Les Editions CEDEAO présentent : 4 chefs d’Etat en mission commando à Bamako ! Ceci pourrait être le titre d’un film que le cinéaste malien Cheick Cissoko pourrait porter à l’écran d’ici quelques mois, en rapport avec l’arrivée aujourd’hui d’Alassane Ouattara, Macky Sall, Mahammadou Issoufou et Nana Akufo-Addo dans la capitale malienne pour une ultime médiation entre le M5 et le président IBK. Le président nigérian Muhammadou Buhari pourrait même se joindre à ce haut panel.
On aurait pu s’aventurer en disant que Goodluck Jonathan et ses compagnons qui ont séjourné le week-end écoulé au bord du Djoliba ont déblayé le terrain pour ces 4 médiateurs de haut vol. Mais hélas, si l’ex-chef d’Etat nigérian et ses compagnons, mandatés par la CEDEAO ont effectué quelques friches, les 4 dirigeants trouveront sur place un M5 très en colère contre l’une des recommandations qui stipule le maintien sur la colline du pouvoir de IBK. Un rubicond que s’est interdit de franchir la CEDEAO, mais sur lequel le M5 pousse à la roue pour l’acter.
Ce quatuor de médiateurs devra arbitrer sur 3 points jugés non-négociables par ceux qui veulent une 3è révolution malienne, la première ayant eu lieu en 1991, la seconde en 2012. D’abord le redouté et redoutable imam Mahmoud Dicko et ses partisans exigent de nommer «leur» premier ministre qui aura toutes les prérogatives, avec un gouvernement qu’il se sera choisi. En un mot comme en cent, un chef de gouvernement qui, relèguera IBK en président honorifique, un PM non-révocable, qui appliquera ce que le M5 appelle un programme d’urgence pour la bonne gouvernance et la relance du Mali. Ensuite, la dissolution totale ou partielle du parlement, et l’organisation de nouvelles législatives. Les n°1 ivoirien, sénégalais, nigérien et ghanéen marcheront donc sur des œufs même s’il se dit que les 2 camps seraient prêts à tous ces sacrifices cités plus haut. Prudentissimes devront être leur posture, d’abord à cause de cette glace qu’il y a entre des populations et la CEDEAO, suspectée à tort ou à raison de rouler toujours pour les pouvoirs en place, sentiment accentué par le préjugé réel ou fantasmé de l’existence d’un syndicat de chef d’Etat. Ensuite comment ménager un M5 remonté en bloc contre un chefs d’Etat dont ils exigent le départ et ne pas céder à un précédent qui pourrait avoir ses effets dominos ?
On aimerait vraiment être dans l’aparté entre ces 4 présidents et l’imam Dicko, pour entendre ce qu’ils proposeront à l’éminence grise de cette contestation, mais c’est sûr que beaucoup d’options ne seront pas sur la table. L’icône religieuse, lui-même ayant conscience, qu’il tient le pouvoir en laisse, et qu’il est face à un régime affaibli. En outre, cette médiation présidentielle estampillée CEDEAO, échaudée par le cas burkinabè en 2015, négociera au cordeau, surtout qu’un des chefs d’Etat était de la partie ouagalaise il y a 5 ans, en l’occurrence Macky Sall. Si pour d’aucuns les esquisses de solutions contenues dans le communiqué de la médiation de Goodluck Jonathan, seront réchauffées par les 4 présidents, rien n’assure qu’ils pourront les faire entériner.
Tout bloque sur IBK, devenu le principal obstacle à la levée de la pression populaire. Mais quel est ce PM qui pourra gouverner par oukases car ce sera de cela qu’il s’agira, en ignorant un président réélu ? Est-on certain d’ailleurs que ce fameux programme d’urgence et de relance du Mali, pourra redémarrer la machine scolaire, sanitaire, résoudre la question sécuritaire, et faire bouger les lignes des Accords d’Alger ? Le tout souvent n’est pas de déboulonner un tyran ou un président jugé incompétent, le tout est de pouvoir le remplacer par un autre qui pourra résorber les problèmes pour lesquels, on a chassé le dirigeant. Peut-être Soumaila Cissé aurait fait l’affaire…
Voici la CEDEAO au milieu du guet malien condamnée à réussir, jouant sa crédibilité. Voici aussi un chef d’Etat bien que réélu, vomi par une partie de son peuple et voici encore le Mali, qui a rendez-vous forcé avec l’Histoire. Dans quel sens ira-telle ?
Pélagie OUEDRAOGO
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