L’interrogatoire de Léonce Koné s’est poursuivi le mercredi 17 octobre 2018. Pour son deuxième passage à la barre, les débats ont tourné autour des 50 millions de francs CFA reçus de la Côte d’Ivoire et la culpabilité du ténor du CDP. Celui-ci a soutenu que les 50 millions n’étaient pas destinés à soutenir l’action du CND, mais pour financer les activités de son parti et de ses alliés.
Le 16 septembre 2015, le Régiment de la sécurité présidentielle (RSP) renversait le gouvernement de la transition et instaure le Conseil national de la démocratie (CND). Dans la foulée, une mallette contenant 50 millions de francs CFA a été envoyée depuis la capitale ivoirienne pour le compte de Léonce Koné. Cet argent reçu par le général Gilbert Diendéré a été transmis au ténor du CDP. Y a-t-il un lien entre ces millions et le coup d’Etat ? C’est ce qu’ont tenté de prouver le parquet et les avocats des parties civiles. Dans cette logique, Me Prosper Farama des parties civiles va chercher à savoir qui est l’expéditeur de l’argent. L’accusé va déclarer ne pas savoir. Il va rebondir en lui demandant de donner les noms des donateurs ; ce que ne fera pas le prévenu. Certain que le prévenu a les réponses, mais refuse de les donner, l’avocat va confier que pour lui, c’est le chef d’état-major particulier de la présidence ivoirienne, le général Vagondo Diomandé qui a envoyé le matériel de maintien de l’ordre et l’argent. Ne partageant pas cette observation faite par l’avocat, M. Koné va lui demander de savoir d’où est-ce qu’il tire cette conclusion ? D’après lui, il n’a aucun lien avec le général ivoirien. Il profite de cette réponse pour répondre au parquet militaire qui lui a demandé de savoir quel lien y a-t-il entre lui et le chef d’état-major particulier de la présidence ivoirienne. N’étant pas satisfait de cette réponse du prévenu, le procureur militaire ne va pas s’arrêter à là. Il va en effet lui demander si son parti avait l’habitude de recevoir de l’argent venant de la Côte d’Ivoire par ce mécanisme. La réponse de l’accusé sera la suivante : «non, mais cette fois-ci, c’était exceptionnelle». Afin de lever tout doute sur l’utilisation qui a été faite des millions en question, il va indiquer qu’ils n’ont pas servi à soutenir les actions du CND, mais à financer les activités de son parti et ses alliés. Son conseil Me Antoinette Ouédraogo va trouver la question de la partie adverse de connaître les noms des donateurs des 50 millions ; comme étant une forfaiture. Rappelant que le procès-verbal qui traite de cette partie a été retiré du dossier, elle estime qu’elle n’a pas le droit de poser cette question à son client. L’ancien bâtonnier sénégalais, Me Yérim Thiam aussi avocat de Léonce Koné, va faire observer qu’il a l’impression que le parquet veut faire un lien entre l’ex-président du Faso, Blaise Compaoré en exile en Côte d’Ivoire, l’argent envoyé et son client. L’accusé va soutenir l’observation faite de son conseil en indiquant que cette question lui a été posée à la gendarmerie et devant le juge d’instruction. Afin de lever définitivement le doute sur cette affaire, il va demander au ténor du CDP de savoir si Blaise Compaoré est poursuivi pour complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat ? Il va répondre par la négative.
Léonce Koné coupable ou pas coupable ?
