Accord pour le transfert de Omar El Béchir à la CPI : Le prix de la  «fréquentabilité» du Soudan

Accord pour le transfert de Omar El Béchir à la CPI : Le prix de la  «fréquentabilité» du Soudan

Karim Khan, le nouveau Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a dû frémir en entendant la ministre soudanaise des Affaires fédérales, Butheina Dinar, annoncer que des Soudanais seront bientôt traduits devant la CPI. Et parmi des fils du Soudan qui ont obtenu leur ticket pour la Haye, un «client» de taille : l’ancien président Omar El Béchir. Cette décision a été prise à l’unanimité de l’exécutif soudanais.

Preuve qu’il n’y a plus grand obstacle, sauf les tunnels procéduriers, au transfèrement de l’ancien d’Etat devant la juridiction internationale. Installé dans ses fonctions officiellement le 16 juin dernier, voilà que deux semaines après, Karim Khan a un client de premier choix qui sera dans son box d’accusé. Une sorte de mise en bouche pimentée pour ce nouveau procureur de la CPI, qui a là un dossier à sa hauteur : un ancien chef d’Etat.

Qu’est-ce qui a expliqué cette décision du gouvernement du Soudan, alors que Béchir renversé le 11 avril 2019 par ses anciens frères d’armes, a déjà été condamné à 20 ans et emprisonné pour des faits de corruption par la justice de son pays ? La justice ? Peut-être. Le président déchu n’a pas été un enfant de chœur. Loin de là. Des actes innommables ont été commis sous son magistère. Des victimes de sa gouvernance dont les doigts ne sont pas exempts de sang attendent toujours et crient justice, réparation et consolation. A la CPI, il pourra certainement s’expliquer sur ces affres commises et commencer un début de paiement à l’endroit de ces suppliciés tant moraux que physiques.

Néanmoins, il est connu que Béchir n’a pas commis tous ces dégâts seuls. Il n’a pas gouverné seul. Et il a été accompagné, peut-être conseillé ou  guidé dans ces actes traumatisants qui ont été posés. Et certains parmi ses collaborateurs de cette époque lugubre sont toujours présents et sont du reste embarqués aux premières places dans le wagon de première classe qui dirige actuellement le Soudan. Ne seront-ils pas inquiétés ? Pourquoi leurs noms ne figurent pas pour autant dans la liste des candidats cités et admis à comparaître de la CPI ? En clair, si cet aller-simple de Béchir à La Haye est à saluer, on ne peut s’empêcher de penser à tous ceux qui l’ont aidé à prendre le pouvoir il y a 31 ans et ont gouverné avec lui, pour ne pas dire ont pris toutes les libertés de droit de l’homme avec l’homme au sourire de carnassier.

Où sont passés les autres, tel le numéro 2 de la junte qui l’avait renversé, Hamdan Daglo par exemple ?

D’où donc l’évidente odeur de politique qui chuinte autour de cette décision de transfèrement. Mais politique pourquoi ? Parce que Omar Béchir au Soudan peut paraître encombrant. Un poids peut-être gênant pour ceux qui ne peuvent pas le regarder droit dans les yeux et ne pas pouvoir supporter le souvenir des hauts faits commis ensemble à une époque pas très lointaine.

Parce qu’aussi le Soudan est en train de redorer le blason de son image sur le plan international. Les Etats-Unis ont rayé le 14 décembre 2020 le pays de la liste noire des Etats voyous. La présence du président soudanais Abdel Fatah Al Bouran au sommet sur la relance des économies à Paris le 17 mai 2021 rentre aussi dans ce cadre. Les gouvernants actuels sont en train de lisser les rapports avec les dirigeants du monde pour ouvrir le pays aux attraits et aux atours de l’international. Et pour que les choses aillent vite et bien, il faut une sorte de monnaie d’échange. Tout bien réclame un peu de sacrifice. Car le Soudan, c’est des richesses hydriques et hydrographiques, c’est un grand marché et la Communauté internationale, sait bien policer un pays et ses dirigeants pour peu que l’opération vale son pesant cash en matières premières ou minières !

Mais «donner» Omar El Béchir à la CPI revient à emboucher le clairon de la justice des vainqueurs, qui ne tient pas forcément compte de l’histoire racontée par les faits. Et cet acte remet au goût du jour le sempiternel débat selon lequel la CPI semble avoir été créée pour ne juger que les Africains. Des Africains généralement livrés par les Africains eux-mêmes. Et le Soudan fait tout pour ne pas apporter une preuve contraire… Alors il ne faudrait pas que demain, on entende encore ces cris d’Orfraie aussi hypocrites qu’inconséquents, que la CPI est partiale, elle est ceci cela… Si les Africains dealent leurs justices contre reconnaissance internationale, alors qu’ils acceptent les humiliations et condescendances méprisantes.

Béchir à la CPI, ce sont les familles des Darfouris massacrés dans le conflit 2003-2004 (300 000 morts) qui applaudiront, mais c’est encore un échec de la justice africaine, car on aurait pu dupliquer les chambres dakaroises qui ont jugé Habré l.

 Ahmed BAMBARA

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