Les armes ont crépité à Ménaka au Mali. Dans cette partie du territoire où les groupes armés font la loi, la tenue effective de la présidentielle s’écrit avec de nombreux pointillés et de points d’interrogation. Surfant sur les fibres communautaires et ethniques, le Gatia, le MSA et le Ganda Izo, trois groupes armés, se font la guerre, empilant les morts.
Un accord avait semble-t-il été trouvé et signé le 5 mai 2018 à Bamako. Mais les signataires ont trouvé l’interstice pour remettre en cause le parchemin paraphé. Le grain de sable qui a grippé la machine de la paix et de l’arrêt des hostilités est la personne qui a signé au nom du Ganda Izo. Mohamed Attaib Sidibé ne serait plus membre de ce mouvement.
Et le mouvement dont il se réclame ne le reconnaît plus, rendant par conséquent dans une zone de non efficacité, l’accord signé. Conséquence, une centaine de morts en quelques semaines, immolés sur l’autel d’une bagarre fratricide aux relents communautaires entre touaregs, daoussaks et peuls. Comme si cela ne suffisait, le secrétaire général du Ganda Izo Abdourahmane Diallo trouve que la force Barkhane ne devrait pas allier le Gatia et le MSA à la lutte contre le terrorisme. Du reste, il voit une main politique derrière l’accord jugé bancal du 5 mai 2018.
Une manipulation politique de qui ? Une question dont la réponse reste en suspens. Mais l’on pourrait soliloquer. Le Gatia étant un groupe armé proche du gouvernement, la tentation de croire qu’il fait allusion au pouvoir de Bamako est grande. Le Mali tentant de voguer vers le programme Désarmement, démobilisation et réinsertion, impliquant une intégration des groupes armés dans les forces armées nationales, le pouvoir malien pourrait bien être tenté de faire en sorte que les groupes alliés aient les territoires d’influence les plus étendus possibles, afin que le redéploiement soit le plus fluide possible. Toutefois, ce même reproche peut être fait aux autres groupes. Mais ceci reste dans le domaine du soliloque.
Pour revenir dans un secteur plus cartésien, il faut noter tout de même que le Premier ministre Boubèye Maïga a mis les pieds à Ménaka. Ce qui représente une deuxième prouesse pour celui qui a réussi à atterrir à Kidal sans soulever une tempête de courroux des groupes armés sur place. Sans conteste, il mouille le boubou et n’hésite pas à mettre la main dans le cambouis.
Et l’enjeu est très important, biscornu et vissé sur un seul crâne : la présidentielle de juillet prochain. D’une part, il faut que cette élection présidentielle se tienne sur l’ensemble du territoire. Mais les coups de feu et autres massacres dans le Nord du pays n’apportent aucune garantie à la réalisation de ce vœu. Le risque est important que tous les Maliens ne puissent pas exercer leur droit de vote et désigner leur président dans quelques mois. Le Premier ministre est en quelque sorte le cheval qui doit galoper dur et se tremper les poils pour atteindre cet objectif et Soumeylou Boubèye Maïga ne semble pas rechigner à la tâche.
Le second élément est que le Président Ibrahim Boubacar Kéïta a un bilan à défendre, lequel devrait lui donner des gaz pour avancer vers une reconduction de son mandat à la tête du Mali. Or, la sécurité et la réunification du pays constituent la partie la plus importante de ce bilan sur lequel les Maliens vont le juger. Il est d’une nécessité capitale pour IBK de ne pas faire pâle figure lorsqu’il sera question pour lui d’aborder ces questions et lorsqu’il devra répondre à ses adversaires qui ne manqueront certainement pas de le tacler sur ce point-là.
Il reste maintenant à savoir si les efforts du Premier ministre suffiront à ne pas faire baisser le bonnet du locataire du palais de Koulouba. Juillet n’est plus si loin.
Ahmed BAMBARA
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