Pile les civils gagnent, face les militaires perdent ! Après huit mois de lutte sans merci, l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC) fer de lance des civils, est parvenue à dissiper grandement la buée démocratique dans laquelle, tentait de les maintenir le quarteron de généraux, ex-compagnons d’Omar El Béchir : par un accord scellé l’avènement du Conseil de souveraineté, respectivement le samedi 17 et dimanche 18 août 2019.
Là devant les parapheurs, le général Mohamed Hamdan Daglo n°2 de la junte et Ahmed Al-Rabie de l’ALC et à côté d’eux de part et d’autre, le premier ministre éthiopien, Ahmed Aby et Moussa Faky, le président de la commission de l’UA, dont les deux médiateurs auront fait un travail formidable, en parvenant à cette paix par écrit. Derrière les signataires, les présidents Uhuru Kenyatta du Kenya, Salva Kir du Soudan du Sud, Idriss Deby du Tchad… Des images qui ont suscité une liesse de joie depuis Atbara, la ville d’où sont parties en premier les émeutes de la faim ce 19 décembre 2018, jusqu’à Khartoum, la capitale.
Oui, avouons-le : cran après cran, les Soudanais se détutelarisent du joug des soldats entrés par effraction en politique, petitement en 1989, quoique à renfort de grand bruit de fusils par un coup d’Etat.
Avec la conviction d’une éthique politique inébranlable chevillée au corps, l’ALC et l’Association des professionnels soudanais (APS) et tous les démocrates, sont entrain de conquérir leur liberté pour l’avènement d’un Etat de droit au grand dam de la soldatesque.
Un premier ministre Abdallah Hamdek désigné, qui attend le feu vert du Conseil de souveraineté, un Accord politique dans la main, un organe exécutif avec ses 11 commissaires, un gouvernement pour le 28 août, et les 300 parlementaires dans 3 mois, assurément le puzzle institutionnel de transition est en branle.
A l’évidence, et au regard de l’âpre lutte menée par le peuple soudanais, et vu le sang des martyrs de la démocratie versé, absolument rien ne semble pouvoir entraver cette marche héroïque vers des horizons prometteurs.
Vigilance tout de même, eu égard à cette longue transition de 39 mois. Un interminable intérim dont les 21 premiers seront assurés par un général parmi les 5 militaires du Conseil de souveraineté.
Ce sera presque 2 années délicates de surveillance mutuelle, d’actions calculées, car si les soldats ont de guerre lasse, lâcher prise pour s’accommoder avec la volonté du peuple, in petto, ils n’ont guère renoncé à rester dans le jeu politique voire demeurer maître du jeu, jusqu’en 2022 et au-delà. 30 ans de pouvoir crée l’addiction pouvoiriste !
Et ce sera également de la responsabilité du civil qui prendra les rênes les derniers 18 mois de faire de sérieux correctifs, et de conduire impérativement cette transition à bon port avec des élections «propres», transparentes et acceptables. Bref d’indiquer le chemin des casernes aux militaires, et aux civils de gouverner.
Ce sera un tango de 3 ans et 3 mois entre 2 entités qui se sont détestées (civils et militaires), lequel tango s’apparente à une danse de saint Guy, car la moindre anicroche peut faire déraper le processus. En outre quand bien même, on parviendrait au terme des 39 mois sans problème, l’élection en elle-même fera l’objet de toutes les convoitises et de toutes les tentatives de stipendiations via des candidatures fourrées et un processus vicié.
Les Soudanais ont gagné la première manche de leur combat, mais embarqués dans le même bateau que leurs ex-bourreaux, le qui-vive est impératif. Les you-you qui ont accueilli le général Hemetti avec «sang pour sang» au sortir de la signature de l’Accord est indicateur de la méfiance prégnante, les fantômes des 127 tués du 3 juin 2019 le poursuivent. Les Soudanais ont décidé de ne plus regarder passer les trains de l’Histoire, mais d’y être et même d’être aux commandes de la locomotive. Cette posture aura un coût.
Zowenmanogo ZOUNGRANA
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