Procès putsch manqué : Le caporal Léonce Sow quitte le navire

Procès putsch manqué : Le caporal Léonce Sow quitte le navire

Les audiences au procès du coup d’Etat du 16 septembre 2015 continuent de battre leur plein du côté de la salle des banquets. Le week-end dernier, un certain nombre d’accusés se sont encore succédé à la barre, parmi lesquels le caporal Léonce Sow dont le tribunal s’est déclaré incapable de juger, faute de charges retenues à son encontre ; l’adjudant-chef major Montouan Koumbia, le chef de la sécurité rapprochée de M’Ba Michel qui a livré sa version…Deux demandes de mise en liberté provisoire ont aussi été examinées et le délibéré a été renvoyé pour ce lundi 3 septembre.

Plusieurs accusés étaient à la barre au cours des audiences du vendredi 31 août et samedi 1er septembre, du côté du tribunal militaire à Ouaga 2000. Au nombre de ceux-ci, on notait le caporal Léonce Sow. Revenu de sa mission onusienne sur convocation du parquet militaire à venir comparaître dans ce dossier du putsch manqué de septembre 2015, il n’aura passé que quelques instants à la barre,le temps de voir son cas tranché définitivement par le tribunal. En effet, aucun chef d’inculpation n’était retenu contre ce caporal après son passage devant la Chambre de contrôle. Mais chose bizarre, son nom figure sur la liste des 84 inculpés à comparaitre. Cet état de fait ne laissera pas indifférent son avocat :«Mon client  peut être entendu dans ce dossier comme un témoin mais pas en tant qu’accusé. Son nom a dû glisser par inadvertance sur cette liste, car il n’y a pas de charges qui le renvoient véritablement devant cette juridiction. Et l’article 106 du code de justice militaire est clair là-dessus», plaide Me Mahamadi Sawadogo. Devant l’insistance du ministère public à entendre le prévenu, le tribunal s’est dit  être dans l’incapacité de le juger. «Il a été renvoyé devant notre Chambre sans une notification des faits à lui reprochés et selon la loi on ne peut pas le  juger», a expliqué le président Seïdou Ouédraogo, et qui l’a d’ailleurs invité à rejoindre sa place. Ainsi donc, il devient hors course dans cette procédure judiciaire, laissant 83 personnes maintenant dans la barque.

Le caporal Soumaïla Diéssongo et le soldat Harouna Ouédraogo se comportent différemment chez  feu Salifou Diallo

Reconnaissant avoir été au domicile de feu Salifou Diallo, le caporal Soumaïla Diéssongo n’est cependant pas d’accord  avec le parquet qui l’accuse d’avoir désarmé et porté des coups à ceux qui étaient commis à la garde des lieux, en l’occurrence, à l’assistant principal de police Yacouba Manli. Aux dires de l’accusé, c’est le 17 septembre que le sergent Issoufou Zougnoma l’a embarqué dans son véhicule avec d’autres éléments, en lui disant qu’ils partaient chercher des vivres. C’est en cours de route que deux individus les ont interpellé et se sont adressé au chef de bord, le sergent Zougnoma. A en croire Soumaïla Diéssongo c’est sur la base de l’information portée à la connaissance de leur chef dont il ignorait la quintessence qu’ils ont rebroussé chemin pour se retrouver dans cette résidence. Une fois  arrivée, le caporal dit avoir reçu l’ordre de son chef de récupérer l’arme d’un homme en tenue civile qui  a eu à effectuer des tirs. Et il affirme avoir retiré l’arme sans porter de coups à son propriétaire ni violenter toute autre  personne. Convaincu que cet accusé qui purge déjà 10 ans de prison dans le dossier Madi Ouédraogo et Cie n’est pas du tout sincère, le parquet militaire se réfère  aux témoignages de l’un des victimes, l’assistant de police Manli qui dit : «Face à la furie de manifestants, déterminés à saccager le domicile, j’ai fait des tirs de sommation pour les dissuader. Ces derniers sont revenus quelques temps après, en compagnie de 3 véhicules avec des militaires du RSP». Toujours selon le policier, nonobstant qu’il s’est présenté aux bidasses, le plus court d’entre eux a rétorqué «On s’en fou !» et il a été désarmé. Puis, lui et d’autres personnes ont été tenus en respect par leurs visiteurs. «Ils nous ont couché par terre et à l’aide de cordelettes et de branches d’arbres ils nous ont bastonné. J’ai même refusé  de me déshabiller quand ils m’ont exhorté de le faire. Et J’ai été admis à l’infirmerie  quand ils m’ont conduit au camp Naaba Koom II», a-t-il confié. D’après le ministère public, l’agent de sécurité a reconnu le caporal Diéssongo, comme celui qui a été le plus violent ce jour-là et qui est très remarquable de par sa petite taille. Prenant la parole Me Martine Tologho déclare que c’est une accusation sans preuve, car toute l’accusation est fondée sur une présomption liée à sa physique (petite taille). Sur ce, elle a laissé entendre que : «Il est fort probable que mon client ne soit pas le plus court au RSP». Notons que le caporal Soumaïla Diéssongo est poursuivi pour complicité de dégradation volontaire aggravée de biens et de coups et blessures. Tout comme son prédécesseur, le soldat de 1ère classe Harouna Ouédraogo souligne qu’il s’est retrouvé fortuitement chez l’ex-président de l’Assemblée nationale. «J’ai embarqué dans le véhicule du  sergent-chef Roger Koussoubé, conduit par le sergent Ousmane Djerma pour aller récupérer mon matériel de travail resté la veille au Conseil de l’entente (CE)», foi du soldat Ouédraogo. Il poursuit qu’il n’a pu rentrer en possession dudit matériel parce que n’ayant pas pu parvenir au lieu qu’il souhaitait(CE). L’électricien de l’ex-RSP soutient qu’il n’a rien fait chez Salifou Diallo, car étant resté à côté du véhicule. Mieux, il affirme avoir permis à certaines personnes de se tirer d’affaire. Ces propos sont confirmés par le PV d’interrogatoire de l’assistant Yacouba Manli, dans lequel il mentionne que le soldat de 1ère classe était le plus discret et demandait même à ses frères d’arme d’arrêter la bastonnade. Tout en rappelant que le quartier était consigné, celui qui est accusé de complicité d’attentat et de coups et blessures a fait remarquer que sur ordre de son adjudant de compagnie, il fera partie d’une équipe le 18, pour escorter une citerne qui partait se ravitailler en carburant à Bingo.  Pour sa part, son avocat Me Ignace Tougouma confesse que son client est constant dans tout ce qu’il dit et c’est cohérent. «Il n’a effectué aucune mission tendant à consolider le putsch et n’a porté de coups à personne. Sous réserve d’autres éléments je vous demande Monsieur le président, de tirer les conséquences», a plaidé l’auxiliaire de justice.

