Triomphe romain pour Ouattara et victoire coltinée pour Biya : La Côte d’Ivoire et le Cameroun face à la succession générationnelle

Triomphe romain pour Ouattara et victoire coltinée pour Biya : La Côte d’Ivoire et le Cameroun face à la succession générationnelle

 

 Et revoilà le Cameroun reparti pour un 8e biyaisme puisque depuis les hauteurs de Yaoundé, le Conseil constitutionnel a désigné Paul Biya vainqueur avec 53,66 % contre son challenger Issa Tchiroma Bakary qui récolte 35,19 %.

 

Loin à des milliers de kilomètres en Afrique de l’Ouest un autre octogénaire, lui est réélu pour un 4e bail avec 89,77 % devançant les 4 autres rivaux. L’un deux en l’occurrence Jean Louis Billon avait dimanche 26 octobre, reconnu la victoire du président du RHDP. Par ordre d’arrivée, Jean Louis Billon 3,09, Simone Ehivet 2,42, Ahoua Don Mello 1,97 % et Henriette Lagou 1,15 %. Le taux de participation est de 50,10 avec 4 292 494 votants. Ainsi en a décidé la CEI par la voix de Ibrahime Coulibaly Kuibiert, son président, qui précise que les candidats malheureux ont 5 jours francs pour déposer leurs requêtes auxquelles il leur sera répondu dans les 7 jours, après quoi, les grands juges donneront l’imprimatur définitif. Triomphe romain donc pour Alassane Ouattara, qui à vrai dire, était sur un boulevard, car c’aurait été autrement si Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam avait concouru. Selon la CEI et les observateurs, ce fut un scrutin régulier, et au vu du taux de participation, Ouattara a la légitimité et la légalité. Démocratie Canada dry éructent ses adversaires notamment le PDCI et le PPA-CI. Que fera t- il de cette victoire pas ad gladium, faute de combattants à sa hauteur dans l’arène ivoirienne ?

A 83 ans, Ouattara entame un 4e mandat et si les 3 baux écoulés lui ont permis de s’afficher comme un président entier avec des scores honorables. Il est loin de celui  stalinien de 95 % de 2020, mais c’est un coup KO retentissant dans un contexte politique surchauffé à Abidjan, Yamoussoukro, Gagnoa et aussi un taux de participation acceptable malgré le boycott et les abstentions des militants des 2 illustres recalés. Indéniablement, il devra avoir le triomphe modeste et essayer toujours de colmater les brèches de la guérilla post-électorale de 2010-2011 et la décennie de braise qui a suivie.

Politiquement, c’est le mandat de tous les dangers, car qu’il le veuille ou non, le principe de la thermodynamique est imparable et même si à 83 ans il a bon pied, bon œil, il est temps qu’il fasse le nécessaire pour trouver le dauphin dans « la demie- douzaine » qui se trouve dans son écurie. Alassane Ouattara a toutes les cartes en main. Il incarne la fonction présidentielle, et habite le métier.

La preuve, les défis organisationnels et sécuritaires relevés à ce vote malgré une atmosphère quasi insurrectionnelle et de psychose cultivée à dessein. Mais en le prenant au mot, s’il a décidé de rempiler pour ce 4e bail, c’est compte-tenu aussi de l’environnement sécuritaire. C’est connu, le défi terroriste est prégnant dans la sous-région, et il lui faudra y remédier. Les gestes, les paroles bref la posture de Ouattara 4 seront examinés au microscope, et surtout les relations qu’il aura avec les pays de l’AES, notamment avec le Burkina, avec lequel les relations sont sibériennes. Le 5e président ivoirien pourra- t- il briser la glace avec le voisin du Nord ?

Ensuite, des législatives sont pour le 27 décembre prochain. Va-t-il faire une session de rattrapage pour les partis rivaux, au risque de se retrouver minoritaire à l’Assemblée nationale ?

Difficile de ne pas croire que Ouattara manœuvrera à rendre le RHDP majoritaire.

Au Cameroun, un autre octogénaire s’est offert un 8e mandat, après 43 ans de règne sur ce pays qui semble être hypnotisé par Paul Biya, depuis qu’il en a le gouvernail. Après un rendez-vous manqué il y a 4 jours, le Conseil constitutionnel a donc donné celui qui est l’aîné de Ouattara de 10 ans vainqueur. Des suffrages qu’on soupçonne coltinés 53, 66 % car son ex ministre de l’Emploi, devenu en quelques mois son challenger, se dit floué par une victoire qu’il a gagné à la régulière.

A l’évidence, la machine RDPC s’est un peu grippé dans le Sud et l’Est, son fief traditionnel. Plus encore, Biya a manifestement perdu dans le Nord, l’Extrême Nord et l’Adamaoua, où les rues se sont enflammées pour la reconnaissance de la victoire du leader du FNSC. Il doit avoir fait jeu égal ou perdu, Biya dans le Littoral, dans le Sud-Ouest et dans l’Ouest, terroir des Bamilékés. Que peut apporter cette 8e cuvée du Biyaïsme ? Pas grand-chose à vrai dire, et on sentait la gêne lors de l’unique meeting de Biya, à Maroua où il promettait encore beaucoup de choses. Que peut-il encore offrir à ses compatriotes qu’il n’ait fort à 93 ans et après 43 ans de pouvoir ? Rien. En vérité, Biya règne mais ne gouverne plus, des proches l’obligent à s’agripper à l’accoudoir de son fauteuil présidentiel. En Côte d’Ivoire comme au Cameroun, se joue en vérité la gestation forcée d’un changement générationnel. Le quinquennat de Ouattara et le septennat de Biya sont la der des der pour ne pas dire les mandats de trop. Si en Côte d’Ivoire, c’est le calme, au Cameroun rien ne laisse présager, que les Tchiromaboys ne dépaveront pas les rues. On peut se risquer à quelques scénarios même si le paysage n’est pas pareil. Alassane Ouattara pourrait après 2 ans en 2027, passer la main à son vice-président ou à son puiné « Photocopie » à charge pour l’un ou l’autre de terminer le mandat, et d’organiser la relève échafaudée par Ouattara himself.  Comme il peut vouloir faire les 5 années, quitte à déléguer la charge au Premier ministre et au vice-président. Mais dans tous les cas, il devra opter pour une dynamique qui ouvre la voie à la relève plus jeune. L’énigmatique Paul Biya surtout amorce le mandat de trop. Déjà qu’il se dit que c’est un cercle restreint qui gouverne, il faudra durant ces 7 ans donner des gages d’un transfert du pouvoir à une autre classe. Dans ce Cameroun encalminé dans le système D qui vit au rythme de ce biyaïsme, les lignes semblent avoir bougé avec Tchiroma. Certes lui-même semble un homme du passé, mais s’il peut être une transition ou un autre vers une classe de dirigeants plus en osmose avec les Camerounais, le pays pourra peut-être échapper au pathos des après-longs règnes.

 Zowenmanogo Dieudonné ZOUNGRANA

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