Il n’aura fallu que très peu de salive et d’encre pour attribuer le sacre suprême individuel au Français Karim Benzema, tant une course au Ballon d’or a rarement semblé aussi limpide. Le mince filet de suspense voulu pour conserver le caractère majestueux de la cérémonie tenait à peine. Ni immense surprise, ni gigantesque tremblement de terre, Karim Benzema est au sommet de son art et ce Ballon d’or 2022 ne pouvait lui échapper.
En s’adjugeant la prestigieuse distinction individuelle du football ce lundi 17 octobre à Paris en France, l’attaquant du Real Madrid devient le premier Français à soulever le trophée depuis… Zinedine Zidane en 1998 et le 5e après Raymond Kopa, Michel Platini, Jean Pierre Papin et Zinedine Zidane.
Karim Benzema ? Evidemment ! Il suffit de se souvenir de sa saison 2021-2022, pour réaliser que tout semblait écrit. Exception faite de la Coupe du Roi, le Madrilène a remporté tous les trophées disputables la saison écoulée. La Ligue des Nations, la Liga mais surtout la Ligue des champions. Il fut le héros de la campagne européenne du Real Madrid en faisant basculer le destin des siens en huitième, quart et demi-finales au gré d’exploits à jamais gravés dans les registres collectifs du football. On se souvient, notamment, de ses deux triplés. L’un pour couler le PSG à Santiago Bernabeu en espace de 16 minutes et l’autre face à Chelsea. A cela, il faut ajouter un doublé contre City et 15 buts en 12 matchs, pour égaler le record de Cristiano Ronaldo dans la compétition.
Deuxième meilleur buteur européen toutes compétitions confondues avec 44 pions en 46 matchs, il a survolé la saison. Ses faits d’armes personnels et collectifs en faisaient donc l’absolu favori d’une récompense qui flirte particulièrement avec les buteurs. Lorsqu’en plus, il s’agit d’un sujet de la maison blanche, considérée comme une machine à Ballons d’Or, généralement l’issue est indiscutable.
Incontestablement, le bilan collectif du club, sublimé par les statistiques individuelles du fraichement élu ballon d’or donne le tournis : 15 buts inscrits en Ligue des champions, dont 10 en phase finale et la plupart pour sortir son équipe de situations alarmantes, voire désespérées, contre de grosses écuries telles que le PSG, Chelsea et Manchester City.
De ce point de vue, Benzema pourrait même s’imposer comme l’un des Ballons d’or les plus indiscutables de l’histoire, même si son premier dauphin Sadio Mané ne manquait pas d’arguments convaincants. Meilleur joueur et meilleur buteur de la CAN, le Sénégalais, vainqueur par ailleurs de la Cup et de la League Cup, a également mené Liverpool en finale de la Ligue des champions. Malheureusement, il a buté sur la dernière marche en Ligue des champions et en Premier league. Deux échecs qui ont pesé lourd. D’ailleurs, lui-même fait de Benzema le Ballon d’or naturel de cette saison. C’est dire que ce Benzema, en état de grâce était indétrônable cette année. Néanmoins, le capitaine des Lions de la Téranga obtient le classement le plus honorable depuis 1995, année du sacre de George Weah. Didier Drogba avait terminé 4e en 2007, tout comme le même Sadio Mané en 2019. Samuel Eto’o n’a pas fait mieux que 5e en 2009, Mohamed Salah a été 6e en 2018, pendant que Riyad Mahrez finissait 7e en 2016.
Le Sénégal et l’Afrique entière peuvent être fiers de Sadio Mané. Non seulement il replace le football du continent sur le prestigieux podium du Ballon d’or en figurant au deuxième rang du classement final, mais il voit l’ensemble de son engagement social couronné par le prix Socrates. Le milieu de terrain brésilien rêvait d’un monde juste et humain, la planète foot a décelé ces valeurs en ce buteur qui consacre une bonne partie de ses revenus au développement de son village natal Bambili, à travers notamment la réalisation d’infrastructures scolaires et sanitaires.
Les autres outsiders se trouvaient parmi les coéquipiers de Karim Benzema. Thibaut Courtois, meilleur joueur de la finale de la Ligue des champions, avait des arguments à faire valoir. Mais son poste de gardien de but reste toujours un lourd handicap dans cette récompense individuelle qui glorifie les buteurs. Vinicius Junior, lui, a beaucoup marqué (22 fois la saison dernière) et notamment le but le plus important de l’année en finale de Ligue des Champions au stade de France. Mais il reste le lieutenant de Benzema. Mané, Courtois et Vinicius se disputaient donc une prestigieuse place sur le podium, c’est le mieux qu’ils pouvaient espérer. Tout comme Kevin De Bruyne, maître à jouer de Manchester City ou Robert Lewandowski, meilleur buteur européen une fois de plus.
Pour la première fois depuis 16 ans, le podium n’a pas enregistré la présence des deux légendes du Ballon d’or. Alors que Messi ne figurait même pas dans les 30 nominés, Ronaldo lui, pouvait sans plus se réjouir d’y être. Kylian Mbappé, qui a souffert de l’élimination trop précoce du PSG en Champions League malgré une grosse saison statistique et Erling Haaland qui fait un début de saison stratosphérique devront patienter une année de plus pour essayer de prendre la relève, car cette année, Benzema était bel et bien intouchable. Absent de l’équipe de France entre 2015 et 2021 après «l’affaire de la sextape», l’attaquant aux 97 sélections ne voudra certainement pas en rester là, après sa traversée du désert. Le Mondial 2022, au Qatar lui offre l’occasion d’inscrire une autre ligne dorée à son palmarès déjà bien garni.
Hamed JUNIOR
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