« On va voir qui est qui, et qui représente quoi », lancent à la cantonnade certains militants du Congrès pour le changement démocratique (CDC) du Ballon d’or 1995 qui guigne le fauteuil présidentiel : George Mané Ousmane Weah, ( 39% au 1er tour).
Allusion à l’ultime duel entre ce dernier et le vice-président Joseph Boakai ( 28%) du parti de l’Unité (UP). Ambiance hier malgré la fin de la campagne officielle intervenue la veille. Et-c’est vrai, ce jour 26 décembre 2017, deux millions de Libériens, prendront d’assaut les bureaux de vote après sept semaines de retard sur le timing originel, pour départager les deux duellistes qualifiés pour ce second et dernier round. Un calendrier électoral chamboulé par la Cour suprême qui avait interdit à la Commission électorale nationale (NEC) d’organiser ce second tour jusqu’à ce qu’elle ait examiné les recours, introduits par le troisième larron de la course Charles Brunskine, (9, 6%), supporté par Boakai. Déboutés et de guerre lasse, les plaignants n’ont plus d’autres choix que d’aller vers le corps électoral.
Les Libériens qui avaient les nerfs à fleurs de vote se rueront donc vers les urnes en ce lendemain de la fête de Nativité, pour choisir enfin le successeur de Ellen Johnson Sirleaf. Qui des deux adversaires politiques aura l’onction de la majorité ? Joseph Boakai, vieux briscard du landerneau politique libérien a certes plus d’un tour dans son sac. Il n’est pas issu de l’élite « Américano-Libérien », seul trait qu’il partage d’ailleurs avec son challenger George Weah. Il pourrait bénéficier du report des voix des seize autres candidats même si l’on sait que les suffrages des militants n’appartiennent jamais à un candidat. Il a aussi les moyens, véritable viatique en politique. Cependant, l’âge du capitaine de l’UP (73 saisons) et surtout le fait qu’il n’ait pas la bénédiction de la présidente-sortante Ellen Sirleaf constituent d’énormes infirmités qui risquent de peser lourd dans la balance des résultats. D’ailleurs, peu ou prou, on le soupçonne d’avoir suscité tous ces recours pour trouver la parade contre Weah. Quant à ce dernier, quinze ans après avoir raccroché les crampons pour se jeter dans les joutes électorales, il tient là, l’unique occasion, de transformer « Mister George » en « Mister président ».
Certes, le Sénateur de la province du Montserado outre sa propension à tenir un langage communautariste « Nous sommes les vrais Libériens, ceux de souche », indignes d’un homme d’Etat, s’est fait également une colistière dont le nom sent le soufre : Jewel Harward-Taylor, ex-épouse de Charles Taylor, instigateur de l’interminable et meurtrière guerre (1983 à 2003) qui fit plus de 200000 victimes. Mais tous ces facteurs qui constituent le ventre mou de Weah sont compensés par son expérience, sa popularité et sa proximité avec une jeunesse, qui aspire à un homme de leur temps. Enfant des bidonvilles, le champion du CDC continue souvent de taper du ballon avec des jeunes dans les quartiers et il badine même en affirmant qu’élu, il continuera de le faire.
Il a le soutien d’un autre seigneur de guerre absout par un poste de sénateur, Prince Johnson. Enfin, George Weah a une foi inébranlable en sa victoire « j’ai participé à des compétitions difficiles et j’en suis sorti victorieux… je sais que Boakai ne peut pas me battre… », lâcha-t-il lors d’un meeting.
Le foot n’est pas la politique mais si Weah parvient à marquer le penalty , qui lui ouvrira les portes de l’Executive Mansion, ce sera un second sacre après celui de 1995. Cette ultime compétition qui a des apparences de revanche, les deux adversaires s’étant déjà combattu sur des listes opposées aux précédentes présidentielles de 2005 et 2011, marquera, véritablement la seconde transition démocratique du Liberia avec l’avènement de Sirleaf qui avait inauguré une double transition en 2005 : civile et genre.
COMMENTAIRES