Il joue depuis le 18 août dernier, date du renversement d’IBK, le même rôle que Djibrill Bassolé en 2012 (mandaté alors par Blaise Compaoré l’ex-président du Faso) en tant que missi dominici de la CEDEAO, envoyé qu’il est par d’abord Mahamadou Issoufou du Niger puis maintenant par le Ghanéen Nana Akuffo-Addo président en exercice de la CEDEAO. Mais le parallèle se limite à ces apparences. Lui, c’est bien sûr Goodluck Jonathan.
Hier l’ex-président nigérian était de retour à Bamako pour une visite studieuse de 2 jours en tant qu’examinateur du dossier malien c’est-à-dire pour d’abord constater de visu la nomination du président intérimaire, le colonel major à la retraite Bah N’Daw et de son vice-président, l’ancien chef des putschistes Assimi Goïta avec qui d’ailleurs il aura un entretien de vérité.
Tout s’est précipité ces 96 dernières heures avec l’ultimatum de la CEDEAO qui expirait justement hier 23 septembre. Le CNSP a voulu être dans le timing pour non seulement ne pas donner raison à ceux qui le suspectent de vouloir s’accrocher au pouvoir, mais il y a également la lancinante question des sanctions contre le Mali que la CEDEAO menace de durcir (sanctions intégrales) si un président civil et un premier ministre civil n’étaient pas trouvés fissa.
Revoilà donc le célèbre Nigérian à l’éternel Stetson vissé sur la tête sur le sol malien pour examiner le processus transitionnel qui s’est ébranlé.
A commencer d’abord par cette tête de l’Exécutif civilo-militaire : jusqu’à présent La CEDEAO n’a pas porté de jugement sur Bah N’Daw ce président militaire frappé par la retraite. Ni sur son puissant vice-président qui, à l’évidence aura beaucoup de prérogatives que difficilement le président Bah N’Daw malgré sa réputation d’homme à caractère aura du mal à recadrer totalement.
Ce sera sans doute après inventaire de ce tandem N’Daw-Goïta par Goodluck et surtout après avoir eu connaissance du portrait-robot du futur premier ministre voire la short liste des premiers ministrables lequel chef de gouvernement ne sera nommé qu’après le 25 septembre jour de prestation de serment du président par intérim, c’est donc après toutes ces vérifications qu’il pourra rendre compte à ses mandants que sont les chefs d’Etat pour décision finale à prendre. Autant dire en ramenant le nom du Premier ministre, que Goodluck aidera ses patrons à trancher.
Deux scenarios tiennent la route après cette inspection de l’envoyé spécial de la CEDEAO :
1) L’organisation rechigne à lever les sanctions ou les lève un peu, tout en maintenant une légère pression en cas de sortie de route ou carrément d’une embardée de la Transition qui reste quoiqu’on dise plus militaire que civile, avec la présence du chef des putschistes de Kati comme vice-président. Ce sera alors la perspective-cauchemar, car déjà que le Mali pays de l’hinterland, qui ne compte que sur les ports maritimes de Lomé et Dakar ahane en matière d’importations, si s’y éternise une fermeture de ces débouchées et des transactions internationales qui produisent depuis quelques jours leur effets induits, si tout cela s’amoncèle sur le Mali, ce sera un pays sur répondeur.
2) La CEDEAO se montre accommodante et déleste le Mali de ce fardeau économique et commercial et donne toute la chance à la Transition de faire ses preuves. C’est du reste le souhait du vice-président Goïta qui lors du 60e anniversaire de l’indépendance du Mali le 22 septembre dernier, a lancé quasiment des suppliques à la CEDEAO pour qu’elle daigne regarder la souffrance des populations car un embargo économique, qu’il soit partiel ou total, frappe en premier lieu le petit peuple et c’est peu dire que des Maliens rament comme des galériens avec cette autarcie économique décrétée par la CEDEAO.
Ce qu’on peut dire avec ce séjour de l’émissaire de la CEDEAO, c’est que passées les phases de méfiance-défiances, le CNSP tout comme la CEDEAO chacun en ce qui le concerne, essaie de ne pas trop tirer sur une Transition déjà très tendue car étant le fruit d’un rapport hybride, le M5-militaires qui a accouché d’un coup d’Etat. Des soldats qui savent que le temps de ce genre de prise de pouvoir ne peut plus prospérer, mais sont conscients qu’ils ont parachevé une aspiration ardente des Maliens en faisant tomber un président qui gouvernait à vue.
Mais la médiation de la CEDEAO qui a débuté au cordeau et qui aura connu l’échec dans un premier temps (son but d’alors était de sauver le soldat IBK), la dite médiation est devenue un peu réaliste et assez holistique (tenant compte de tout et de tous).
Il faut d’ailleurs saluer la posture de cette CEDEAO qui de père-fouettard au départ aura assoupli de façon subreptice cette verticalité pour tenir compte de certains existants socio-politiques et c’est tant mieux pour cette organisation jugée au mieux incompétente, au pire inutile. C’est cette CEDEAO là qui met la main dans les cambouis sous-régionaux et au moment opportun qu’on attend, pas celle de syndicats de chefs d’Etat, qui accourent souvent pour sauver l’un des leurs, ou entériner une grave entorse à une Constitution.
Alors quelle note ramènera Goodluck à Nana Akufo-Addo et ses collègues ? Bien ? Assez Bien ? Peut mieux faire ? Quel nom de Premier ministre civil ramènera-t-il à la CEDEAO ? A quand une levée des sanctions ? Réponse au plus tôt vendredi 25 septembre avec la nomination du nouveau premier ministre, au plus tard lundi 28 septembre .
Pélagie OUEDRAOGO
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