85 millions à des éléments du RSP : Mystère sur le motif de cette libéralité

85 millions à des éléments du RSP : Mystère sur le motif de cette libéralité

Pour son quatrième passage à la barre, le général de brigade Gilbert Diendéré  était toujours confronté aux questions et observations du ministère public. Soutenant avoir bénéficié de l’accompagnement de la hiérarchie militaire, il a fait savoir que, lorsqu’un homme n’est pas d’accord il dit non. Il reconnait avoir remis la somme de 85 millions de francs CFA à une dizaine d’éléments de l’ex-Régiment de la sécurité présidentielle (RSP) qui d’après lui,ont exprimé le besoin, afin de rejoindre leur lieu d’affectation. C’était le vendredi 30 novembre 2018, au tribunal militaire à Ouaga 2000.

A la reprise de l’audience en cette matinée de vendredi, le général de brigade Gilbert Diendéré, assisté de son collectif d’avocats, était de nouveau confronté au parquet militaire comme le mercredi. Avec son ton ferme, il a continué de démontrer que certains chefs militaires à commencer par l’ex- CEMGA Pingrénoma Zagré, avaient leur place dans le box des accusés au regard des actes posés par ces derniers. A l’entendre, lorsqu’un homme n’est pas d’accord, il dit non. Ce qui pour lui, n’a visiblement pas été le cas de ces chefs qui, dès le 16, n’ont pas manifesté une volonté de s’opposer à quoi que ce soit. «Est-ce que la hiérarchie pouvait s’opposer frontalement à vous, vu le rapport de force en ce moment ?», lui demande la partie accusatrice ; «Je ne sais pas de quelle force je disposais pour m’opposer à une décision du chef d’état-major général des armées qui avait toutes les forces  sous son commandement», répond Diendéré. Faisant un rappel de l’histoire politique du Burkina, l’ancien  commandant du Centre national d’entraînement commando (CNEC) a fait observer qu’avec une trentaine d’éléments, il s’est retranché le 17 mai 1983 au camp Guillaume pour dire non à la décision du président Jean-Baptiste Ouédraogo, d’arrêter son premier ministre Thomas Sankara, tout en sachant qu’on pouvait les liquider. La réplique du procureur ne s’est pas fait attendre et le prenant au mot, lui rappelle aussi, il y a ce qui est arrivé à Koudougou quand certains ont voulu s’opposer.  Pour ce qui est des 85 millions remis à une dizaine d’éléments de l’ex-Régiment de la sécurité présidentielle (RSP), le 29 septembre au camp Naaba Koom II,  le parquet a voulu savoir quelle était la motivation réelle de ce geste. En guise de réponse, le mis en cause souligne qu’il a juste honoré un engagement envers ces soldats, qui ont exprimé le besoin. Mieux, il renchérit qu’ils avaient besoin d’argent, afin de pouvoir rejoindre leur nouveau lieu d’affectation. Mais, de l’avis du ministère public, cet argent remis à une dizaine d’éléments sans passer par le chef de corps devait plutôt les motiver à rester pour s’opposer, car, des bons de transport étaient octroyés  à chaque  élément au camp 11.78. Convaincu de la culpabilité du général aux deux étoiles dans le fait de l’attentat à la sûreté de l’Etat, l’accusation revient à la charge par la voix du procureur Alioun Zanré.  Se référant aux témoignages de la délégation des médiateurs (composée entre autres de Monseigneur Paul Ouédraogo, JBO, Pingrenoma Zagré…) a indiqué que tout s’est joué en 45 minutes.

«Même au Katmandou on pense que c’est le général qui a fait le coup d’Etat»

