C’est sans doute le vrai-faux «penalty historique» qu’il prétend avoir marqué au lendemain de la proclamation de la victoire de Paul Biya à la présidentielle, qui lui coûte des ennuis judiciaires depuis ce 28 janvier 2019, jour où il a été arrêté à Douala, alors qu’il était chez un compagnon politique.
Officiellement, le sujet délictuel qui lui vaut cette arrestation est sa présence samedi 25 janvier dernier, aux côtés des militants du mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), sa formation politique. Des marches d’ailleurs observées dans plusieurs endroits du pays qui avaient été sévèrement réprimées, avec une centaine d’arrestations, qui se sont poursuivies hier 29 janvier 2019.
La goutte d’eau qui a fait déborder le vase et qui coûte bonbon à Kamto a été aussi le sac des ambassades camerounaises de Paris et Berlin. Il est en effet une pratique regrettable hélas qui s’est établie dans plusieurs pays d’Afrique centrale, qui consiste à houspiller, voire agresser des ministres et des personnalités en visite en Occident, soit au sortir d’un restaurant ou de leur hôtel pour réclamer une alternance ou leur ras-le-bol contre les dirigeants.
Opposants gabonais ou congolais (Brazza) ont eu à plusieurs reprises à souffrir de ces désagréments en Europe. Déjà en se proclamant vainqueur de la présidentielle après la décision du Conseil constitutionnel confirmant la victoire de Paul Biya, avec 71,28%, et en franchissant «la ligne rouge» la semaine dernière, l’ex-ministre de la justice, Maurice Kamto, savait qu’il se mettait objectivement dans l’œil du cyclone et prêtait le flanc à une action judiciaire que le pouvoir n’a pas tardé à enclencher.
D’où cette escouade de policiers venus alpaguer le leader du MRC, ce lundi, un leader qui, il est vrai, fanfaronnade mis à part représente une alternance et une alternative pour l’après-Biya, pour peu qu’il sache bien se comporter et massifier son parti. Car en maintenant ses actions anti-Biya, par des méthodes qui jurent souvent avec le droit, il a fait apparaître l’autre visage du chef de l’Etat, réélu pour un 7e bail : celui du père fouettard.
Pour de nombreux Camerounologues, il existe deux (2) Biya, celui d’avant avril 1984 et celui d’après. Celui d’avant le 6 avril 1984 est le Biya, successeur d’Ahmadou Ahidjo, populiste aimant les bains de foule, un peu extraverti et le contact facile avec ses compatriotes.
Et celui d’après le 6 avril 1984 jour du putsch manqué conduit alors par le capitaine Guerrandi et qui s’est achevé par un bain de sang. Depuis cette époque, c’est un président transformé, transmuté qui s’est recroqueville dans sa coquille, absent du pays, souvent à l’étranger, secret, gouvernant à distance, mais jamais par procuration et au courant de tout.
Ce Biya là est impitoyable face à tous ceux qui lorgnent son fauteuil, que ce soit de façon directe ou indirecte. Las dauphins putatifs ? Tous emportés par le gros volatile Epervier du nom de cette opération «Mains propres», qui confine à une opération mise sous éteignoir d’opposants ou de proches qui se sont mis à vite rêver d’un après-Biya. Nombreux sont ceux tels Hamidou Marafa, Antagana et Cie qui croupissent en prison, pour avoir cru que Biya les préparait pour lui succéder.
Affable, âgé et après trente-sept (37) ans au pouvoir, Biya a gardé ce réflexe que certains expliquent également par un autre traumatisme politique: la supposé tentative de son prédécesseur qui avait tenté de revenir, après qu’il lui ait cédé le pouvoir. Et le coup d’Etat raté de 84 serait la naissance du Biya-Janus, qui n’a de problème avec personne, gouverne à vue et ça marche, formatant son peuple qui s’accommode de sa gouvernance avec un parti le RDPC, une machine à gagner les élections.
Il est donc probable qu’après cette audition à la police judiciaire, Maurice Kamto, au mieux, soit condamné à une relative peine, au pire, que la justice ait la main lourde.
On peut déplorer ce 7e mandat qui confine à un règne à vie, mais Biya a été conforté par la Conseil constitutionnel et c’est l’autorité de la chose jugée, les Camerounais, exceptés les reflux identitaires des régions anglophones ont accepté le verdict. Alors, sauf à vouloir faire dans la provocation, Kamto peut contester, mais dans la légalité, sous peine que la verticale du pouvoir lui tombe dessus. Et sur ce plan, il suffit que Biya tourne son autre face…
Sam Chris
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