Pour son second passage à la barre hier mercredi 24 octobre 2018, le 4e vice-président du CDP, Salifou Sawadogo poursuivi dans le dossier du putsch manqué du 16 septembre 2015, n’est pas revenu sur les déclarations faites et les réponses données lors de son premier jour d’interrogatoire. Le prévenu, dans sa défense, a de façon voilée accusé des responsables du parti dont il est membre tels que le président Eddie Komboïgo, le 1er vice-président Achille Tapsoba et bien d’autres, d’avoir menti et que ce sont leurs mensonges qui l’ont conduit cette barre.
C’est avec une sérénité et un calme qui méritent d’être salués que le 4e vice-président du CDP, Salifou Sawadogo répondait au parquet lors de son second passage. Comme lors de sa première comparution, l’agronome de profession n’est ni revenu sur ses déclarations, ni changé de réponses en ce qui concerne les questions qui lui ont été posées. Le parquet, afin de déterminer le rôle joué par l’accusé au moment des faits, est revenu longuement sur les 10 millions qu’il a reçus. Il l’a dit et répété, cette somme a été affectée pour la sécurité des membres de son parti et de leurs biens. Il rappelle que cet argent qu’il dit avoir distribué aux secrétaires généraux des sous-sections du Kadiogo n’avait pas pour but, d’être utilisé au rond-point des Martyrs. Par cette affirmation, l’accusé répond au parquet qui, à l’en croire, fait allusion à de l’argent qui a circulé audit rond-point. Tout en reconnaissant que c’est au même endroit qu’il a remis cet argent aux SG des sous-sections, le prévenu rappelle que le siège de son parti étant brûlé, et que celui qui devrait se charger du partage à savoir Noël Sourwèma étant porté disparu, il a convié les secrétaires généraux en ces lieux tout en rejetant avoir initié une mobilisation. Il poursuit en soulignant que tous ceux qui ont été entendus dans le dossier, aucun n’a affirmé l’avoir vu en train de distribuer de l’argent. Selon le prévenu, si l’argent a été distribué au rond-point des Martyrs, il n’est pas l’auteur et il n’est au courant. Pour mettre fin à ce débat, il va demander au parquet d’accepter que pour ce qui est de la mobilisation, il n’est pas l’auteur. Cependant, le procureur militaire va lui demander de savoir qui est-ce dans ce cas ? Pour lui poser cette question, le parquet s’est référé à la déclaration de l’accusé Faïssal Nanéma qui dit qu’à chaque apparition de l’ex-député, les gens accouraient vers lui et attendent qu’il dise un mot. Pour sa défense, le prévenu va nier s’être adressé à une foule tout en rappelant qu’il ne s’agit pas d’un meeting. Il reconnaît cependant qu’il y a eu des échanges interactifs entre lui et les militants sur deux sujets à savoir l’inclusion et la sécurité.
Le CDP a-t-il recruté pour assurer la sécurité de ses membres ?
Parlant donc de sécurité, le ministère public semble être convaincu que le parti de l’ex-majorité a recruté, d’où ces questions du procureur militaire : «est-ce que pour assurer la sécurité, il faut recruter des jeunes dans les quartiers» ?«N’y a-t-il pas un service de sécurité dédié à cela» ? Comme réponse à ces interrogations, l’ingénieur a indiqué que son parti n’a pas recruté dans la ville. Selon ses explications, il existe une organisation interne propre au parti qui permet d’assurer la sécurité à chaque activité. A l’en croire donc, c’est ce service à l’interne qui va assurer la sécurité des biens et des personnes de l’ex-parti au pouvoir en appelant la police ou la gendarmerie en cas de menaces d’incendie d’un domicile et par la dissuasion. Il confirme que dans le cas présent, c’est une initiative qui a été prise pour parer à toute éventualité. «On veut anticiper au regard de ce que nous avons vécus de par le passé», a-t-il soutenu. A travers l’explication fournie par l’accusé, le parquet a semblé avoir compris, mais lui rappelle que ce n’est pas lui qui a inventé le mot recruter dans le dossier mais, il vient d’un militant du parti, lors de son audition devant le juge d’instruction, a-t-il soutenu.
Salifou Sawadogo trahi par ses camarades ?
