3 janvier 1966-3 janvier 2017 :  L’UAS rappelle les faits

3 janvier 1966-3 janvier 2017 : L’UAS rappelle les faits

L’Unité d’action syndicale (UAS) a commémoré le 52e anniversaire du soulèvement populaire, le mercredi 3 janvier 2018. C’était, à travers un panel, placé sous le thème : «L’historique du 3 janvier 1966, les atteintes à la liberté syndicale».

Les Burkinabè sont un peuple vaillant. Ils tiennent à leur liberté et n’hésitent pas à se battre, quand ils constatent que des régimes dictatoriaux tentent de la confisquer. Le premier combat mené dans cette optique, est le soulèvement populaire du 3 janvier 1966, qui a renversé le père de l’indépendance, Maurice Yaméogo. 52 ans après cette victoire, il est important de faire une halte, afin de rappeler les faits et tirer les enseignements d’une telle situation. C’est ce qu’a fait l’Unité d’action syndicale (UAS) ce mercredi 3 janvier 2018, à travers le panel placé sous le thème : «L’historique du 3 janvier 1966, les atteintes à la liberté syndicale» qu’elle a organisé. Pour la présentation de l’historique, c’est le président de mois, Blaise Augustin Hien, qui s’en est chargé. Pour la petite histoire, il rappelle : «Les événements du 3 janvier ont été provoqués par un certain nombre de mesures prises par le pouvoir de Maurice Yaméogo fraîchement réélu. Pour faire face aux difficultés financières consécutives à la dilapidation des deniers publics, Maurice Yaméogo avait entrepris de remettre en cause un certain nombre d’acquis des travailleurs, à savoir l’abattement de 20% des salaires, la  réduction des allocations familiales, le blocage des avancements, pendant deux ans. Et pour empêcher toute réaction, il avait aussi entrepris de restreindre les libertés démocratiques et syndicales, à travers l’interdiction des syndicats, l’interdiction de tout attroupement ou réunion, la mise en résidence surveillée et les recherches policières contre d’anciens collaborateurs accusés alors, de subversion communiste. Dans l’après-midi du lundi 27 décembre 1965, le président savait que la semaine qui commençait serait perturbée par les prises de position des syndicats. Malgré cela, il quitta Ouagadougou pour Abidjan, pour une réunion du Conseil de l’Entente, après avoir confié l’intérim de la présidence au ministre des anciens combattants, le capitaine Tiémoko Kaboré, un homme à poigne qui ne se laissait pas facilement intimider. Dès le 29 décembre 1965, avant même le retour du chef de l’Etat de son voyage d’Abidjan, dix syndicats avaient rédigé une motion destinée au président de l’Assemblée nationale. La motion fut immédiatement suivie d’une lettre adressée cette fois-ci, au chef de l’Etat lui-même. Les organisations syndicales crurent que cette dernière lettre était une sonnette d’alarme et qu’elle allait de ce fait, avoir une suite immédiate. Grave erreur !En guise de réponse, le vendredi 31 décembre 1965, vers 11h 45, le ministre de l’intérieur, Monsieur Denis Yaméogo, convoqua les responsables syndicaux. Homme au tempérament coléreux, il les couvrit d’injures. Etait également prévue, ce vendredi- là, la cérémonie de présentation des vœux au chef de l’Etat à 16 heures au palais de la Présidence. Pendant la cérémonie de présentation des vœux, le président s’adressa directement à la délégation des organisations syndicales. «Je frapperai sans pitié tous ceux qui prétendent parler, au nom du peuple…». Les syndicats convoquèrent immédiatement, un meeting à la Bourse du travail, le même vendredi 31 décembre, à 17h 30. Pendant tous ces remues-ménages, le président fit organiser à la Présidence, une soirée dansante pour la nuit de la Saint-Sylvestre. Le 31 décembre était aussi le jour de son anniversaire. A 18h 45, du même 31 décembre 1965, le Président Maurice Yaméogo déclarait sur les antennes de la radio nationale ceci : «Une subversion d’inspiration communiste est entrée dans le pays avec comme leader, un fils du pays actuellement en fuite. Il s’agit de Joseph Ouédraogo. Sous le couvert de revendications syndicales, il a endoctriné quelques travailleurs qui tentent de perturber l’ordre établi dans la capitale. Joseph Ouédraogo veut livrer notre pays au Ghana. Donc, à la Chine de Pékin. Les preuves sont à notre possession. Ce que je demande à tous et à chacun, c’est de faire confiance à notre armée nationale dont les officiers, les sous-officiers et les soldats ne sont pas prêts à se soumettre à un pays étranger, quel qu’il soit. C’est pourquoi j’ai décrété l’état d’urgence. J’invite toute la population de Ouagadougou à rester calme et à me faire confiance jusqu’au bout. Toutes les dispositions sont prises contre la mise à exécution de la grève illégale, prévue le 3 janvier. Les comédies syndicales qui ont animé la soirée du 31 décembre sont maintenant terminées et n’attendent plus que leur épilogue normal, ce dont je m’occupe».

