Le général Gilbert Diendéré parlera-t-il ou pas ? «Il doit parler, c’est son devoir» répond Boukari Kaboré alias le Lion, ex-patron du bataillon d’intervention aéroporté (BIA) et compagnon de Thomas Sankara, «C’est l’accusé VIP» de ce procès lâche en échos, Laetare Basile Guissou, ex-ministre des Affaires étrangères de Sankara.
Pour d’autres, comme à son habitude, et on l’a vu lors du procès sur le putsch manqué du 15 septembre 2016, il ne dira pas grand-chose. Mais cette première audience, hier 9 septembre, de celui qui était le sécurocrate attitré de tout le Burkina, le gardien sécuritaire du régime de Blaise, Gilbert Diendéré donc, pour ce premier face-à-face avec le tribunal militaire, dans l’affaire Sankara, l’homme a plaidé non coupable, et s’en est tenu à une ligne de défense, qui a consisté à évoquer le fait accompli concernant le régicide du 15 octobre 1987. Bien sûr qu’il y avait toutes ces rumeurs de coup d’Etat dont Ouaga bruissait, et naturellement, lui s’en est enquis de la réalité, et c’est après être allé «se changer et se restaurer» à la maison, ce fatidique 15 octobre qu’il a «su» (les coups de feu au Conseil de l’entente), puis a découvert la tragédie sur place. Sur les lieux, il a vu les corps et notamment celui de Sankara qui gisaient et a essayé de garder son calme, version qu’il avait servi dans un numéro de Jeune Afrique, il y a plus de 15 ans, et qui reste inchangé.
Les exécutants : celui que l’on surnomme «Golf» depuis qu’il commandait le CNEC de Pô désigne Nabié N’soni, une véritable armoire à glace, très bon garde du corps de Blaise décédé à la suite d’un accident, il y a quelques années et Otis, lui aussi tué dans des circonstances troubles.
Mais qui a envoyé Nabié N’Sony et Otis Ouédraogo assassiner Thomas Sankara ? Réponse du célèbre nervi Nabié selon Diendéré : «Il voulait faire un coup contre notre chef (Blaise Compaoré) et on est venu pour l’arrêter … et on s’en fout». Lui Diendéré a informé le commandant Lingani, et s’est tenu à carreau pour ne pas être le 14e supplicié de ce 15 octobre.
Pour tous ceux qui connaissent Diendéré-le-taiseux, cette crête de défense ne variera pas d’un iota durant tout le procès, que les juges retournent les questions sous toutes les coutures. Il s’en tiendra à ça. Peut-être que des témoins l’accableront, mais c’est une défense que Diendéré avait déjà eu à évoquer dans ses rares confidences sans rentrer dans les détails comme ….citer le nom de Nabié N’Sony et Otis.
Avec ce 1er témoignage, c’est non seulement Hyacinthe Kafando, qui est «plongé», mais implicitement c’est sur la tête de Blaise que ça retombe. Dans quel pays a-t-on vu des subalternes de l’armée, se lever «comme ça» pour aller tuer le chef de l’Etat parce qu’il en voudrait à leur patron ?
Cette question prend d’ailleurs un sens plus aiguisé, quand on sait que les 2 sicaires de Sankara que pointe Diendéré, Nabié et Otis étaient du RSP, autrement dit la garde prétorienne qui veillait sur … Blaise alors ministre de la Justice et n° 2 du CNR en 1987 qui était certes le chef de ce RSP, mais secondé par un certain… Gilbert Diendéré.
Et Hyacinthe Kafando étant en 1987 le chef de la sécurité de Blaise Compaoré, comment Nabié N’soni et Otis Ouédraogo, peuvent-ils sauter toute cette chaîne de commandement pour «aller faire Sankara» (expression en vogue à l’époque pour dire tuer). Comment sans feu orange ou feu vert de la hiérarchie, des éléments d’une sécurité d’Etat peuvent-ils aller assassiner le président de la République ? C’est une question incontournable dans ce procès et elle est la quintessence pour répondre à qui a tué (ici ordonner) de tuer Sankara.
Implicitement, Diendéré indexe Hyacinthe, avec qui d’ailleurs ses rapports se sont dégradés entre temps, car en 1996, apparaîtra une fronde entre les 2 qui se terminera par une purge du côté du camp Hyacinthe dont les otis et d’autres en feront les frais. Hyacinthe lui-même échappera de justesse à la mort et sera exfiltré au 43e BIMA en côte d’ivoire, grâce à Blaise, il ira traverser son désert plusieurs années aux Philippines où réside un de ses frères.
Mais surtout au-dessus de tout ce monde, c’est Blaise, car c’est à son nom, que les tueurs auraient agi et lui absent du box, voilà que par translation, «Golf» lui fait porter le chapeau. On n’est qu’à la 1ère audience, et Hyacinthe et Blaise jugés par contumace, semblent porter le chapeau, car tous les soldats de rang qui ont agi disent si on s’en tient à la version de «Golf» que c’est pour protéger le chef Blaise. Serait-ce la ligne de défense unique de Diendéré ? Va-t-il développer les cas de Diébré Fidèle et Yorian Somé, tués sous le CNR, et dont on en parle pas, 2 victimes dont il a furtivement fait cas hier ?
La REDACTION
COMMENTAIRES