Léonce Koné a-t-il soutenu le coup d’Etat ? C’est ce qu’ont tenté de prouver le parquet et les parties civiles qui, si on leur posait la question, répondront par l’affirmative. Pour prouver qu’ils ont raison, le parquet va demander au prévenu de savoir s’il était favorable au coup d’Etat ? Sans passer par quatre chemin, il va répondre que : «je n’ai pas fait de coup d’Etat, je ne suis pas non plus complice. Cependant, à la suite des raisons avancées par le CND, nous étions favorables au changement de régime». Il relativise : «la déclaration de soutien au CND que nous avons fait ne fait pas de nous des complies du coup d’Etat». L’avocat des parties civiles, Me Prosper Farama, n’étant pas d’avis avec ce dernier, va tenter de prouver sa culpabilité en lisant un message envoyé par H. Y à l’accusé. Dans ce message, il était question de mobilisation, de faire appel à l’armée et de la soumettre à un seul chef. Il faut rappeler H. Y en question est Hermann Yaméogo à en croire l’avocat des parties civiles. Analysant le message, il se demande si les auteurs n’ont pas un lien avec les militaires. Toujours sur sa détermination à prouver la culpabilité du prévenu, il va indiquer que quand il y a coup d’Etat, ce sont les putschistes qui vont vers les partis politiques ; ce qui n’est pas le cas dans le présent dossier, car ce sont les partis de l’ancienne majorité qui sont allés vers les putschistes. Cherchant à connaître la raison, le prévenu va déclarer ne pas pouvoir lui répondre. N’ayant pas apprécié la question, il va demander à l’avocat de savoir d’où est-ce qu’il tient cette idée qui dit qu’habituellement, quand il y a coup d’Etat, ce sont les putschistes qui vont vers les partis politiques et non l’inverse. «Y a-t-il un manuel de coup d’Etat», lui a-t-il lancé.
«S’il n’y a pas d’inclusion, il n’y a pas d’élections»
Poursuivant, Me Prosper Farama va lire une déclaration faite par ceux que l’on peut se permettre d’appeler des pros-putschistes. La déclaration disait ceci : «En ces moments graves que traverse notre pays, nos partis réaffirment leur total soutien, leur entière solidarité au CND». A la suite de la lecture de ladite déclaration, il va lui demander ce qu’il entend par entière solidarité. Comme réponse Léonce Koné va affirmer : «je ne vais pas me prêter à ça». Convaincu de la culpabilité de l’accusé, il va rappeler une déclaration du président du CDP, Eddie Komboïgo qui disait : «s’il n’y a pas d’inclusion, il n’y a pas d’élections». Partant de cette déclaration, il va rappeler que quelques jours après, un groupe de militaires a pris le pouvoir par les armes. Sa conclusion est qu’il y a une logique.
Dans son rôle de charger l’accusé, le procureur militaire rappelant que Léonce Koné a été l’initiateur du rassemblement des militants de son parti à l’hôtel Laïco ; il lui a posé la question de savoir s’il n’est pas responsable des dérapages qui s’en sont suivis ? Pour sa défense, le prévenu va rappeler au procureur militaire que lors des évènements, il y a eu des violences de part et d’autre. Il va soutenir sa défense à travers cette déclaration : «le CDP n’a pas une culture de violence, contrairement à nos adversaires qui, depuis 2014 ne cessaient de nous provoquer».
La réponse de Me Antoinette Ouédraogo au parquet militaire
Volant au secours de son client, Me Antoinette Ouédraogo va indiquer que le parquet militaire manque de preuves pour dire que Léonce Koné est coupable de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, et de coups et blessures. Reconnaissant que le rôle du parquet est d’accuser, elle va indiquer qu’on n’accuse pas parce qu’on n’aime pas la tête d’une personne, mais parce qu’on a des preuves, a-t-elle soutenu. Considérant les questions et les observations du parquet comme étant des allégations et des déductions, le conseil de l’accusé va conclure qu’elles sont maladroites.
Allant dans le même sens que le parquet militaire, Me Prosper Farama va demander à l’ancien vice-président du CDP de savoir si son parti a dénoncé les exactions commises lors des évènements. Il va répondre par l’affirmative. Sans convaincre l’avocat, ce dernier va lui dire qu’il ne l’a pas vu et qu’il peut se tromper. Pour couper court au débat, le prévenu va lui faire comprendre que s’il veut, il va lui l’abonner aux communiqués du CDP. «Merci, comme ça, j’aurai la primeur des communiqués d’un régime putschiste», a conclu Me Farama .
Boureima SAWADOGO et Edoé MENSAH-DOMKPIN


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