De nombreux Burkinabè s’en souviennent comme si c’était hier. Cinq après, des plaies restent toujours béantes chez certains qui ont été touchés d’une manière ou d’une autre par les évènements, même si l’affaire a connu un dénouement judiciaire. En son temps, il a été qualifié de «coup d’Etat le plus bête» par de nombreux observateurs nationaux et internationaux vu le contexte dans lequel il est intervenu. En effet, alors que les Burkinabè avaient les yeux rivés sur les élections couplées (présidentielle et législatives) du 11 octobre 2015 qui devaient marquer la fin de la transition, des militaires et pas n’importe lesquels s’invitèrent dans la gestion de la chose politique.
En rappel, le mercredi 16 septembre 2015 peu avant 14 heures, un commando composé d’éléments du Régiment de la sécurité présidentielle (RSP) faisait irruption dans la salle du Conseil des ministres et procède à l’arrestation du président de la Transition, Michel Kafando, son premier ministre, Yacouba Isaac Zida et les autres ministres. La plupart des ministres seront libérés dans la soirée à l’exception de René Bagoro de la Justice et Augustin Loada de la Fonction publique, retenus avec les deux premières têtes de l’exécutif. La nouvelle qui n’a pas tardé à se rependre comme une trainée de poudre avait révolté plus d’uns. De nombreux appels à manifester contre ce coup de force sont lancés. Les premières tentatives de rassemblements sont étouffées par des éléments du RSP à la Place de la nation. Le lendemain 17 septembre, sur les antennes de la RTB, les auteurs de cet acte afficheront clairement leurs intentions confirmant ce qui commençait à se susurrer : un coup d’Etat. Le Conseil national pour la démocratie (CND) avec à sa tête le général de brigade Gilbert Diendéré, annonce la destitution du président et du premier ministre de leurs fonctions et la dissolution du Conseil national de la transition (CNT), l’organe législatif.
Cependant, c’était sans compter sur la détermination de la population qui s’est opposée farouchement à cette forfaiture. Le président du Conseil national de la transition (CNT) Moumina Chériff Sy, qui a échappé aux putschistes, a lancé un appel à la résistance sur les ondes de la 108.0 FM (radio de la résistance). Cette opposition se manifestera un peu partout dans le pays à travers des manifestations et des barricades de voies, une désobéissance lancée par les syndicats qui aboutiront à la libération du président Kafando.
Face à l’échec des négociations entamées par les médiateurs de la CEDEAO, les Forces armées nationales (FAN) entreront dans la danse. Les militaires des différentes garnisons font route vers Ouagadougou le 23 septembre avec pour mission de désarmer le RSP et de rétablir les autorités politiques dans leurs fonctions. Lâchés de toutes parts, Gilbert Diendéré et ses derniers fidèles se retrancheront au camp Naaba Koom II avant d’y être délogés le 1 octobre 2015 à la suite du bombardement de leur QG. Mis aux arrêts et incarcérés à la Maison d’arrêt et de correction des armées (MACA), le général Diendéré et plusieurs de ses complices verront leur procès s’ouvrir plus de deux ans après les évènements.
74 personnes (militaires et civils) poursuivies entre autres pour atteinte à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures, dégradation volontaire de biens, etc. ont été citées à comparaître devant la chambre de première instance du tribunal militaire le 27 février 2018. Après plus d’une année de jugement, le verdict a été prononcé le 2 septembre 2019 et les coupables purgent actuellement leurs peines à la MACA pour certains et la MACO pour d’autres. Le général Gilbert Diendéré, considéré comme le cerveau du putsch a écopé de 20 ans de prison ferme. Quant à Djibrill Bassolé, il s’en sort avec 10 ans.
Officiellement, le coup d’Etat du 16 septembre et les jours suivants ont occasionné la mort de 14 personnes, 270 blessés et de nombreux dégâts matériels. Les victimes, quant à elles, attendent toujours d’être indemnisées.
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