La version du chef de la sécurité rapprochée du jour de M’Ba Michel

Dans ce défilé à la barre d’éléments de l’ex- Régiment de la sécurité présidentielle (RSP) ayant le même refrain (je ne reconnais pas les faits), l’adjudant-chef major Montouan Koumbia s’est invité dans la partie. Inculpé de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre et coups et blessures volontaires, il a également nié les faits. A l’écouter, le 16 septembre, tout se déroulait normalement au Conseil des ministres, quand il demandait la permission à l’aide de camp du président Michel Kafando, pour faire une course personnelle en ville. «C’est quelques temps après mon arrivée que tout est accéléré. Depuis le hall où j’étais, j’entendais des voix menaçantes. Je n’ai pas pu avertir mes supérieurs et le temps de vérifier, il était trop tard, car le président avait déjà été enlevé, sa garde désarmée et son aide de camp enfermé dans une pièce», a soutenu le major. A l’en croire, c’est sur ordre du major Eloi Badiel, que le sergent-chef Adama Diallo  l’emmènera plus tard au palais et dès cet instant, il comprit que  les ravisseurs du PF étaient à la solde de l’adjudant-chef major Eloi Badiel. Réagissant à l’interrogation du parquet militaire de savoir pourquoi il n’a rien fait pour sauver son président, le chef de la sécurité rapprochée se justifie en ces termes : «Je voulais réagir, mais le rapport de force n’était pas de mon côté». Dans la même veine, le major Montouan Koumbia a confessé avoir conduit le président de la transition du palais à sa résidence officielle lorsqu’il a été libéré le lendemain 17 septembre, et assuré aussi la sécurité du président sénégalais, Macky Sall du 18 au 20. Le ministère public a corroboré son récit indiquant que ce dernier est dans la même  logique par rapport à ce qu’il avait affirmé auparavant à la gendarmerie et au juge d’instruction. Par ailleurs, selon le major il n’a jamais soutenu le coup d’Etat. «J’ai voulu rejoindre mon nouveau corps d’affection (le génie militaire au camp Sangoulé Lamizana), quand le chef de corps a appelé au désarmement lors du rassemblement du 26 septembre. Finalement, je suis resté jusqu’au 29, suite à l’appel du général Gilbert Diendéré qui invitait les éléments à rester soudés quelle que soit la situation», a-t-il renchéri. Avant le passage des accusés, signalons que deux demandes de mise en liberté provisoire ont été soumises à l’appréciation du  président du tribunal, Seïdou Ouédraogo. Il s’agit d’Abdoul Karim Baguian dit Lota et de Ousséni Faissal Nanéma, qui évoquent tous, des raisons de santé pour justifier cette requête. Comme les précédentes depuis le début du procès, le parquet a opposé une fin de non-recevoir à ces demandes évoquant l’absence de certificat médical recommandant une mise en liberté de ces deux plaideurs. Le délibéré est attendu  à l’audience de ce lundi 3 septembre 2018.

Boureima SAWADOGO et Edoé MENSAH-DOMKPIN

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