Né en 1988, jamais condamné, ni décoré, le sous-lieutenant Seibou Traoré, poursuivi pour complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, de complicité de meurtre et de coups et blessures, a été appelé à la barre pour répondre de ces faits, le lundi 3 septembre 2018. L’accusé qui a reconnu avoir exécuté professionnellement des ordres militaires, a plaidé non coupable.
Je ne reconnais pas les faits, mais j’ai exécuté des ordres le 16 et les jours suivants. Ce sont les mots du sous-lieutenant Seibou Traoré en réponse à la citation des chefs d’accusation qui pèsent contre lui. Il est en effet poursuivi pour complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, de complicité de meurtre et de coups et blessures. Il a confié que le 16 septembre 2015, il est arrivé au camp Naaba Koom II pour une séance de sport. Et à la fin des activités sportives, il a indiqué qu’avec un autre sous-lieutenant, ils ont assisté le sous-lieutenant Yaro qui devait instruire les jeunes à une séance de tirs. C’est donc à la fin de la séance, qu’ils se sont rendus au bureau du lieutenant Gorgo qui les a instruit de se mettre en tenue de combat, a-t-il indiqué. Il poursuit en confiant qu’il est rentré se changer et de retour au camp, il a vu le lieutenant Gorgo en réunion avec le général Diendéré sans chercher à savoir ce sur quoi, la réunion a porté, pour la simple raison qu’il venait d’être affecté au RSP. Selon les explications du prévenu, suite à des mouvements qui ont attiré son attention au camp, et après s’être renseigné, il a appris que les autorités de la Transition ont été arrêtées. Le 17 septembre, celui qui a confié avoir pris fonction 48 heures avant les évènements, a déclaré s’être rendu au Conseil de l’entente, où il a été affecté. Il raconte qu’à son arrivée, le lieutenant Philippe Ouattara l’a ordonné de se rendre à la Place de la nation avec des éléments pour empêcher tout rassemblement. Il va également reconnaître avoir fait des patrouilles.
Il semble que c’est un récit qui a convaincu le parquet militaire. A en croire en effet le procureur, la déclaration de l’accusé se rapproche de ce qu’il avait dit auparavant devant le juge d’instruction. Cela ne l’a pas empêché de lui demander de savoir s’il a fait usage de son arme. Le prévenu va répondre par la négative, tout en confiant que deux de ses éléments ont tiré en l’air dans les parages du marché de Sankariaré pour disperser des manifestants. Seibou Traoré va déclarer les avoir réprimandé en leur faisant comprendre qu’ils n’ont pas reçu l’ordre de faire usage de leurs armes.
Quand Me Farama titille l’accusé et son conseil
Si l’accusé est poursuivi pour complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, il n’est pas de cet avis et a même déclaré n’avoir pas participé au coup d’Etat. Toute fois,il reconnait avoir exécuté avec professionnalisme des ordres militaires. Il va donc rappeler au parquet que sa mission à la Place de la nation n’était pas de faire un coup d’Etat ou d’arrêter le président de la Transition, mais d’empêcher tout rassemblement. Ses tentatives de convaincre le camp d’en face seront un échec au regard des observations faites par l’avocat des parties civiles, Me Prosper Farama. Il va en effet indiquer que le sous-lieutenant a effectué les missions de patrouilles comme de maintien de l’ordre à la Place de la nation tout en sachant que les autorités de la Transition ont été arrêtées. Sa conclusion est qu’il a participé au coup d’Etat. Le prévenu va rétorquer en affirmant qu’on ne lui a pas appris à l’académie à faire un coup d’Etat ou la conduite à tenir quand il y a un coup d’Etat. «On m’a appris à me mettre à la disposition de mes supérieurs quand il y a une situation», a-t-il soutenu.
Il faut rappeler que pour ses missions, le sous-lieutenant a confirmé que ses hommes et lui les ont effectué avec leurs armes de dotation. Il laisse entendre par la même occasion avoir maintenu l’ordre sans utiliser sa cordelette. Me Farama n’ayant pas été convaincu va lui poser la question suivante : «comment peut-on maintenir l’ordre avec une kalachnikov et un pistolet automatique alors qu’on déclare n’avoir pas fait usage de sa cordelette ?». L’accusé va répondre : «la présence des FDS à un lieu est dissuasive». L’avocat des parties civiles ne va pas s’arrêter à là. En rappelant que le prévenu avait dit qu’il est arrivé au RSP deux jours avant les évènements pour justifier le fait qu’il a effectué les missions ; il va lui demander d’apprécier, s’il va tirer ou pas sur un individu, si son supérieur le lui ordonnait. Seibou Traoré va simplement refuser d’apprécier cette question en lui rappelant que : «c’est parce que vous n’êtes pas militaire». La réponse de l’homme de droit sera : «je ne suis pas militaire c’est vrai et je n’ai pas envie de ressembler à certains militaires».
Les observations du conseil de l’accusé
Venant à la rescousse de son client, Me Mamadou Sombié qui ne partage pas les observations de son confrère des parties civiles, va souligner qu’il ne voulait pas que son client répond aux questions des parties civiles. D’après lui, elles s’arrogent un rôle qui n’est pas le tient ; avant de déclarer qu’elles ne sont pas le parquet. Il continue en demandant aux conseils des parties civiles de reconnaître leur place. D’après lui, ce procès ne peut pas être un règlement de compte. «Un peu de respect», a-t-il soutenu de nouveau.
S’adressant à présent au président du Tribunal, il affirme que son client n’a pas sa place parmi les accusés. Allant dans le même sens que ce dernier, l’avocat va soutenir qu’il a simplement exécuté un ordre militaire. Afin de convaincre le Tribunal, il va noter que des exécutants d’un coup d’Etat n’ont jamais été jugés. Il prend pour exemple la deuxième guerre mondiale qu’il qualifie de drame du 20e siècle. D’après lui, ce sont les supérieurs qui ont été jugés. Faisant le rapprochement avec le putsch, il estime que dans le présent dossier, les exécutants ne doivent pas être poursuivis ; mais ceux qui ont donné les ordres. Convaincu que son client n’a pas sa place parmi les accusés, Me Mamadou Sombié va confier qu’à la fin du procès, il y aura deux listes ; une pour les acquittés et l’autre pour les condamnés. Convaincu de l’innocence du sous-lieutenant Seibou Traoré, il va conclure que ce dernier fera partie des acquittés. L’audience se poursuit demain avec d’autres accusés au tribunal militaire à Ouaga 2000.
Boureima SAWADOGO et Edoé MENSAH-DOMKPIN


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