Bensalah président intérimaire en Algérie : C’est désormais la rue contre l’armée et le système Boutef

Bensalah président intérimaire en Algérie : C’est désormais la rue contre l’armée et le système Boutef

Abdelkader Bensalah 77 ans est désormais depuis hier 9 avril 2019 président par intérim de l’Algérie. En une cérémonie laconique, celui qui fut dans les années 90 président nationale de transition, retrouve 30 ans après, le même poste, c’est-à-dire président intérimaire.

L’histoire veut bégayer en Algérie, et c’est ce que rejette la marée humaine qui emplit les rues du pays. Le Parlement a tranché en faveur de l’article 102 de la Constitution au détriment de l’article 7 réclamé à cor et à cri par les manifestants. Le Parlement fait plaisir à l’armée, précisément à son chef, Gaïd Salah. Ce dernier n’a pas caché sa volonté de voir suivre la Constitution algérienne à la lettre, quoi qu’il arrive, et ce, dès le départ. Mathématiquement 102 est supérieur à 7, mais tout comme 1+1 n’est pas forcement égal à 2 en politique, dans le cas de l’Algérie, l’article 7 semble prendre le pas sur le 102, car le premier représente le peuple, or la constitution est l’émancipation de ce même peuple, via les législateurs. L’armée a opté pour la Loi fondamentale, mais quelle constitution ? Celle violée à maintes reprises par le pouvoir en place ?

C’est pourquoi, la rue n’est pas très amoureuse, sinon pas du tout, de ce dénouement proposé par l’Assemblée nationale. Le motif est simple. Chat échaudé craint l’eau froide. Pendant 20 ans, les Algériens ont été étouffés par un clan. Une caste. Un camp. Une famille qui a passé le temps à  faire rouler la quille des richesses entre les mêmes bornes, laissant la majorité au bord du jeu, obligés d’être contemplatifs, de simples spectateurs de leur destinée dévorée par des appétits voraces d’individus jamais rassasiés.

Et ces rapaces ont élu des gardes-chiourmes formatés pour veiller à la sauvegarde de leurs intérêts, à lutter et à décimer toute excroissance pouvant nuire à ces intérêts. D’où l’aversion des Algériens pour les ‘’3 B’’, Bedoui, premier ministre, Belaiz, président du Conseil constitutionnel et bien sûr, Bensalah, qui a étrenné la présidence intérimaire. Car pour ceux qui battent le macadam depuis des semaines, si les 3 restent, c’est bonnet blanc, blanc bonnet avec la présidence de Boutef, car, on a fait que ravaler les façades, mais l’édifice reste intact. Quelle garantie y a-t-il que Abdelkader Bensalah n’est pas l’une de ces sentinelles ? Ou du moins, qu’est-ce qu’il a bien humé et bien savouré et compris la composition du vent de changement qui souffle sur l’Algérie ? Pas grand-chose comme preuve à  se mettre sous la dent. Voilà pourquoi les Algériens ne veulent plus rien savoir de tous ceux qui ont gravité pendant ces  20 ans sous l’ombre de Bouteflika, ou surtout, qui ont peut-être constitué les piliers du hangar qui a produit cette ombre et qui l’ont déplacée au gré de leurs appétences.

Il y a par conséquent trop de chances que le régime rebondisse sur ses pieds comme un chat après sa chute vertigineuse pour laisser ses «bourgeons» porter les fruits de leur révolution. La naissance de l’idée d’une transition en dehors de la Constitution actuelle est fertilisée par cette idée.

Mais voilà que le Parlement a choisi la voie que ne veut pas la rue. Cela entraîne deux grilles de lecture.

La première c’est que le Parlement, duquel Bensalah est adossé ait une certitude. Celle que c’est en réalité l’armée, donc Gaïd Salah, qui a réellement poussé Bouteflika vers la sortie et que la rue n’était qu’un alibi, un faire-valoir, une légitimation. Ce serait par conséquent une révolution de palais des plus banales à laquelle le monde a assisté, croyant, pour une fois, que la rue a vraiment dit son mot dans la gouvernance d’hommes et femmes cupides, avides de pouvoir et de ses retombées. Le général Gaïd Salah sera alors obligé de rabattre ses cartes et de montrer son vrai visage. Cela signifiera le début d’une répression ferme et dissuasive contre cette «rue» qui pensait pouvoir avoir le pouvoir et qui avait en réalité été laissée surfer sur son bon nuage. L’heure du rêve brisé aura donc sonné. Cette révolution joyeuse se fracasserait et les rires se transforment en rictus, car ce serait une grosse imposture à laquelle, on aurait assisté, et pour la seconde fois, après Boumediene en 1965, les militaires seraient encore sous les feux de la rampe.

Ce serait aussi l’heure de la vraie révolution et de la réelle bataille des Algériens, si tant est qu’ils tiennent à ce changement radical et en profondeur de la façon de gouverner. Ce sera peut-être l’heure de la fin de la manifestation «soft».

La seconde grille voudrait dire peut-être que l’armée craint une déstabilisation du pays, avec le risque du vide juridique, porte ouverte au chaos,  d’une mise à l’écart de la Constitution. Même là, cet argument volerait bas car, rien ne coûterait à cette même armée de se concerter avec les marcheurs, pour trouver un modus vivendi. Encore que les Algériens ont dit clairement ce qu’ils veulent. Pour les Algériens, le tout-puissant général Gaid doit partir également, car il est une fabrication du système qui s’écroule.

Désormais, ce sera les 90 jours les plus longs de l’Algérie, car à présent, c’est la rue contre l’armée et le système Bouteflika et il faut redouter le face-à-face Armée-manifestants. Car un bras de fer entre la rue et l’armée nationale est une perspective qui risquerait d’enlever le «cachet propre» de cette révolution. La première bribe de réponse de ce qu’il adviendra, on l’aura ce vendredi 14 avril 2019.

Ahmed BAMBARA

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