Hier à l’aéroport d’Addis Abeba, comme à chaque fin de jamborée d’une réunion de l’organisation continentale un à un les avions 01, c’est-à-dire les appareils présidentiels s’envolaient à la queue-leu-leu emportant chaque dirigeant vers son pays, et il en est ainsi depuis le 25 mai 1963, date de la création de l’OUA, jusqu’à l’accouchement de l’UA le 9 juillet 2002. Et chaque occasion on se demande si ces grand-messes ont vraiment résolu les problèmes africains, et surtout à quand l’unité africaine ?
Et sans doute, à chaque fois que la présidence en exercice échoit à un de nos princes, il portera sur se frêles épaules de nombreux chantiers qu’il tentera de mettre en branle avant de les refiler à son successeur.
Hier avant que les lampions ne s’éteignent à l’Africa Hall sur ce 32e conclave de l’UA, le Rwandais Paul Kagame ci-devant président en exercice de l’UA, remettait ainsi le sceptre à l’Egyptien Al-Sissi. En même temps qu’il lui refilait de hardies réformes que l’homme mince de Kigali a entamées et qu’il va falloir poursuivre, voire achever.
Ce passage de témoin, un des aggiornamentos de ce 32e sommet, preuve que l’UA gagne en sagesse, en pragmatisme loin des querelles byzantines qui débordent les fameux huis-clos pour s’étaler sur la place publique. Cette passation de pouvoir donc reste un des temps forts de ce cénacle, mais cristallise également appréhensions, agacement et incrédulité, quant à la volonté du nouveau patron en exercice de l’UA à continuer l’œuvre du Rwandais :
D’emblée, le maréchal Al-Sissi a apprécié modèrement les cartons d’invitations envoyés à Bill Gates, patron de Microsoft et bon samaritain en Afrique dans le domaine sanitaire, et au président de la FIFA, Gianni Infantino, qui ont eu droit aux tribunes présidentielles pour s’exprimer. Un premier couac preuve que le courant n’a pas passé entre ces deux (2) hommes, que seul le caractère austère lie.
Quid des travaux en friche ? Si le nouveau président de l’organisation continentale a attaché tout de suite du prix à la zone de libre échange continental, et a dit à mots ouverts, qu’il s’intéressera au Proche-Orient, on se demande comment.
Mais s’il y a deux (2) points sur lesquels le rais égyptien est attendu, c’est celui de la Libye et sur le financement de l’UA un des marches-pieds vers la résistible naissance des Etats Unis d’Afrique.
Accusée d’être en retrait, sinon inefficace dans le dossier libyen, l’UA a décidé depuis quelques temps de s’y impliquer, d’autant plus que le phénomène migratoire et les récurrentes tentatives des djihadistes d’y implanter des sanctuaires l’y obligent.
Pire depuis la chute du Guide, les supplétifs kadhafiens qui ont déferlé sur le ‘’sahélistan’’ y sèment la terreur et ce n’est pas le Mali et dans une moindre mesure le Burkina et le Niger qui diront le contraire, pays-souffre-douleurs des terroristes qu’ils sont devenus.
Or, le maréchal Al-Sissi est notoirement connu comme allié de Haftar, l’homme fort de l’Est, ce qui le rend déjà partial, alors que l’UA veut faire le grand écart entre Thobrouk et Bengazi, c’est-à-dire entre Al Sarraj et Haftar. Le dialogue inter-libyen promet et des étincelles sont également à prévoir entre Al-Sissi et Sassou N’Guesso à la baguette de ce dossier avec la France. Habituellement, de par sa situation géographique, «ce don du Nil» qu’est l’Egypte a une politique étatique très atlantiste tournée vers les USA et Israël, alors que la population de temps en temps regarde vers les frères musulmans, matés et mis au pas par le même Al-Sissi.
Comment avec des échanges commerciaux tournés vers l’extérieur, en particulier vers l’oncle Sam, le raïs égyptien compte-t-il arrimer véritablement l’UA au multilatéralisme, désormais héraut du développement de l’Afrique dans le cadre de l’Agenda 2063, et dont Moussa Faki, le président de la Commission a chanté la nécessité absolue ? Comment interpeler le silence sur le prélèvement de 0,2% de taxe sur les importations, lors du discours du rais-maréchal ? Y souscrit-il ?
La cinquantaine de pays a confié le gouvernail, d’un confettis d’Etats, à un militaire, qui a pris le pouvoir, en cassant de l’islamiste et en mettant entre parenthèses certaines considérations des droits de l’homme, usera-t-il de la même autorité et du même tact pour pousser les dossiers continentaux en avant ?
Dans un an, on fera le bilan, mais déjà la circonspection était prégnante dans le sérail du siège de l’UA d’Addis Abeba. Mais qui sait, d’ici que le maréchal vienne à étonner….
La Rédaction
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