Mali. Sévaré. Mopti. Salutations. Effusion de joie. Poignées de mains. Discours encourageants. Salamecs d’usage! La visite du secrétaire générale de l’ONU au Mali lui a sans doute fait du bien. Un bien moral. A quelques encablures des élections présidentielles prévues pour juillet 2018, les manifestations d’amitié et ces types de courtoisie font du bien, surtout aux organisateurs de ce scrutin. Le chiffre est symbolique, 29 mai-29 juillet ; à deux mois piles d’une présidentielle aussi cruciale qu’inflammable que celle malienne, le séjour du patron onusien se veut être un geste d’encouragement et de solidarité envers un pays où les ‘’soldats de paix’’ paient un lourd tribut humain depuis 2013, plus de 70 morts. Un séjour marqué d’actes forts, qui même dans un Mali où le ‘’djatiguia’’ (fraternité) a foutu le camp ne laisse nul indifférent : hommage aux casques bleus tués, au siège de l’institution à Bamako, visite du QG de la force G5-Sahel à Sévaré, à 600 km de Bamako, passage à la mosquée de Mopti pour la rupture symbolique de jeûne et présentation de condoléances pour le décès d’un imam. Toutes choses pour montrer qu’il attache du prix à ce qui se passe dans l’ex-Soudan français, devenu par la force des djihadistes un bourbier pour les casques bleus.
Mais le mérite risque de s’arrêter là. Il y a de grands problèmes actuellement au Mali. Le plus proche et le pressant reste l’évacuation du choix du nouveau président de la République. C’est le casse-tête qui doit certainement turlupiner les locataires du palais présidentiel de Koulouba. La question lancinante c’est comment sécuriser un si vaste territoire, mais surtout, quelle formule magique et maraboutique prononcée pour que le Centre et le Nord du pays soient débarrassés de ses occupants armés, ne serait-ce que le temps de tenir cette élection. Cette tournée au pas de course s’apparente à celle d’un général, et dans le cas malien il l’est, un général venant requinquer le moral de ses troupes surtout à l’approche d’une bataille asymétrique qu’il sait inéluctable : celle de la sécurisation de la présidentielle du 29 juillet face aux djihadistes. Même s’il a aussi revêtu la tunique du diplomate, face aux jeunes, aux OSC et aux religieux, c’est bien la casquette du commandant en chef suprême de la MINUSMA qui était visible. Et plusieurs questions de tarauder de nombreux esprits :
Avec la visite de Antonio Guterres, les regards se tournent vers le bleu du casque des missionnaires de l’ONU, les éléments de la MINUSMA. Du triptyque prioritaire de Guterres, à savoir, la concrétisation de l’Accord d’Alger, la réconciliation nationale au Mali, les élections transparentes et la sécurité au centre, c’est sans doute la dernière qui est d’une brûlante acuité, élections de juillet l’imposent. A commencer par la question basique qui est la suivante : comment la MINUSMA peut participer de façon efficiente à sécuriser les 8 millions 462 mille électeurs que constitue le corps électoral et les 23 041 bureaux de vote dans ce Mali où le Nord et le Centre semblent sous coupe réglée terroriste ? Comment rassurer les 1 197 855 Maliens de Bamako, que les évènements du Radisson Blu, de la Terrasse… sont de mauvais souvenirs ? Quid du centre, Mopti justement très dense vivier électoral avec un 1 036 801 électeurs, mais où sévissent des groupuscules de Iyad Ag Ghali et de Hamadoun Koufa ? Comment d’ailleurs, la fournée de 20 candidats à ce mandat suprême battra-t-elle campagne dans ce Mali où la peur est là à couper au couteau ? En laissant entendre en substance au siège de la force G5-Sahel qu’il était en faveur d’un mandat onusien de cette force G5-Sahel, mais que ce sont les Etats-Unis d’Amérique qui s’y sont opposés, le n°1 onusien, avoue à mots à peine couverts qu’il aurait été plus judicieux, que le G5-Sahel voit son mandat musclé par l’ONU, ce qui lui aurait permis, de remplir le rôle qu’à l’évidence la MINUSMA ne pourra pas faire dans son entièreté. Comprendre : si le G5-Sahel avait plus de moyens de sécuriser cette présidentielle, les casques bleus à défaut d’avoir le fusil au pied, l’auraient en bandoulière mais pour la dissuasion. Car le G5-Sahel a les traits d’un embryon,voire d’un moussaillon donc pas de dents pour mordre assez du terroriste. Cependant, il est regrettable de constater et d’accepter que ces derniers ne font et ne feront que ce qu’ils peuvent pour assurer la sécurité et la tenue sereine du vote, dans la limite de leurs moyens et de leur lettre de mission.
N’empêche, la visite de Antonio Guterres vaut son pesant d’encouragement. Il produit l’effet de la sirène d’un pompier sur un infortuné dont la cabane est en proie aux flammes. Mais il faudrait accepter que l’armée malienne se serre la ceinture, prenne un seau d’eau pour se lancer à l’asphyxie des problèmes qui guettent la tenue du scrutin de juillet. Car c’est cela aussi la souveraineté, un Etat normal, encore si l’actuel Mali l’est, un Etat se doit de pouvoir organiser ses élections, surtout pour désigner son président, une prérogative régalienne qui, malheureusement au Mali ne sera pas assurée par les Forces armées maliennes (FAMA) uniquement. Antonio Guterres au Mali sait que la MINUSMA, tout comme le G5-Sahel, les FAMA et Barkhane seront face à un grand guet-apens, ce vote qu’est cette présidentielle. Il faudra d’ailleurs sauver doublement ce scrutin: de la transparence et de l’insécurité. Asurement dans ce Mali, des grains de sable à compter !
Ahmed BAMBARA
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