L’interrogatoire de Salifou Sawadogo, nous donne l’impression qu’il s’est retrouvé à la barre parce que certains de ses camardes comme le président du CDP, Eddie Komboïgo, le 1er vice-président, Achille Tapsoba, Moïse Traoré et d’autres personnes se sont entendus pour mentir sur le contenu d’une réunion tenue le 16 septembre 2015. Les propos «je suis seul contre tous», tenus par l’accusé en dit long. Pour comprendre le fond du problème, il faut savoir que le jour de l’arrestation des autorités de la transition, les responsables du CDP étaient en réunion au siège du parti dans la matinée. Pour ceux dont les noms sont cités précédemment, ils confient que l’objectif est de valider la liste des candidats pour les élections et de lancer la campagne du parti. Ils estiment également que les 10 millions remis à l’accusé sur les 15 millions, devraient servir dans ce sens. Contrairement au prévenu, ils ne reconnaissent pas avoir participé à une seconde rencontre au cours de laquelle il était question de sécurité. Pour sa défense, l’ex-député va reconnaître que la réunion que tous reconnaissent a effectivement eu lieu, et il s’est agi d’une rencontre du Secrétariat permanent du CDP pour valider la liste pour les élections. Contrairement aux autres, il raconte que les 10 millions lui ont été remis le soir à la suite de la seconde réunion qu’il qualifie d’informelle et étaient destinés à la sécurité comme souligné précédemment. Il va faire l’analyse suivante dont le but est de convaincre le tribunal de son innocence. Il estime en effet, que si cette somme est destinée vraiment à la campagne comme le soulignent ses camarades, pourquoi avoir remis 10 millions à la seule province du Kadiogo et cinq millions aux autres provinces que compte le Burkina Faso. Cela est invraisemblable, a-t-il soutenu. Il rappelle que si c’est pour des besoins d’élections comme tentent de le faire croire les autres, la totalité de l’argent devrait être distribuée dans toutes les provinces. Poursuivant ses explications, il va rappeler que les inscriptions des candidats se font sur une liste unique et que l’on reçoit un reçu unique. «Le Kadiogo ne s’inscrit pas à part et les autres provinces également», a souligné le 4e vice-président. Son conseil Me Seydou Roger Nyamba va lui apporter son soutien en invitant le parquet à demander aux politiciens de savoir si on peut lancer une campagne avec 10 millions ; de surcroit un grand parti comme le CDP. Comme son client, il pense que le fait de remettre 10 millions pour la seule province du Kadiogo et cinq millions pour les autres provinces, ne concorde pas. Convaincu que les autres ont menti durant leur interrogatoire devant le juge d’instruction, Salifou Sawadogo dit comprendre pourquoi ils l’ont fait. A l’en croire, c’est pour ne pas faire la prison ; avant d’ajouter que ce sont eux qui doivent venir dire la vérité pour le décharger.
Pour comprendre qu’au sein du parti quelque chose n’allait pas, le prévenu va confier : «à un moment donné, j’étais frustré car étant le 4e vice-président, il y a des choses qui se passaient et je n’étais pas au courant».
Accusant le parquet de n’avoir pas approfondi l’enquête sur le point qui fait débat, le conseil de l’accusé regrette le fait que le parquet n’ait pas poussé plus haut ses investigations, mais se contente de ce que les premiers responsables du CDP on fait comme déclaration et qu’il considère comme étant de la vérité. Il souligne que ceux qui ont reçu l’argent des mains de son client ont confirmé ce qu’ils en ont fait. Estimant que les gens font comme s’ils n’ont jamais suivi une heure de cours de droit, l’avocat pose la question de savoir si en droit pénal on peut prendre la déclaration d’un accusé pour servir de preuve contre un co-accusé. D’après l’avocat, son client n’a jamais changé de propos depuis son inculpation.
L’accusé ne veut plus débattre du point lié à l’incendie du domicile de Salifou Diallo
Un fait qui va marquer l’audience d’hier, c’est quand le prévenu Salifou Sawadogo va mettre fin au débat sur l’incendie du domicile du défunt président de l’Assemblée nationale, Salifou Diallo. En effet, dès la reprise de son interrogatoire, il a réfuté l’accusation selon laquelle, il a instruit un groupe de jeunes d’aller incendier le domicile du défunt président du MPP. Si le parquet est revenu là-dessus, cela n’a pas été du goût de l’accusé qui va faire observer qu’il n’est pas poursuivi pour destruction de biens, de meubles, etc. Rappelant que le juge d’instruction l’a blanchi, il dit ne pas vouloir revenir là-dessus ; car cette question à l’en croire, lui a valu beaucoup de brimades. Le parquet sait qu’il a été blanchi en ce qui concerne l’incendie en question, mais il lui rappelle qu’il est poursuivi pour coups et blessures et qu’au domicile de Salifou Diallo il y a eu des blessés. Sans passer par quatre chemins, il va souligner que si les blessés en question sont liés aux rassemblements du rond-point des Martyrs, il n’a rien avoir avec ça par conséquent, il ne veut pas y revenir. Le parquet ne va pas s’arrêter à là, il va relever le fait que le prévenu a donné à manger aux militants du CDP à l’hôtel Laïco où par la suite, il y a eu des échauffourées qui ont conduit à des blessures.
Les observations de l’avocat du prévenu
Ne partageant pas le raisonnement du procureur militaire, le conseil du prévenu, Me Seydou Roger Nyamba, va demander si les échauffourées sont-elles les conséquences du pain mangé ainsi que de la viande à l’hôtel Laïco ? Pour lui, le parquet tente de lier son client à une mobilisation dont il n’est pas l’auteur. Il estime que le procès n’avance pas et que ce sont des répétitions. Enfin, il indique que si ce sont des répétitions, c’est parce qu’il n’y a rien dans le dossier.
Boureima SAWADOGO et Edoé MENSAH-DOMKPIN


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