Justice a été dite ! Lorsque les généraux Gilbert Diendéré et Djibrill Bassolé furent arrêtés, il y a 4 ans respectivement chez le Nonce apostolique et à son domicile par des jeunes pandores, nombreux étaient les Burkinabè qui savaient que plus rien ne s’opposerait au rendez-vous de ces 2 proches et grands sécurocrates de Blaise Compaoré d’avec la justice.
Conviction partagée d’autant que tout ce que cette justice réclamait, elle l’a obtenu, et l’absence d’indépendance qui était l’hypothèque principale étant levée, aucun obstacle n’entravait l’ouverture de ce procès de ces militaires et civils, accusés d’avoir voulu culbuter le pouvoir transitionnel, le 16 septembre 2015. Après la traditionnelle querelle procédurale entre auxiliaires de justice et le tribunal, le procès a tenu son pari, malgré ce goût de non-dit, ressenti par des Burkinabè, qui réclamaient des scoops.
84 accusés, dont les 2 généraux qui, au terme de ce jugement-fleuve, 19 mois, a connu son délibéré, hier 2 septembre avec des peines allant de 20 ans à 5 ans avec beaucoup de sursis. Ainsi, 20 ans de réclusion tombent sur la tête de l’ex-chef d’Etat-major particulier du président déchu, et 10 ans pour son ex-ministre des Affaires étrangères.
Pour le Tribunal militaire, il était impensable que le général Diendéré qui aura endossé permanemment durant ces 30 dernières années le treillis orwellien du Big Brother, avide d’équipées putschistes et qui d’ailleurs a assumé dès les premiers jours, celui de 2015, via le pronunciamiento du colonel Mamadou Bamba (qui a écopé de 10 ans), il était inconcevable donc pour le parquet militaire, que le même général Diendéré revêtisse la toge du soldat républicain, contraint par une hiérarchie militaire de prendre la tête du coup d’Etat. Alors que ‘’Golf’’ (surnom de Diendéré) a accepté dès le 17 septembre 2015 sur les ondes d’une radio FM de la place qu’il était bien le cerveau du coup.
Une des leçons de ce procès interminable, aura été aussi l’absence du grand déballage tant attendu, puisque celui qui est considéré comme la «boîte noire» du régime Compaoré, le général Diendéré, n’a pas livré de révélations et de secrets, si fait que sauf, ce 2 septembre, jour du verdict, la salle des Banquets de Ouaga 2000 où se tenaient les audiences était clairsemée ces derniers mois.
Quand au cas Djibrill Bassolé, son dossier surmédiatisé, s’il en est, reposait uniquement sur les fameuses preuves audio, les conversations téléphoniques entre lui et l’alors président de l’Assemblé nationale ivoirienne, Guillaume Soro. Toute l’accusation de celui dont le nom n’est apparu dans les incriminations que le 26 septembre 2015, disons toute «sa trahison» se fondait sur une clé USB, dont l’authentification donna lieu à des résultats contrastés.
Quel est son degré d’implication dans le coup ? Du reste pour ses avocats, Djibrill Bassolé n’est ni plus ni moins qu’un prisonnier politique. Fera-t-il appel ? Pourra-t-il aller se soigner en France ?
Dans ce verdict, seule la qualification de «trahison» a été en effet retenue contre le célèbre gendarme, alors que pour Diendéré, tout a été retenu contre lui, sauf le crime de «trahison».
Ce procès d’un an et demi aura mis également en exergue une justice militaire compétente, avec un président Seidou Ouédraogo, imperturbable, sage qui a su avoir le sens de la repartie, pour diriger ce procès qui fera date.
On retiendra de ce jugement qu’on a eu affaire à des avocats très bons, côté défense, comme partie civile. Preuve que de plus en plus même sans les Chambres africaines, genre, celles qui ont jugé Hissène Habré, les Africains peuvent juger leurs princes et autres grands déchus. C’est donc un procès qui a valeur de catharsis, mais d’exemple propédeutique.
Le Faso peut désormais mettre dans le box des accusés des justiciables, jugés «intouchables» jadis, qui se croyaient au-dessus des lois et qui narguaient la justice, il est vrai laquelle justice était perçue par d’aucuns comme stipendiée politiquement, vermoulue et aux ordres. D’ailleurs, d’autres procès sont annoncés pour octobre.
Ensuite, avec ses peines qui vont de 5 ans à 20 ans, avec des dizaines de relaxes et de sursitaires, les juges ont eu la main clémente, car ils n’ont pas suivi la procureure militaire Pascaline Zoungrana, qui avait requis par exemple la perpétuité pour les 2 généraux.
Sans doute, au regard de la conjoncture nationale et sans vouloir ignorer la soif de justice des parents des victimes (14 tués et 270 blessés), le tribunal militaire a peut-être tablé sur la trajectoire de la réconciliation tant serinée par la classe politique et la Société civile, que n’a pas dédaigné acquiescer le pouvoir en place, qui veut d’abord, la vérité et la justice, avant ce modus vivendi. On n’est pas dans une justice transitionnelle, mais classique, qui a ses règles et il aurait été injuste d’interrompre ce procès pour un soi-disant paix des braves. Le fameux sacrifice de la justice sur l’autel de la paix.
Que dire de ce procès qui a retenu l’attention des Burkinabè ? Ce n’est point le jugement dernier, ni pour Diendéré, ni pour Bassolé, ni pour quiconque d’ailleurs car point d’Anubis ou d’Archange Michel «le Psychopompe» pesant les âmes. C’est celui des hommes, qui est toujours en quête de l’injustice minimale. Encore, que ces condamnations qui sont susceptibles d’appel d’ici 15 jours ne sont pas définitives.
Sam Chris
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