En effet, dans l’ensemble, ces médiateurs autoproclamés d’un soir ont déclaré que le général a  marqué clairement sa position d’assumer le coup de force, après qu’il soit revenu du camp en compagnie du colonel-major Boureima Kiéré, dire que les hommes ont opposé une fin de non-recevoir, quant à la libération des autorités. Face donc à ces témoignages qui l’accablent, le natif de Yako dénonce plutôt  un complot. «Chacun  parle de 45 minutes ; ce qui montre qu’ils ont pris le soin d’harmoniser leurs propos», estime-t-il.  Et dans la même logique, il a réitéré son vœu de ne plus commenter les déclarations d’autres personnes. Par ailleurs, à en croire, le président de l’éphémère Conseil national pour la démocratie (CND), à partir du moment où il a été vu aux devants des choses, tout le monde croit et continu de croire qu’il est le commanditaire. «Même au Katmandou, on pense que c’est le général Diendéré qui a fait le coup d’Etat», a-t- il regretté. Des dires du parquet militaire, le principal motif du coup de force du 16 septembre 2015 est à rechercher ailleurs. De surcroit,  la thèse de la  dissolution en vue du RSP brandit par les auteurs n’est que la face visible de l’Iceberg. A l’en croire, ce sont en fait des revendications  politiques proscrites dans l’armée qui sont à l’origine de cette situation. Pour preuve,il s’est appuyé sur les déclarations de certains officiers du RSP tels, le colonel- major Kiéré, le commandant Abdoul Aziz Korogo, le lieutenant Relwindé Compaoré, qui  indiquent avoir été surpris de voir le général Diendéré énuméré des griefs politiques contre le pouvoir de la transition pour justifier la prise d’otage. Ces raisons étaient entre autres,  l’exclusion de certaines personnes aux élections, l’éventualité d’une fraude en préparation, etc.. Loin de jeter le discrédit sur ces déclarations de coaccusés, le général Gilbert Diendéré a tenu à préciser que ces griefs politiques ont été ajoutés après l’opération, il confirme que le motif fondamental qui a prévalu à la prise d’otage des autorités était la dissolution du RSP dont, la décision était connue avant même la fin du Conseil des ministres. Ainsi donc, le parquet lui a alors demandé s’il appartenait à une unité de l’armée de s’opposer à sa dissolution. Tout en répondant par la négative, l’accusé poursuit qu’il ne revient pas non plus à des Organisations de la société civile (OSC) de réclamer la dissolution d’un corps et de s’ingérer dans le fonctionnement de l’armée. «Les éléments du RSP ont toujours rempli à bien leurs missions et ne s’ingéraient pas dans la politique. J’ai même été consulté pour la mise en place de l’ANR, entendez l’Agence nationale de renseignement», laisse entendre l’officier.

Quid du commando invisible au RSP ? 

Il faut noter qu’à cette audience, le général, face à certaines questions touchant directement ses hommes, a montré par moments des signes d’énervement en haussant le ton. Il s’agit des stupéfiants dont le médecin du corps, Saidou Yonaba, accuse certains d’agir sous l’effet et la présence de  commando invisible dans cette unité dite élite de l’armée. Sur ce dernier point,  le lieutenant Jean Sylvestre Korogo, en poste au Groupement des commandements et des services (GCS) du RSP et cité en tant que témoin dans le dossier, n’est pas passé par quatre chemins pour déplorer certains comportements qui avaient  pignon sur rue en répondant à une question du juge d’instruction. «Les patrouilles officielles du corps était gérée par le lieutenant Aliou Ghislain Gorgo. En dehors de ces patrouilles, il y avait aussi des patrouilles non officielles que certains faisaient lors de ces événements. Un groupe d’éléments au RSP (avoisinant la vingtaine) pouvait utiliser le matériel (armes et véhicules) sans l’avis du chef de corps et des officiers. Ils étaient pilotés par le général Diendéré et le colonel-major Kiéré qui étaient au courant de leurs agissements. Ces éléments patrouillaient dans des véhicules V6 et V8 et portaient généralement des cagoules. C’est regrettable car le RSP prenait des relents de milice», a déclaré l’officier subalterne. Et les meneurs du groupe, selon le lieutenant Korogo, étaient l’adjudant-chef Moussa Nébié dit Rambo, l’adjudant Jean Florent Nion et le sergent-chef Roger Koussoubé dit le Touareg. «C’est la première fois que j’entends parler de  commando invisible dans ce pays et c’est au cours de ce procès», a rétorqué le général. Balayant du revers de la main ces propos qu’il qualifie d’allégations, Golf déplore au passage le fait que l’auteur des déclarations a abandonné  ses frères d’arme pour fuir. «Ces genres d’officiers si vous les envoyez au Nord ou à l’Est c’est catastrophique», a-t- il confié.

La fameuse loi d’amnistie pour les éléments de l’ex-RSP !

Relativement à la loi d’amnistie   qui devait être votée en faveur des éléments du RSP en vue de leur reddition, l’officier général a affirmé qu’il ne l’a jamais exigée comme préalable. Pour lui, «ce sont les médiateurs de la CEDEAO qui ont fait cette proposition qui devait être discutée à Abuja avec les autres chefs d’Etat». Néanmoins, il soutient l’avoir accueilli favorablement du fait qu’elle allait contribuer à apaiser la situation.

Sur ce, l’audience a été suspendue par le président  du tribunal Seidou Ouédraogo et reprend ce lundi 3 décembre 2018 à 9 heures,dans la salle des banquets tenant lieu de  tribunal militaire.

Boureima SAWADOGO et Edoé MENSAH-DOMKPIN

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