Son enlèvement et la découverte de son corps mutilé et sans vie dans la matinée du 22 janvier 2023, cinq jours après son rapt, avait créé l’émoi et suscité l’indignation au Cameroun et même hors du pays.
La vague d’émotion provoquée par l’assassinat du journaliste Martinez Zogo avait ébranlé le monde des médias et même les lambris dorés du Palais d’Etoudi dont le locataire, Paul Biya avait exprimé son indignation. Plus d’une dizaine de jours après ce drame qui a emporté une des valeurs sûres du journalisme camerounais et africain, les choses semblent bouger au niveau de l’enquête confiée au secrétariat d’Etat à la Défense dirigé par le «redoutable» Galax Yves Landry Etoga. Comme pour marquer la volonté du régime d’élucider cette «affaire embarrassante», ce dernier n’a pas perdu du temps. Les auditions débutées quelques jours plus tard (sous la pression) ont même conduit à l’audition du commissaire divisionnaire Léopold maxime Eko Eko, patron de la Direction générale de la recherche extérieure (DGRE), le service de contre-espionnage camerounais qui a été entendu le 1er février dernier. Cette audition faisait suite à celle du lieutenant-colonel Justin Danwe, directeur des opérations de la DGRE soupçonné d’avoir piloté l’enlèvement, la séquestration et l’assassinat du rédacteur en chef d’Amplitude FM.
A y voir de près, l’interpellation du maître espion camerounais, constitue une véritable avancée dans cette enquête qui a mis du temps à voir le jour. Elle pourrait aussi signifier que les commanditaires et exécutants de ce crime sont dans les sphères du pouvoir. C’est un truisme, au Cameroun, pays dont le niveau de corruption donne le tournis et le vertige, Martinez Zogo dérangeait par ses chroniques rageuses. Et ses cibles ont manifestement estimé qu’il en faisait trop et que la ligne rouge avait été franchie. C’est donc la solution finale qui a été employée pour le réduire définitivement au silence. Du reste, il se disait menacé, mais avait juré de ne pas céder. Il clamait d’ailleurs dans son émission que seule la mort le ferait taire et qu’il continuerait ses diatribes jusqu’à ce que les personnes qu’il citait soient interpellées par la justice camerounaise. Visiblement bien informé, disposant de moult détails et documents, Martinez Zogo citait nommément des ministres, des hauts fonctionnaires et des personnalités proches du pouvoir. Il avait en outre adressé une série de correspondances au président Paul Biya, au Premier ministre, au ministre de la Justice, au président du Sénat, au président de l’Assemblée nationale et à quelques chancelleries à Yaoundé dans lesquelles il dénonçait les « voleurs » et demandait que la lumière soit faite
Au lendemain de cet assassinat, les regards étaient tournés vers les gros bonnets et puissants du système Biya. Les premiers pas des enquêteurs confortent les défenseurs de cette hypothèse dans leur position et apportent de l’eau au moulin de ces derniers qui avaient vite fait de mettre les caciques du pouvoir au ban des accusés. En attendant donc les conclusions de l’enquête, on pourrait dire que la thèse du crime crapuleux s’éloigne peu à peu. A l’image de plusieurs de ses confrères tués parce qu’ils dérangeaient le festin des princes du moment par leur plume, Martinez a été tué pour la cause qu’il défendait. Et il faut que les auteurs de cette ignominie soient retrouvés et punis à la hauteur de leur crime. C’est le seul et meilleur hommage qui pourrait lui être rendu mais surtout le triomphe de la vérité et de la justice.
Davy Richard SEKONE
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