 Le ton était donné. Le 3 janvier 1966, le personnel domestique et les ouvriers qui, d’habitude, se rendaient très tôt le matin à leur travail, restèrent invisibles. A 7h,  heure légale pour la reprise du travail, rien ne semblait non plus bouger du côté des fonctionnaires, de sorte que l’appel du chef de l’Etat resta sans écho. Les rues étaient désertes. Le grand marché et les marchés secondaires des quartiers de Ouagadougou étaient désespérément vides. Tous les commerçants avaient baissé leurs rideaux. À 10h 30, une foule nombreuse continuait de scander les mêmes slogans : «Vive l’armée», «L’armée au pouvoir», «A bas la dictature».

A 14h 30, la place d’armes était bondée. L’avenue Binger et le boulevard de l’indépendance étaient submergés par les gens qui  continuaient d’affluer. Sur la place d’armes même, forces de l’ordre et manifestants se faisaient face à face et se regardaient en chiens de faïence. La consigne reçue était stricte : pas de jet de grenades lacrymogènes, et surtout pas un seul coup de feu. A 15 h, au palais de la présidence, le chef de l’Etat  fait appel d’urgence au colonel Sangoulé Lamizana et le charge d’informer les syndicalistes qu’il est d’accord pour supprimer l’abattement de 20% sur les salaires. Cependant, pour ce qui est des allocations familiales, il ne peut pas revenir en arrière. Cette mission ne sera pas accomplie, car les manifestants n’ont pas donné le temps au colonel de faire passer le message du président et lui ont demandé de repartir lui dire de démissionner simplement, car la suppression des 20% ne les intéresse plus. Face à la détermination du peuple, le président Maurice Yaméogo n’a eu d’autre choix que de démissionner, ce qui a ouvert la porte au colonel Sangoulé Lamizana de prendre le pouvoir».

Enseignements du 3 janvier 1966

Se basant donc sur ces évènements, le communicateur a tiré un certain nombre d’enseignements. Il estime que le 3 janvier 1966 traduit l’attachement du peuple burkinabè à la liberté de pensée, d’opinion, bref, à la liberté politique, il a révélé le lien étroit qui existe entre la manière dont les autorités gèrent les ressources publiques et les conditions des travailleurs, il a montré l’attachement des syndicats à l’unité d’action, une unité d’action large qui a rassemblé l’ensemble du mouvement syndical, mais aussi des partis politiques ; il a montré les capacités d’un peuple mobilisé et déterminé, le courage dont peuvent faire montre les travailleurs face aux forces de répression, il a montré les limites du syndicat en tant qu’organisation de masse qui a été à la base de la chute du pouvoir de Maurice Yaméogo, mais dont la lutte a permis  aux manœuvriers politiques d’investir l’appareil d’Etat aux côtés de l’armée appelée à prendre le pouvoir.

Cette commémoration a été l’occasion pour les secrétaires généraux des centrales syndicales et des syndicats autonomes, de rendre hommage aux devanciers pour leur engagement en faveur de la démocratie et de la cause des travailleurs. Ils ont invité leurs militants, l’ensemble des travailleurs à s’inspirer de l’exemple des aînés pour s’engager fermement dans la voie de la lutte pour la défense des libertés démocratiques et syndicales, pour une gestion saine des biens publics, contre la vie chère, contre l’impunité, la fraude massive,  etc. 

Thierry AGBODJAN

COMMENTAIRES

WORDPRESS: 0
Aujourd'hui au Faso

GRATUIT
VOIR