Bien que les Tchadiens et la présidence tchadienne soient habitués aux coups de feu, aux estocades aussi soudaines que meurtrières, celle survenue ce 8 janvier 2025 entre 20 h et 20 h 50 GMT dans le saint des saints à N’Djamena, Toumaï la Présidence, laisse plus d’une personne sans voix. 19 morts chez les assaillants et 6 blessés, version officielle.
Passée la période de vaticinations, de supputations et des propos rassurants des autorités, du ministre des Infrastructures en passant par celui du grand argentier jusqu’au prolixe et compétent Abderhaman Koulamala, des Affaires étrangères, porte-parole du gouvernement, pétard à la ceinture, et présent dans la cour de la Présidence, on a eu le déroulé de l’attaque avec le même Koulamala face aux diplomates, et cette fois-ci habillé en chef de la diplomatie tchadienne. Il s’agit d’une action «de 24 jeunes assaillants menus de coupe-coupe lesquels ont réussi à s’emparer de 2 fusils de sentinellles en faction qu’ils ont tué. Risquons-nous à aller au-delà de l’évènementiel !
Boko Haram ? Possible. Rébellion au sein de la garde présidentielle ? Toujours plausible ! Tentative éperdue de déstabilisation issue d’une 5e colonne ? Encore une hypothèse sérieuse, dans ce Tchad où malgré des élections et des discours sirupeux, le pouvoir a été toujours au bout du fusil, et détenu, depuis 4 décennies par une fratrie d’Amdjareff : les Deby !
Un pouvoir qui connaît depuis le père, le maréchal-président, jusqu’au fils, ces itératives attaques toujours repoussées, mais toujours prégnantes. Le 2 février 2008, il y a 16 ans, c’est recoins après recoins que le chef «Warrior» d’alors et président de la République, Idriss Deby Itno, a échappé de peu à un régicide, œuvre d’une rébellion qui avait réussi le toupet de parvenir aux faubourgs de la présidence, et de s’y introduire. La France avait du reste, proposé d’exfiltrer le célèbre locataire, qui refusa et parvint à neutraliser les assaillants. Vain répit car plusieurs fois, les rebelles viseront N’Djamena.
Ces genres de coups comme celui de ce 8 janvier qu’ils fussent ourdis à l’intérieur de la capitale ou dans les lointaines grottes du Tibesti ou à la lisière frontière libyenne ou soudanaise, doivent être analysés à l’aune de la situation nationale tchadienne quasi inchangée depuis des lustres.
Comment expliquer qu’au sortir d’assises nationales, arbre à palabre censé aplanir les contradictions profondes, il s’en trouve des citoyens qui veulent l’instabilité du pays ?
Quel sens donner à cette présidentielle et à ces législatives boycottées par l’opposition, lesquelles ont fermé en principe la lourde et douloureuse parenthèse de la Transition au Tchad ? Etaient-ce un monologue ou des scrutins trompe-l’œil ?
On peut en tout cas opiner qu’après tous ces actes nationaux, qui doivent cimenter le vivre-ensemble au Tchad, on ne devrait pas assister à de tels agissements comme cette attaque nocturne de mercredi dernier. Car dès lors qu’il y a un consensus politique et social, tous les tchadiens devraient regarder vers la même direction. D’où vient la permanence de ces dissolvants manifestés à coup de canons et d’affrontements sanglants ?
Cette attaque ou ce coup d’Etat raté, met de l’eau au moulin de Succès Masra, le leader des Transformateurs et principal opposant au régime. La mayonnaise des assises nationales et des élections trompe-l’œil n’a pas pris !
Pour celui qui fut premier ministre grâce à un deal concocté à Kinshasa, la logique du pouvoir tchadien tourne avec le même logiciel depuis des années : faire toujours peur, neutraliser le faux frère, le militaire félon réel ou fantasmé ou encore l’opposant opiniâtre, défier les rebelles, tout en montrant un visage attrayant de démocratie, respectueuse des droits et libertés. Une sorte de Janus politique !
Et pourtant, pour peu que le général «Kaka» daigne accepter de jouer pleinement le jeu, il sortira gagnant sur tous les plans : il a toutes les cartes en main et pourrait changer les règles d’airain héritées de son père lorsqu’il s’est emparé de son sceptre en 2021 ! En jouant franc-jeu avec la classe politique, et tous les compartiments de la société civile tchadienne. Bref, avec l’ensemble du peuple, c’est le seul vrai kevlar imparable !
Sam Chris
COMMENTAIRES