Amnistie de Simone Gbagbo, Soul to Soul … : Ouattara tend (enfin) la main à la réconciliation

Amnistie de Simone Gbagbo, Soul to Soul … : Ouattara tend (enfin) la main à la réconciliation

Ce n’est pas la surprise du chef, mais ça y ressemble. Le 11 juillet dernier, le président Ouattara avait promis que lors de son grand oral à la Nation, le 6 août, fête de l’indépendance, il fera des propositions et prendra des mesures hardies. Il s’y est conformé. Au-delà de la rhétorique convenue en pareille circonstance, plat réchauffé à chaque occasion similaire, le n°1 ivoirien a voulu annoncer des signaux forts qui vont dans le sens de la consolidation d’un des chantiers resté en rade, dans ses promesses électorales du 1er comme de ce second mandat : la réconciliation nationale.

Au-delà des ponts et autres infrastructures, des comissions vérités et réconciliation, commission d’enquête spéciale et Cie, le capitaine ADO, compte bien garder le cap, tout en sachant que le bateau Côte d’Ivoire est encalminé dans la houle de cette réconciliation, dont il ne peut ignorer les effets sous-jacents désastreux, que sont la dislocation progressive du vivre-ensemble, les grèves, les mutineries à tiroir… Tout en déplorant justement que ce qui fait le ciment de ses concitoyens foute le camp avec les attaques des symboles de l’Etat, il a endossé le costume du père de la Nation, en déclarant que la paix n’a pas de prix, et que pour cette paix, il est prêt à tout sacrifice. D’où l’ordonnance présidentielle d’amnistie pour essayer de dérider une Côte d’Ivoire, constipée politiquement, malgré les apparences :

800 Ivoiriens poursuivis ou condamnés bénéficient donc de cette grâce du prince. Que ce soit les 500 déjà en liberté provisoire ou les 300 sous écrou, l’amnistie entre en vigueur, même s’il est vrai qu’une soixantaine de la soldatesque qui a commis des crimes de sang reste dans les liens de la justice. On aurait rien trouvé à redire sur ce pouvoir discrétionnaire du chef d’Etat ivoirien si ne figuraient dans ces graciés Simone Ehvet Gbagbo, Moïse Lida Kouassi, Assoa Adou et ‘’Soul to Soul’’, des figures emblématiques de la politique ivoirienne. L’illustre femme de la ville de Mousso au visage anguleux, au verbe sans peur, fondatrice et passionaria du FPI et épouse du président Laurent Gbagbo, arrêté le 11 avril 2011, a été jugée et condamnée par la Cour d’Assises d’Abidjan, à 20 ans de prison le 10 mars 2015. Jugée avec 78 coaccusés, l’ex-recluse d’Odienné, était aussi réclamée par la CPI. Et si le président Ouattara a refusé son transfèrement à La Haye comme son mari, c’est qu’il savait que ça passait mal, cette justice qui semblait ne viser que les vaincus, en particulier les personnalités du FPI.

Absous aussi par cette amnistie, Moïse Lida Kouassi ex-secrétaire national du FPI, ex-ministre de la défense et ex-député FPI de la commune de Marcory-Abidjan, autrement dit, une grande étoile de la galaxie frontiste ivoirienne dont Ouattara vient d’effacer la peine. Autre levée d’écrou par cette amnistie, celle concernant Assoa Adou, ancien ministre de Gbagbo condamné à quatre ans de prison par la même Cour d’Assises pour complot contre l’autorité de l’Etat. Et si surprise, il devait y avoir dans ces libéralités présidentielles, c’est surtout le cas de Souleymane Kamagaté alias «Soul to Soul», celui qu’on a nommé à juste raison «l’ombre de Guillaume Soro». Emprisonné pour détention d’un arsenal d’armes, le directeur du protocole de Soro, paie peut-être pour son camarade «Bogota» (surnom de Soro à l’université) au plus fort de la crise entre l’enfant de Ferké et le président Ouattara.

En amnistiant toutes ces fortes têtes, Ouattara tend la main, sur le tard ( ?) à la réconciliation. Il a toujours su qu’en dépit des résultats des urnes, un Ivoirien sur deux ne l’a pas voté et le train de la réconciliation à défaut de dérailler n’est jamais parvenu à la gare de la paix des cœurs. A deux ans d’une présidentielle à haut risque, Ouattara veut sans doute calmer le jeu, mettre balle à terre, car plusieurs fronts hostiles sont aujourd’hui carrément ouverts : le FPI, le PDCI dont le «Boudda» de Daoukro qui peste contre son allié stratégique et aussi Soro, qui sans le dire crie à l’ingratitude, lui aussi qui pense que l’heure (2020) est venue de lui retourner l’ascenseur par un adoubement pour la présidentielle. Mais si par cette amnistie Ouattara souffle le froid, par rapport à l’échéance de 2020, c’est la même antienne qu’il a entonné «tous ceux qui veulent être candidats peuvent l’être». Chiche ! Mais au niveau du RHDP, qui du PDCI ou du RDR, dégagera ce candidat pour postuler au mandat suprême ?

Que le président instruise le gouvernement de revoir la composition de la CEI qu’il professe qu’il faut passer la main aux jeunes, tout cela, c’est un langage diplomatique ça fait politiquement correct, mais la question dont Bédié et le FPI veulent la réponse est celle-ci : est-ce que Ouattara va respecter le pacte qui le lie et qui stipule qu’en 2020 c’est autour d’un du sérail du PDCI de se mettre sur la ligne de départ ? Hier Alassane Ouattara a enfin mis le curseur sur la réconciliation nationale, mais le flou artistique n’est pas encore dissipé quant à l’identité, voire le portrait-robot du porte-étendard du RHDP, ce parti unifié, en théorie, mais non dans les faits. Car la réconciliation est actuellement consubstantielle à cette présidentielle de 2020. De la capacité de Ouattara à choisir un candidat consensuel, dépend, le prolongement de cette paix fourrée en terre d’Eburni. Et la dessus, il faudra un autre grand oral, ou un congrès du RHDP pour dissiper ce mystère qui n’a que trop duré et qui  créé objectivement les conditions d’un nouveau cahotement politico-militaire. Plaise à Dieu que les autorités et la classe politique sachent raison garder et sauver le pays plutôt que leur panse et égo.

 

Zowenmanogo ZOUNGRANA

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