ne pas détester les Blancs, surtout accepter de quitter le pouvoir après un seul mandat, c’est une réalité qui dépasse la fiction. Invictus, cette frasque cinématographique de Clint Eastwood qui retrace la vie de Mandela. 100 ans après sa naissance, ces petits gestes du township de Sowéto, du quartier d’Orlando West, qu’ont consisté à des opérations de salubrité publique des rues et de la rivière Klip, sont autant d’actes que n’aurait pas dénié le premier président noir, qui adorait ces gestes simples. 67 minutes c’est rien par rapport à une vie aussi remplie que celle de Mandela, mais cet arrêt, un siècle après la venue sur terre du thaumaturge Sud-africain, sont suffisantes pour rappeler son œuvre et inviter les générations, ses compatriotes qu’il y a eu un système abject, qui se nommait apartheid et qu’un homme Mandela, avec d’autres camarades se sont mis au travers pour le combattre, ce qui a donné naissance à cette nation arc-en-ciel.
Le contraste de l’importance et de l’unité de Nelson Mandela est encore plus ravivé depuis qu’il est parti pour le voyage céleste. Son héritage politique est en train d’être utilisé d’une manière forte désolante. Cet héritage a été dilapidé par un Jacob Zuma très éloigné de l’exemple de probité, de responsabilité et d’intégrité promu par Nelson Mandela. Son successeur Cyril Ramaphosa a la charge de rectifier le tir, mais il y avait certainement une meilleure façon d’accompagner les frais moments qui ont suivi le départ du président sud-africain.
Egalement et malheureusement, les héritiers filiaux de Nelson Mandela sont tombés dans le même cloaque triste et nauséeux des querelles sur les restes funèbres de défunt. Les biens de Mandela font l’objet d’une véritable bagarre, comme le feraient des canidés autour d’un os qui leur a été jeté négligemment.
Mais la présence d’un Barack Obama au Mandela Day avec des mots forts et profonds et bien d’autres manifestations de la grandeur du célèbre défunt prisonnier devenu président, doivent renseigner les Sud-Africains sur l’immense fardeau qui pèse aujourd’hui sur leurs épaules. Le 44e président des USA ne fait pas de figure de style lorsqu’il parle du «dernier grand libérateur du XXe siècle» au sujet de Nelson Mandela. Certes, les plus que 7 milliards d’habitants qui marchent sur le globe terrestre devraient inscrire dans leur ADN comportemental les actions, les idées et la vision de Nelson Mandela. Le monde guérirait certainement de nombreux maux si l’onguent « aimer son ennemi » oignait le cœur de la moitié de l’humanité. Mais les Sud-Africains, plus précisément ceux d’entre eux qui prétendent présider à la destinée de cette formidable nation, sont tenus de tenir la barque dans le sillage tracé par Mandela. De sa demeure éternelle sur la colline de Qunu, l’icône antiapartheid doit en ce jour-anniversaire, avoir un sourire énigmatique mais se retourner un peu sur sa tombe, au regard des luttes égocentriques et d’intérêts qui petitement, vendangent l’important legs politique et humanitaire qu’il aura laissé.
Ahmed BAMBARA


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