«Ajustement» des troupes de Barkhane au Sahel : Il est l’heure de se laver le dos

«Ajustement» des troupes de Barkhane au Sahel : Il est l’heure de se laver le dos

Lorsque les armes de l’opération Serval crachaient pour la première fois entre les dunes du Sahel, les soldats français qui la composaient, et peut-être ceux qui leur donnaient des ordres, ne pensaient pas qu’elle allait prendre autant de temps. Une frappe ponctuelle et éclaire était promise. L’enlisement n’était pas au programme.

Mais huit ans plus tard, le constat est bien présent et clair comme une arme sur l’épaule d’une tourterelle. Le félin a pris les plumes de l’Epervier avant de muer pour prendre les formes des grains de sable des dunes de Barkhane. Pendant la durée de cet engagement sur le théâtre des combats au Mali, au Niger ou au Burkina Faso,  du vent a soufflé entre les épineuses. Des questions se posent. Des réflexions se font. Et les Français, bailleurs de fonds de cette armée déployée loin de son territoire, dans cet avant-poste africain, commencent à grommeler.

Le ministre des armées Florence Parly l’avait évoqué. C’est désormais officiel. Puisque la voix de l’Elysée, le président Emmanuel Macron, l’a annoncé. La force Barkhane va connaître des ajustements. Et on peut le comprendre. De nombreuses raisons dansent autour de ce feu de réaménagement, l’attisant avec leur ahanement et l’exhalation de leurs soupirs.

D’abord, 55 soldats français ont perdu la vie sur le sol sahélien. Vu d’Afrique, depuis les casernes nigériennes, maliennes ou burkinabè, ce nombre peut ne pas s’avérer exorbitant outre mesure. Mais les Français sont loin de leurs frontières. C’est vrai qu’ils se battent avant tout pour protéger leurs concitoyens. Il reste toutefois qu’il s’agit d’une guerre qui concerne au premier chef, les armées africaines. Et dans l’opinion française, la mort d’un seul soldat suffit à hérisser les poils et à braquer.

Ensuite, entretenir 5 100 soldats ne doit pas être une mince affaire pour la poche du contribuable descendant des Gaulois. Le budget ferait sans doute pâlir et il doit être éreintant dans un environnement économique morbide, flagellé et chicoté par une pandémie à coronavirus qui n’en finit pas de confiner le monde et de l’étouffer. Assurément, réduire ou ajuster, c’est selon, reviendrait à desserrer la corde qui serre le cou des financiers de l’armée française.

Enfin, les soldats français sont venus au premier chef «aider» les Sahéliens. Toutefois, cette aide ne semble pas peser très grandement dans la balance de ce fameux « sentiment anti-français » qui enfle, gonfle et déborde, dégouline sur la coopération entre la France et les pays du G5 Sahel. Sommet de Pau après sommet de Pau,  les actions, même bonnes, ne trouvent plus grâce aux yeux d’une bonne partie de l’opinion africaine, qui croit que l’Hexagone n’œuvre jamais pour le bien de ses anciennes colonies et qu’elle invente sans cesse des moyens, astuces et autres trucs de diableries pour les assujettir davantage afin de mieux profiter de leurs richesses. Dans ces conditions, il est évident que les forces armées françaises vont difficilement pouvoir travailler avec les populations dans le cadre des opérations de sécurisation et de traque des terroristes. Sans compter que les bavures ou les présumées erreurs de jugement attribuées aux soldats français ne font rien pour arranger les choses.

L’un dans l’autre, Emmanuel Macron n’a plus vraiment grande latitude que de procéder à «l’ajustement» des troupes déployées. Certains fauteuils présidentiels africains ont dû grincer en entendant cette annonce. Car une réduction du nombre des fantassins français reviendrait à demander un plus gros effort aux armées sahéliennes, afin certainement de combler les vides qui seront laissés.

Mais ne faut-il pas se résoudre à caresser fermement cette option ? Les soldats des pays du G5 Sahel doivent se laver désormais le visage, mais aussi le dos. Cela est important et c’est la pérenne solution. Il faut avoir le courage de se le dire. L’armée française ne peut pas rester indéfiniment. Il viendra un temps où les forces africaines devront s’assumer. Etre plus efficaces face à des défis comme Farabougou.

On n’en est pas encore  au départ définitif. Le président français a assuré qu’il tiendra ses engagements. Lesquels ? Le sommet  de Djamena pourrait peut-être apporter plus de lumière.

 Ahmed BAMBARA

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