Difficile pour les Sénégalais et les Marseillais d’oublier ce géant de presque 1,90 qui de par la magie du ballon rond le lia à la cité phocéenne.
Qui aurait cru d’ailleurs que ce fils d’un ancien combattant né à Abéché au Tchad, voilà 68 ans, aurait eu un destin presque filial avec l’Olympique de Marseille (OM)?
Le journalisme même à tout, il mena Pape Diouf à la Marseillaise, puis comme promoteur de footballeurs. C’est cet homme affable en apparence, mais fort en thèmes foot, que le coronavirus a terrassé avant-hier, sur le sol de ses aïeux, Dakar où il séjournait !
Le coup est rude. Violent. Terrible. Tel un uppercut qui vous expédie directement au sol avec fulgurance. Pape Diouf est donc mort mardi soir à Dakar, à l’âge de 68 ans. L’implacable faucheuse, sous sa maudite et hideuse métamorphose Covid-19 l’a emporté, presque sans salamalec. Terrassé en quelques jours, l’ancien président de l’Olympique de Marseille s’est pourtant battu comme un lion. Une mauvaise toux, qui laissait penser à une grosse angine, l’avait incommodé la semaine passée. Il était loin de se douter, qu’il allait à son tour être admis au CHNU de Fann, spécialisé dans les maladies infectieuses. Placé sous assistance respiratoire, l‘avion sanitaire affrété par l’ambassade de France était prêt à décoller pour Nice, où une place l’attendait dans un hôpital, mais des complications dues à la dégradation rapide de son l’état de santé ont empêché l’appareil de s’envoler. L’ancien dirigeant de l’OM s’est éteint à l’hôpital de Dakar. C’est le monde entier qui pleure la disparition du plus Marseillais des Sénégalais. Parti du continent à l’âge de 18 ans, le sort a voulu qu’à 68 ans, il y reste pour l’éternel repos. Pour le pays de Senghor, la douleur est doublement vive puisqu’il est le premier malade du Covid-19 à succomber dans ce pays qui compte 175 cas à ce jour.
Première victime sénégalaise du Covid-19, il avait été tour à tour journaliste sportif, agent de joueurs et président de l’Olympique de Marseille. Pape Diouf a montré qu’au-delà des muscles et au prix de la sueur sur le terrain, les Africains pouvaient également faire valoir avec succès, leur capacité managériale. Pour une fois, descendants de tirailleurs et des ancêtres gaulois mettent les querelles partisanes de côté. Joueurs, entraîneurs ou dirigeants, de l’OM, du PSG ou de Lyon, sont unanimes à reconnaître la valeur de l’homme et à saluer sa mémoire.
Il fut et restera le premier dirigeant africain d’un grand club du football européen, à l’Olympique de Marseille qu’il dirigea entre 2005 et 2009 lorsque le club phocéen était la propriété du Suisse Robert Louis-Dreyfus. Il n’en tirait nulle fierté. «Je suis le seul président noir d’un club en Europe. C’est un constat pénible, à l’image de la société européenne et, surtout, française, qui exclut les minorités ethniques», regrettait-il en 2005 dans une interview. Auparavant, il a été le premier journaliste africain responsable de rubrique sportive en Europe, premier agent de joueurs africains, premier manager sportif d’un grand club européen. Narcissisme mis à part, nullement complexée par ses origines, Pape Diouf n’était pas homme à sous-estimer sa valeur. Solide sur sa perche de 1m 89, alliant élégance et aisance dans la démarche, la voix chaude et le ton mesuré, il en imposait par son charisme. Souriant et détendu, il n’en demeurait pas moins inflexible face à certaines situations. Le verbe haut et doté d’une immense palette de culture générale, Il ne craignait ni les polémiques, ni les débats d’idées. Il en sortait d’ailleurs le plus souvent par le haut.
Avec les footballeurs, il aura appris à les connaître et à gagner leur confiance. Il les conseillait et les manageait. C’est le début du foot-business. Il le fait d’abord bénévolement puis devient leur agent. Les premiers sont les stars noires de l’OM, Joseph-Antoine Bell et Basile Boli. D’autres suivront, d’origine africaine (Marcel Desailly, Didier Drogba, Samir Nasri) ou non africain (Sylvain Armand, Grégory Coupet). Quand il quitte la profession, en mars 2004, il possède l’un des plus beaux portefeuilles de joueurs d’Europe.
Cela lui ouvre les portes de l’Olympique de Marseille, où il entre officiellement comme manager sportif, bras droit d’un autre ancien journaliste, Christophe Bouchet. Il lui succède un an plus tard, en 2005, à la présidence. Habile à se mettre les supporters de l’OM dans la poche, comprenant mieux que quiconque le contexte marseillais, Diouf relance le club, qui accroche trois podiums consécutifs (2e en 2006-2007, 3e en 2007-2008, 2e en 2008-2009) et réussit quelques exploits en Ligue des champions.
L’échec en 2014 de sa candidature à la mairie de Marseille à la tête d’un collectif citoyen n’écorna pas son image, pas plus que le titre de champion de 2010 après son départ ne le fit oublier dans la tête et le cœur des supporters. Ces derniers temps, le Franco-sénégalais avait effectué un retour à Dakar, où il passait une majeure partie de son temps. Histoire de se rapprocher de sa famille. Il n’en restait pas moins proche de la France, où il était actionnaire de l’école de journalisme et de communication Mediaschool de Marseille.
L’OM, bien sûr, faisait aussi partie de son quotidien, de ses tripes. Il se tenait informé de tout, n’hésitait pas à appeler ses amis journalistes pour connaître leurs impressions sur tel ou tel match, tel ou tel joueur, tel ou tel épisode de la grande saga olympienne. Aujourd’hui, ce club qu’il chérissait tant a perdu l’un de ses plus illustres ambassadeurs. Marseillais un jour, marseillais toujours, Pape Diouf était quasiment la mascotte de l’olympique de Marseille. OM du berceau au cercueil ! Il a incarné ce slogan. Adieu le sportif, le «footeux», le promoteur. Adieu Pape !
Hamed JUNIOR


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