Le 266e successeur de Saint Pierre foule le sol de la RDC aujourd’hui 31 janvier 2023, 37 ans après la dernière visite d’un pape, Jean-Paul II. Un agenda papal studieux qui est loin d’être symbolique donc dans ce pays-continent où la moitié de la population (45 millions) est catholique, une visite qui revêt alors plusieurs dimensions :
– D’abord politique : En RD Congo, la vie de la chrétienté catholique chemine avec celle politique pour ne pas dire qu’elle se confond à celle-ci, voire l’impacte. Depuis la pagailleuse conférence nationale souveraine (CNS) des années 90 dirigée par Mgr Laurent Monsingo jusqu’à l’Accord de la Saint-Sylvestre sous l’égide de la CENCO avec Mgr Fridolin Ambongo en passant par les marches de la Coordination des Laïcs catholiques (CLC), l’Eglise catholique a toujours été à côté de la politique, pour ne pas dire au cœur. Et même sociologiquement, comme dans bien d’autres pays sous les tropiques, elle a joué le rôle de suppléant à l’’Etat en matière de santé et d’éducation.
Politiquement, outre les craintes d’un remake de 2019 (report de la présidentielle), les Congolais attendent que le Pape soit la voix de cette masse d’électeurs à qui on floue souvent la victoire . Les 40 000 observateurs de la CENCO, lors de l’élection passée avaient désigné Martin Fayulu comme vainqueur…
Une élection propre, transparente et le respect du verdict des urnes, voilà le message que pourrait délivrer le pape François. La Conférence épiscopale congolaise a aussi là l’occasion de réitérer ce qu’elle attend de ce vote crucial.
Pain béni aussi pour le président Felix Tshisekedi de se réconcilier mieux avec cette Eglise frondeuse et portant la soutane de contre-pouvoir : le chef de l’Etat et l’Eglise devront solder les comptes de cette dernière élection, mais aussi du choix querellé de Denis Kadima comme président de la CENI, un choix contesté par l’Eglise. Un choix d’ailleurs qui cache un problème plus profond, celui de l’ancrage des Eglises du Réveil lesquelles taillent de plus en plus dans les rangs du catholicisme.
Il y a aussi le volet justice. Le pape parlera sûrement de cette valeur cardinale, car la justice sociale est non pas un dogme mais prônée par l’Eglise, justice humaine, surtout et aussi intemporelle. Dans cette RD Congo où les inégalités sociétales créent forcément des injustices, la voix du pape devrait appeler à les réparer.
Ensuite, en plus de cette présidentielle et cette justice sur lesquelles le pontife romain relayera les aspirations du peuple, l’agenda papal sera garni par l’évocation de l’introuvable paix dans l’Est du Congo empêtré dans une guerre depuis des décennies, une guerre oubliée, médiatisée par intermittence, alors qu’elle fait beaucoup de victimes et provoque des exodes internes à bas bruit.
Oui, le pape François ne pourra pas se taire face à ce conflit régional, opposant manifestement la RDC et son voisin le Rwanda, et dont Goma est l’épicentre. MONUSCO, armée congolaise et maintenant une cavalerie sous-régionale, rien n’y fit le M23 et bien d’autres spadassins écument le Nord-Kivu. Oui, sa sainteté pourrait reprendre à son compte les 2 exhortations de son prédécesseur (Bénoit XVI) faites en Angola et au Bénin en 2009 portant sur «l’Eglise en Afrique au service de la réconciliation, de la justice et de la paix», une sorte de charte que lui-même a dispensée en République centrafricaine en novembre 2015, lorsque Catherine Samba Pansa, la présidente de la Transition tentait en vain de faire fumer le calumet de la paix chrétiens et musulmans.
Sur sa chaise roulante ou dans sa papaMobil, le pape François rappellera à ses ouailles congolais un des points fondamentaux du concile de Vatican II (1962-1965) auquel l’Eglise était parvenue, l’aggiornamento une ouverture de l’Eglise au monde, qui englobe l’inculturation et autres «africanisations» ecclésiales, pour leur dire que rien ne vaut le droit à la différence, rien ne vaut la vie humaine, et il faut la préserver par la paix.
Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana
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